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Mali, Burkina Faso, Niger : après la Cédéao, vers une rupture avec le Franc CFA ?

Une Cédéao amputée des trois États sahéliens ? Mali, Burkina Faso et Niger ont annoncé à la fin du mois de janvier leur retrait de la Communauté économique ouest-africaine. Quel impact cette décision peut-elle avoir ? Les trois pays peuvent-ils envisager d’aller plus loin ?

C’était une demande des peuples des États du Sahel pour sanctionner la Cédéao qui s’est avérée être un instrument au service de l’impérialisme français”. Au Niger, Bana Ibrahim est membre de la société civile et, le dimanche 28 janvier, il est avec des centaines d’autres Nigériens dans les rues de Niamey pour saluer l’annonce conjointe des autorités nigériennes, maliennes et burkinabé.

Un peu plus tôt, les trois pays ont fait savoir, simultanément, qu’ils quittaient l’organisation ouest-africaine. Une annonce fracassante qui rappelle que, les trois pays, dans la charte de leur Alliance des États du Sahel (AES) adoptée en septembre 2023, disaient leur volonté de promouvoir “l’indépendance, la dignité et l’émancipation économique”.

 

Une demande des peuples”

Les sanctions de la Cédéao à l’encontre de Bamako, Niamey et Ouagadougou après leurs coups d’État respectifs ont creusé le fossé entre l’organisation sous-régionale et les opinions publiques. À tort ou à raison, la France est accusée de dicter à la Cédéao son intransigeante riposte contre des putschistes dont le discours afro-souverainiste charme, notamment, la jeunesse.

 

A ce titre, la décision du Mali, du Niger et du Burkina Faso de se retirer de la Cédéao est –minima– un symbole très fort. Abdourahmane Diouf, juriste et homme politique au Sénégal, y voit une “défiance” de la part des trois Etats. “Le fond du problème, estime celui qui préside le parti Awele, c’est que ces trois pays se sentent trahis par les autres pays de la Cédéao qui ont tendance à davantage écouter l’Union européenne que les propres membres de leur famille. Ils ont l’impression que tout ce qu’on leur inflige comme sanctions vient de Macron ou bien de Bruxelles. C’est une façon de se rebeller”.

 

Vis-à-vis de leurs opinions publiques, les dirigeants des trois pays de l’AES prennent donc un risque limité. Ce retrait pourrait toutefois avoir des conséquences importantes, même si elles sont aujourd’hui difficiles à évaluer, exercice même “impossible”, concède l’économiste malien Amadou Bamba.

Un projet économique inachevé

La Cédéao, créée en 1975, n’avait jamais connu de départ groupé. Le seul retrait, celui de la Mauritanie, remonte à l’an 2000 lorsque Nouakchott décide de se tourner vers l’Union du Maghreb arabe (avant de remettre un pied dans la Cédéao en tant que simple membre associé). Les quinze pays membres représentent une population de plus de 300 millions de personnes. Mais avec le départ du Mali, du Burkina Faso et du Niger, l’organisation ouest-africaine perd d’un coup 70 millions de ressortissants !

 

Presque cinquantenaire, donc, la Cédéao s’est construite sur un projet économique avant de s’impliquer dans les conflits régionaux à la fin des années 90. Au quotidien, les ressortissants ont en poche un passeport estampillé du nom de l’organisation. Concrètement, ils bénéficient d’une liberté de circulation et d’installation au sein de cette immense intégration régionale dont le Produit intérieur brut (PIB) représente plus de 750 milliards de dollars, selon la Banque mondiale. Une richesse régionale qui doit surtout à un Etat, le Nigeria, qui pèse à lui seul 470 milliards de dollars. Le Nigeria dont Abuja, la capitale politique, accueille le siège de la Cédéao.

 

Une monnaie mort-née

Sur le papier, un tel espace sans barrières douanières est donc une formidable opportunité pour les populations, même si, relativise Abdourahmane Diouf, “cette libre circulation n’est pas effective parce qu’il y a énormément de tracasseries au niveau des frontières”. Car derrière la vitrine, la Cédéao, ce sont aussi des échecs retentissants. Ainsi, dès la naissance de l’organisation, au milieu des années 70, l’idée d’une monnaie unique ouest-africaine est évoquée. Il faut attendre deux décennies pour que le projet soit mis sérieusement sur la table. Cette monnaie a même un nom, l’ECO. Vaste chantier puisqu’il s’agit de mettre dans un même espace monétaire les huit pays où circule encore le Franc CFA, survivance indélébile de la colonisation, des économies très faibles comme la Gambie, ou encore un mastodonte comme le Nigeria.

 

À ce jour, l’ECO reste donc un vœu pieux. L’ambition de créer une monnaie commune baptisée Sahel a d’ailleurs été rapidement évoquée par les trois pays de la jeune AES, mais les conditions pour la mise en place d’une union monétaire sont loin d’être réunies. Une ambition largement soutenue par les opinions publiques, qui a donc, pour l’heure, valeur d’avertissement à l’encontre d’une autre institution économique : l’UEMOA.

Les huit pays de l’UEMOA

L’UEMOA, c’est l’Union économique et monétaire ouest-africaine. Elle a été créée en 1994 sur les cendres de l’UMOA née après les Indépendances. Son siège se trouve à Ouagadougou, la capitale du Burkina Faso, l’un des États qui tournent aujourd’hui le dos à la Cédéao. Les huit pays-membres de l’UEMOA ont une monnaie commune : le Franc CFA. Il s’agit donc d’anciennes colonies françaises d’Afrique de l’Ouest : Le Sénégal, le Bénin, le Togo, la Côte d’Ivoire, le Mali, le Burkina Faso, le Niger rejoints en 1997 par une ancienne colonie portugaise, la Guinée Bissau.

L’Union économique et monétaire ouest-africaine, ce sont les huit pays qui ont en partage le Franc CFA. Le départ du Mali, du Niger et du Burkina Faso de l’UEMOA aurait, pour le coup, des conséquences plus importantes, notamment au Niger qui a pour premier partenaire économique le mastodonte régional : le Nigeria.

Toutefois, là encore, il s’agit de conséquences théoriques se heurtant à une réalité de terrain. Entre le Niger et le Nigeria, “une grande partie du flux commercial échappe aux contrôles douaniers”, note le site Afriqu’Infos. Constat partagé par Abdourahmane Diouf à Dakar : au-delà des retraits réels ou supposés des organisations sous-régionales, “les gens vont continuer à vivre comme ils veulent. Ils ont l’habitude de commercer entre eux, de passer par les petites frontières. Et ça, ce n’est pas considéré comme des exportations et des importations”.

tv5monde

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