Accusé à tort ou raison «d’op position à l’autorité légitime», le magistrat Cheick Mohamed Chérif Koné doit répondre ce matin (3 mai 2023) aux juges du tribunal de la commune V de Bamako. Annonçant du coup une confrontation entre magistrats. Son confrère Dramane Diarra, lui aussi, dans le collimateur du ministre de la Justice, est également concerné par cette convocation.
La convocation de l’ancien Avocat général du parquet, Cheick
Mohamed Chérif Koné, fait baver certains de ses confrères du parquet. Cette bataille de titans fait craindre des éclaboussures à la tête de la justice, une institution honnie et pointée du doigt pour être à l’origine des maux du Mali.
Dans un communiqué rendu public en avril dernier, le ministre de la Jus tice, Garde des sceaux, Mamoudou Kassogué, a dénoncé le comporte ment «déviants» des magistrats
Cheick Mohamed Chérif Koné et Dra mane Diarra. «Ces derniers temps, certains acteurs de la justice, magistrats et avocats, s’adonnent à des sorties médiatiques intempestives contraires à leur statut et jurant d’avec les règles de déontologie notamment l’obligation de réserve et le devoir de retenue», dénonce le communiqué.
«Malgré ses mises en garde», cer tains magistrats continuent à militer activement dans l’espace politique s’abritant derrière un syndicat de magistrat, en l’occurrence la «Référence syndicale des magistrats» et une organisation dénommée «Association malienne des Procureurs et poursuivants» participent aux activités d’un groupement fondamentalement poli tique et porteur de revendications de nature absolument politique appelé «Appel du 20 février 2023», déplore le communiqué.
Le ministre de la Justice accuse également Cheick Mohamed Chérif Koné d’oser prendre même la tête de ce mouvement politique. Le ministre
Kassogué juge cela inacceptable et décide manifestement d’agir contre les deux magistrats en saisissant le Conseil supérieur de la magistrature pour l’ouverture «d’une enquête disciplinaire». Tout comme il a aussi or donné au Procureur général près la Cour d’Appel de Bamako l’ouverture «d’une enquête judiciaire» contre eux pour «opposition à l’autorité légitime et toutes autres infractions que les enquêtes feront découvrir».
Une bataille judiciaire s’ouvre donc entre magistrats faiseurs de loi. Dans un poste sur les réseaux sociaux, Cheick Mohamed Chérif Koné a confirmé sa convocation par la justice ce mercredi matin.
Connu pour ses positions tran chantes et acerbes sur certaines questions d’intérêt national, le magistrat Koné ne connaît apparemment pas la langue de bois. Il n’hésite pas à dénoncer des «dérives» ou à donner son point de vue sur certaines af faires qui défraient la chronique. Au sein de l’opinion publique, ils sont nombreux à le voir comme une voix
Cheick Mohamed Chérif Koné, un brillant magistrat déterminé à en dé coudre avec le ministre de la Justice
discordante au service de la vérité. En tout cas, ses prises de position font grincer des dents au sein de sa propre corporation et dans le cercle du pouvoir actuel. Frappé d’ostracisme et vilipendé pour ce faire, il fait l’objet d’incompréhension de nombre de ses confrères magistrats au point d’être poursuivi par la justice qu’il est censé lui-même rendre. «Dura lex sed lex», dit-on. La loi est dure, mais c’est la loi.
Après tout, un magistrat n’est-il pas justiciable ?
Hachi Cissé
Source: Le Matin