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Manque criard de clients dans les librairies : La culture de la lecture remise en cause au Mali

Le métier du livre, notamment de libraire par terre constitue un métier assez florissant au Mali. Malgré l’accessibilité de ces livres par terre, l’afflux des clients n’est pas à hauteur de souhait. Les plaintes sont multiples. Nous nous sommes alors approchés certains vendeurs afin de recueillir leurs impressions sur ce qui pourrait expliquer ce qu’on peut appeler comme un manque d’intérêt des Maliens à la lecture, voire aux livres. Sur le sujet, des professeurs et  étudiants se sont également exprimés.

La vente des livres par terre est sans doute pour certains un manque d’emploi. Pourtant l’exercice de ce métier requiert une certaine expérience selon ses pratiquants.  En tout cas, c’est qui nous a laissé entendre certains vendeurs de livres qui soutiennent que n’importe qui ne peut pas vendre des livres. « Je fais la vente des livres il y a plus de 20 ans.  Pour tout vous dire, toute personne qui  n’a pas étudié ne peut pas vendre des livres. Ce travail ne peut s’exercer sans une certaine connaissance.  Il faut connaître les titres et savoir quels livres il faut pour tels élèves ou tels étudiants ainsi que pour telles classes », nous explique Sekou Sidibé, vendeur de livres par terre sur la colline du savoir à Badalabougou (Université). Les vendeurs de livres par terre se disent être fiers de leur travail et nous font comprendre que la vente de ces documents leur permet d’avoir plus de connaissances. Cependant, ils déplorent la faible fréquentation de leur librairie par les étudiants. C’est ce que nous explique Ousmane Traoré, vendeur de livres à Kalaban-Coura : « Il y a bien longtemps que je vends ces livres. Malgré le bas prix auquel je les vends, j’ai constaté que les livres ne  sont pas assez exploités par les apprenants maliens. » Il poursuit en  ajoutant que les personnes qui achètent plus de livres sont les étrangers. Il nous fait savoir que certains apprenants maliens peuvent faire plus d’un an sans chercher  à acheter un seul livre.

Interrogés également par notre équipe, les vendeurs de livres du marché de Dibidani nous font entendre que les livres sont moins achetés en cette période. C’est en tout cas ce que Yaya Koné, vendeur de livres par terre dans ce marché, nous explique en nous faisant comprendre que la vente des livres devient assez florissante pendant les rentrées  des classes et les périodes d’évaluations. Hormis ces périodes, les livres ne sont pas achetés. À cette déclaration s’ajoute celle de Cheick Traoré, vendeur de livres dans le même marché, qui  soutient les propos de M. Koné en disant que les livres ne sont plus achetés maintenant : « Auparavant, les livres étaient très achetés, et cela, même si  les prix étaient élevés, les gens achetaient nos livres et nous  en tirions profit. Tel n’est plus le cas actuellement ».  Karamogo Konta, bouquiniste devant l’École Normale Supérieur (EN.SUP) nous fait savoir que les étudiants n’achètent plus de livres. À ses dires, ils préfèrent les  télécharger ou faire des photocopies. « Chaque fois que nous amenons de nouveaux  livres, les étudiants nous font savoir qu’ils les ont déjà vus et même qu’ils en ont fait des téléchargements puis des copies», a-t-il expliqué. À l’entendre parler, les étudiants ont plus tendance à aller vers les livres numériques qu’en copies dures.

Après ces déclarations des vendeurs de livres de Dibidani, de la colline   de Badalabougou, de l’EN.SUP, nous avons été à la rencontre des apprenants  ainsi que des professeurs afin de savoir  les raisons qui les empêchent à acheter moins  de livres.

C’est dans ce cadre que nous avons approché  le Docteur Ibrahim Sagayar Touré, Directeur de Recherche et professeur de philosophie à l’EN.SUP, qui est un grand amateur de livres pour avoir une bibliothèque personnelle bien garnie. Aux dires de celui-ci, les étudiants n’achètent pas de livres parce qu’ils  n’ont simplement pas d’argents pour les acheter. Néanmoins, il finit par reconnaître que l’intérêt qu’ils accordent à dépenser leur argent dans d’autre chose n’est pas celui qu’ils accordent aux livres. «  Une étude ne peut jamais se faire sans les livres », précise-t-il.

