Le conflit meurtrier entre Peuls et Dogons a connu un nouvel épisode tragique. Samedi (23.06.), une trentaine de civils peuls ont été tués à Koumaga, dans le centre du pays. Les autorités maliennes s’efforcent de réagir.
Samedi, le gouvernement malien a reconnu dans un communiqué que l’armée avait découvert “16 corps” après un “accrochage violent” entre ces deux communautés (peule et dogon) à Koumaga.
Pour parer au plus pressé, le gouvernement malien dit avoir déployé à Koumaga, l’épicentre des violences, une force d’interposition qui a été renforcée, après de nouveaux violents accrochages. Bamako a également dépêché sur place, deux membres du gouvernement : le ministre de la Réconciliation nationale et de la cohésion sociale et son collègue de la Solidarité et de l’action humanitaire pour tenter de faire baisser la tension.
“Le gouvernement malien a également ouvert une enquête judiciaire contre tous ceux qui sont impliqués dans ces violences. Le gouvernement a instruit les forces armées et de sécurité de désarmer tous ceux qui sont porteurs d’armes” a annoncé à la DW, le porte-parole du gouvernement malien. “Une commission a été mise en place par le gouvernement composée des leaders de ces deux communautés. La commission travaille jour et nuit pour ramener la paix”, assure Amadou Koita.
Selon lui, ” les Peuls, les Bambaras, les Dogons, les Dozos ont toujours vécu en parfaite symbiose.”
L’absence de l’autorité de l’état
Dans l’interview qu’il a accordée à la DW, Amadou Koita, le porte-parole du gouvernement malien a accusé clairement les djihadistes peuls de la Katiba Macina et leur chef Amadou Koufa d’attiser les divisions entre les deux communautés. Mais pour l’analyste Moussa Sidibé, ” l’absence de l’autorité de l’Etat est une cause principale qu’il faut mettre en exergue. L’État se sent un peu désarmé face à l’insécurité grandissante exacerbée par le groupe de Amadou Koufa “, soutient-il.
Par ailleurs, depuis la résurgence de ces tensions, des membres de la communauté peule accusent les autorités de soutenir et d’encourager ces chasseurs dozos, membre de l’ethnie dogon. Réponse du porte parole du gouvernement, Amadou Koita :
“Les terroristes tentent d’instrumentaliser ce conflit. Voilà pourquoi, nous appelons toutes les communautés à la vigilance, toutes les communautés au dialogue et aux pourparlers. Le gouvernement malien a pour mission de protéger toutes les Maliennes et tous les Maliens. Il n’y a pas de préférence. Le gouvernement malien travaille pour ramener la paix. Nous pensons que tous les Maliens doivent se serrer la main. Nous ne devons pas chercher aujourd’hui à diviser les uns et les autres.”
Instrumentalisation ?
L’opposition, elle ne se fait pas d’illusion : ce conflit est instrumentalisé à des fins politiques et politiciennes. “Nous avons l’impression qu’il y a une stratégie du chao qui est en marche pour saboter l’élection présidentielle dans le centre du pays. Nous invitons l’ensemble des forces vives de notre pays à se mobiliser pour obliger ce gouvernement à prendre les mesures qu’il faut afin de mettre fin à la violence, au bain de sang et aux exécutions sommaires qui sont en cours”, explique Tiébilé Dramé, le président du PARENA, le Parti de la renaissance nationale. M. Dramé est aussi le Directeur de campagne de l’opposant Soumaila Cissé.
À en croire Abdoul Aziz Diallo, le président de Tabital Pulaaku, l’une des associations peule du Mali, cité par l’AFP, “des gens habillés en dozos” ont “encerclé le village, isolé les Peuls des autres communautés et, froidement, ils ont tué au moins 32 civils. Dix autres sont portés disparus”. Le président de Tabital Pulaaku a également indiqué que dix Peuls avaient été enlevés dans la journée (NDLR, samedi) dans une localité voisine, Dorobougou, par des hommes armés également habillés.
Lutte contre le terrorisme ou règlement de compte ?
Les actions de l’armée malienne engagées ces derniers mois pour mettre hors d’état de nuire les terroristes est sujet à de sérieuses contestations. Plusieurs ONG de défense des droits de l’Homme fustigent les diverses exactions extrajudiciaires perpétrées par la grande muette qui assimileraient les peules aux djihadistes. En raison de l’appartenance du chef de la Katiba Macina Amadou Koufa à l’ethnie peule.
“Ce qui se passe est très grave. Il faut éviter les amalgames. Ce n’est pas parce qu’on est peul qu’on est jihadiste”, précise Aziz Diallo.
Indignation de la communauté internationale
En début de semaine dernière, une fosse commune contenant le corps de 25 personnes issues de la communauté peule a été découverte dans la région de Mopti. Le ministre de la défense Tiéna Coulibaly a reconnu l’existence de ce charnier et de l’implication de “certains personnels” de l’armée.
Plusieurs capitales occidentales ont demandé que la lumière soit faite sur cette découverte macabre.
“Nous soutenons la décision du ministre Coulibaly d’ouvrir immédiatement une enquête. Nous appelons le gouvernement du Mali à faire en sorte que l’enquête sur cet événement et sur d’autres graves accusations de violations des droits de l’Homme soit menée de manière crédible et transparente”, a déclaré, la porte-parole du département d’Etat américain. “Les Etats-Unis restent très préoccupés face à la détérioration de la situation sécuritaire au Mali et au Sahel. Nous exhortons les forces de sécurité et les gouvernements à prendre les mesures nécessaires au respect des droits de l’Homme, à la protection des civils”, “pour renforcer la confiance et contrer l’extrémisme violent”, a conclu la diplomate américaine Heather Nauert, toujours citée par nos confrères de l’AFP.