Dans un climat crispé et suspicieux marqué par une crise de légitimité de la présence des forces françaises au Sahel, les chefs d’État du G5 Sahel ont fait le choix de leur maintien quand certains prônaient de casser les codes. Faut-il leur intenter un méga-procès pour forfaiture pour une décision qui, quoi qu’il en soit, sera diversement reçue par l’opinion versatile par essence ? S’agissait-il d’une liturgie de couardise qui aurait été respectée comme le vaticinaient certains frères arc-boutés à un patriotisme de mauvais aloi ?
Une chose est sûre : chacun des protagonistes a affiché sa satisfaction au sortir du sommet de la ‘’clarification’’ de Pau. La France obtient la ‘’clarification attendue’’, à travers ‘’le souhait de la poursuite de l’engagement militaire de la France au Sahel’’ exprimé par les chefs d’État du G5 Sahel. Ces derniers peuvent se frotter les mains pour avoir réussi à cacher la case maintien des Forces françaises, mieux un renforcement du dispositif de lutte contre les Groupes armés terroristes (GAT), à travers la mise en place prochaine d’une Coalition internationale et l’envoi de 220 soldats supplémentaires pour le compte de Barkhane.
Pour nos chefs d’État, cocher la case maintien des forces françaises au Sahel est un choix tactique intelligent, d’autant plus que le bilan humain de la guerre contre le terrorisme et ses effets collatéraux sont terrifiants. Selon le Représentant spécial pour l’Afrique de l’Ouest et le Sahel, Mohamed Ibn Chambas qui a présenté, le 8 janvier dernier, les activités de son Bureau au Conseil de sécurité des Nations unies, le nombre de victimes des violences terroristes au Burkina Faso, au Mali et au Niger a été multiplié par 5 depuis 2016. Ces violences ont causé 4 000 morts, contre 770 en 2016. Dans le même temps, le nombre des personnes déplacées a été multiplié par 10, atteignant un demi-million, sans compter les 25 000 personnes qui ont cherché refuge dans d’autres pays. Ce tableau dantesque devrait venir à bout des scepticismes les plus irréductibles quant à l’intérêt d’une coalition internationale. Parce qu’il est patent que nos forces nationales ont montré leurs limites dans la sécurisation des personnes et des biens. Il n’est pas besoin de faire un dessin pour convaincre de cela.
Le choix est tactique et intelligent, parce que le Mali, par exemple, qui est loin d’être Crésus, selon des sources officielles, engloutit 1 MILLIARD FCFA par jour dans les charges militaires pour traquer les psychopathes qui ont transformé notre Eden en géhenne, en retournant nos communautés les unes contre les autres, en semant mort et désolation. Aucun pays du Sahel ne peut durablement faire face aux dépenses militaires et s’engager dans la voie du développement. Même les opposants les plus obtus à la présence des Forces internationales dans le Sahel conviendront que la guerre et le développement sont antithétiques.
Il faut aussi souligner que la France qui est quand même une puissance a vite fait de rameuter le monde entier au chevet du Mali, consciente du coût exorbitant d’une intervention à l’étranger. Et ce n’est que par effet de mode qu’elle a décidé de réduire le budget de l’Armée pour réaffecter cet argent à d’autres poches de dépense.
Le choix est tactique et intelligent, dans la mesure où il répond aux épouvantes d’une franche importante de l’opinion pour qui le terrorisme est le ‘’business’’ des puissances. Si tant est que cela soit avéré, ce n’est pas en les éloignant qu’ils renonceront à leur bectance. Si elles ne sont pas là, elles seront là quand même, à travers leurs succédanés. Avec eux, ce serait diablement compliqué. Et le Mali en a une expérience. Autant donc, avoir avec nous ces puissances quoi que pas philanthropes que de les avoir contre nous.
Aussi, n’est-ce pas un moyen de partager les dépenses de guerre que le Mali ne peut pas supporter tout ?
In fine, loin d’un croche-pied qu’il ne fallait pas faire face à une frange de l’opinion, le choix des chefs d’État du G5 Sahel relève de la realpolitik visant à sauver nos pays d’un naufrage collectif. Il relève de leur responsabilité historique face à la sécurité mondiale. Parce que de réceptacles, le Sahel pourrait se transformer en exportateur de jihadistes quand ces derniers auront fait leur beurre son sol du fait de son incapacité indiscutable à les anéantir.
PAR BERTIN DAKOUO
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