Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (Unicef) estime que la malnutrition est la cause directe ou indirecte de plus de 50% des décès enregistrés chaque année chez les enfants maliens de moins de cinq ans. Selon les statistiques de l’institution onusienne, dans la plupart des régions du Mali, entre 6 et 17% des enfants souffrent de malnutrition sévère. Mais les régions les plus touchées sont Mopti et Sikasso respectivement avec 15% et 13% de cas de malnutrition.Elles sont suivies par les régions de Kayes et Koulikoro, précisément les cercles de Nara et Kolokani, avec respectivement 12,6% et 12,4%.
En effet, chaque année, la malnutrition protéino-énergétique touche à travers le monde, plusieurs millions d’enfants ainsi que des femmes enceintes ou allaitantes. La malnutrition contribue, à cet effet, de façon directe ou indirecte, au décès d’environ 6 millions d’enfants. Les enfants dits hypotrophiques (qui pèsent moins de 2,5kg à la naissance) et ceux qui présentent une insuffisance pondérale grave courent plus le risque de décéder l’année suivant leur naissance que les enfants de poids normal. Face à l’ampleur de cette pathologie, le docteur Célestin Vivor, pédiatre au CHU Gabriel Touré, a bien voulu se prêter à nos questions.
Master Mag : Dites-nous Docteur, quand peut-on parler de malnutrition chez un enfant ?
Docteur Célestin Vivor : Sachez tout d’abord que l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) estime que la malnutrition représente la plus grande cause de mortalité infantile dans le monde. Alors, on parle de malnutrition chez un enfant, lorsqu’il présente un état pathologique causé par la déficience ou l’excès d’apport en nutriments ou en micronutriments, nécessaires pour la croissance harmonieuse de l’enfant, un déséquilibre entre les apports en éléments nutritifs et les besoins de l’organisme. La malnutrition se traduit également par d’une mauvaise assimilation de la nourriture par l’organisme en cas de maladies diarrhéique et respiratoire, de paludisme. Quand ces apports sont insuffisants, l’organisme s’affaiblit. Cette pathologie demeure un véritable problème en pédiatrie, c’est pourquoi l’OMS recommande aux médecins pédiatres de toujours dépister l’état nutritionnel de l’enfant de zéro à 15 ans qui vient en consultation afin de le classer dans un tableau correspondant à son état nutritionnel.
M.M : Comment se manifeste-t-elle ?
Dr. Célestin Vivor : Plus généralement, les signes annonciateurs de la malnutrition sont détectés lorsque l’enfant est amené en consultation et quand le pédiatre fait le rapport poids /âge/taille. En effet, l’enfant qui est atteint par la malnutrition présente les symptômes suivants : diarrhée chronique, l’œdème des pieds, peau sèche et squameuse, cheveux secs, fins cassants de couleur brun rougeâtre, perte de cheveux, atrophie musculaire et le manque de force dans les muscles, gonflement de l’abdomen. L’enfant souffrant de malnutrition manque d’appétit (anorexie) ; il est déshydraté, apathique angoissé etc.
M.M : Parlez-nous des causes de la malnutrition
Dr. Célestin Vivor : Les causes de la malnutrition chez l’enfant peuvent se présenter sous différentes formes. Les principales causes directes restent l’inadéquation de la ration alimentaire et la maladie. Les mauvaises pratiques alimentaires, l’allaitement inadapté ou le sevrage précoce sont également des facteurs propices à la malnutrition. Les infections, notamment les diarrhées, la pneumopathie, les infections rénales fonctionnelles, la rougeole et le paludisme, compromettent l’état nutritionnel de l’enfant, et peuvent être une porte d’entrée à la malnutrition. D’autres facteurs, comme les guerres, les famines, l’insécurité alimentaire, l’état nutritionnel des mères etc., interviennent également. Parce qu’il faut savoir que lorsqu’une future maman a un régime alimentaire défaillant, elle donnera forcement naissance à un bébé prématuré ou plus petit (poids de naissance inférieur à 2,5 kg), avec des problèmes de santé, donc susceptible de mourir à bas âge. D’où l’importance de mettre la femme enceinte sous Fer durant la grossesse.
M.M : Quelles sont les différentes formes de malnutrition ?
Dr. Célestin Vivor : On distingue deux formes de malnutrition que sont : la malnutrition aigüe modérée et la malnutrition aigüe sévère. Elles se détectent lorsqu’on évalue le rapport poids / taille. La malnutrition aiguë modérée se caractérise par une perte de poids modérée. La malnutrition aiguë sévère se caractérise par une perte de poids très importante. Cette forme de malnutrition est responsable de la plupart des décès d’enfants de moins de 5 ans dans le monde. Parmi les formes de malnutrition aiguë, deux types sont d’une extrême gravité. Le marasme : l’enfant paraît très amaigrie, sa peau est flétrie et présente un retard de croissance. Le kwashiorkor : l’apparition d’œdèmes, notamment sur les pieds et le visage. L’enfant manque d’appétit, pleure tout le temps et fait la diarrhée.
M.M : Comment se fait le traitement ?
Dr. Celestin Vivor : Dès qu’un enfant est dépisté malnutris, il est orienté vers une unité spécialisée dans la prise en charge de malnutrition. Ces unités existent chez nous dans tous les hôpitaux, les centres de santé de référence et les CSCOM. Sur place, la prise en charge se fait à base de nutriments mis à disposition par l’Unicef. Les enfants présentant une malnutrition aiguë sévère s’accompagnant de complications nécessitent une prise en charge rapide et efficace. Ils sont hospitalisés à la pédiatrie où une unité spécialisé appelée Unité de récupération nutritionnelle (URENU) s’occupera de leur prise en charge jusqu’à ce que les complications disparaissent.
M.M : peut-on avoir une idée des statistiques des cas de malnutrition au Mali ?
Dr. Celestin Vivor : Selon une étude de l’Institut national de la statistique et de la Direction nationale de la santé menée chez les enfants de 6 à 59 mois, le taux de malnutrition aiguë globale s’élève à 10,9 %. Par contre, le taux de malnutrition aiguë sévère est de l’ordre de 2,2%. Le Fonds des Nations Unies pour l’enfance (Unicef) estime que la malnutrition est la cause directe ou indirecte de plus de 50% des décès enregistrés chaque année chez les enfants maliens de moins de cinq ans. Selon les statistiques de l’Unicef, dans la plupart des régions du Mali, entre 6 et 17% des enfants souffrent de malnutrition sévère. La région de Mopti reste l’une des régions du Mali la plus touchée par la malnutrition aigüe avec 15%. Elle est suivie par la région de Sikasso, malgré sa forte production céréalière et animale, avec 13%. Ainsi que les régions de Kayes et Koulikoro, précisément les cercles de Nara et Kolokani, avec respectivement 12,6% et 12,4%.
M.M : Conseils aux parents pour éviter que les enfants tombent dans la malnutrition
Dr. Célestin Vivor : De la naissance jusqu’à six mois, tous les besoins nutritionnels de l’enfant sont parfaitement couverts par le lait maternel. A partir de 6 mois, le lait maternel couvre difficilement tous les besoins en énergie et en protéines. C’est la période dite du sevrage pendant laquelle il faut apporter un complément au lait maternel sous forme de bouillie fluide contenant en proportion harmonieuse les éléments nutritifs nécessaires à la bonne croissance de l’enfant. Il faudrait aussi amener l’enfant voir le pédiatre chaque mois pour un suivi régulier de son état nutritionnel, ce, de zéro à 15 ans.
M.M : Merci Docteur.
Dr. Célestin Vivor : Je vous en prie !
Aïssata TRAORE