Face à cette brillante explication du professeur de philosophie, nous nous sommes amenés à nous demander pourquoi  la majorité des étudiants maliens ne lisent pas. Suite  à cette question, des  professeurs  nous font comprendre que cela relève d’un manque de culture de la lecture. C’est dans ce cadre que Mariam Keita, professeur de Philosophie au lycée de Kalaban-Coro, explique comment l’envie de la lecture se cultive chez les enfants : « Il faut donner à l’enfant l’envie de lire depuis au fondamental. Un enfant qui  a déjà le bac, mais qui n’arrive pas  à avoir  le goût de la lecture parce qu’il ne lit pas peut être blâmé, mais ce n’est pas de sa faute. À mon avis, tout doit commencer depuis au niveau primaire.»

De son côté, M . Lamine Coulibaly,  professeur de géographie, explique que le manque de lecture chez les apprenants est non seulement dû au manque de la culture de la lecture chez les enfants, mais également à la télévision qu’ils ne cessent de regarder. Outre ces aspects, il ajoute également  que les parents ne poussent pas les enfants à se familiariser avec le livre. « Rares sont les parents qui offrent de livres à leurs enfants en cadeau d’anniversaire. Il serait bon que les parents essayent de leur offrir aussi des livres au lieu de leur donner chaque fois des fusils qui ne font que  semer  l’esprit  de guerre chez les enfants », recommande-t-il.  Du côté du gouvernement, il demande   la mise en place de techniques adaptées pour bien cultiver l’amour de la lecture chez les enfants. On peut même organiser des concours de lecture qui pousseront les enfants à lire davantage, suggère-t-il.

De son côté, Docteur Kamory Camara, professeur de lettre et de communication trouve que la numérisation ne donne pas accès à tous les contenus de livres notamment les livres récents qui traitent des actualités du monde, de l’évolution de la connaissance. « Je viens juste d’acheter des livres à 25 000 f. Tout le monde croit que tout se trouve sur le net et donc il n’est pas nécessaire d’aller acheter des livres », déplore-t-il. Selon lui, un document physique vaut mieux qu’un document numérique. Tout simplement parce qu’avec un document numérique il y a des décalages entre les pages.  En plus de cela, le document physique montre que l’auteur est vivant, précise-t-il pour ensuite expliquer : « Un livre acheté est égal à  des connaissances acquises pour toute la vie. » Pour finir, il a tenu à lancer un appel aux  professeurs et aux étudiants à  se familiariser avec les livres.

De leur côté, les étudiants se justifient en faisant comprendre qu’ils ne peuvent pas acheter de livre dû à plusieurs paramètres. « Nous préférons acheter des brochures pour préparer nos examens. Avant ces périodes, nous utilisons les livres de nos bibliothèques », nous affirme Mahamane Sy, étudiant à la FSEC. Pour d’autres,  c’est le manque de moyens qui les empêche d’acheter des livres. Pourtant les vendeurs de livres nous font comprendre qu’ils vendent des livres de 10 000 F  très souvent à 2500F, 3000F voire 1500 FCFA, malgré ce prix bas des livres,  nos apprenants n’arrivent pas à  se familiariser.

La numérisation est-elle suffisante pour se procurer de tous les livres? À cette question, Salifou Koné, jeune étudiant en master 2, nous explique : « Les étudiants maliens ne connaissent pas trop la valeur des livres  surtout avec l’avènement du numérique où on peut facilement se connecter  à une  bibliothèque des États-Unis ou de la France et télécharger une multitude de livres». Selon celui-ci, la lecture des livres peut aussi aider les étudiants maliens à avoir banalement un concours dont les questions proviennent des livres.

Djènèba Touré et Mariam Doumbia, stagiaires

Source: Le Pays

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