Sur le papier, c’est une « escroquerie foncière en bande organisée » initiée par la Direction de la Société d’Exploitation des Mines d’Or de Sadiola, (SEMOS-SA) auprès de la Société Immobilière ‘’Sélection IMMO-SARL’’. Révélations sur le contentieux.
Dans les faits, c’est la Direction Générale de la SEMOS à l’allure confuse et la mine désolée. Une Direction minière citée la journée du 15 avril 2019 devant le Tribunal de Grande Instance de Kati pour avoir escroqué 166 de ses travailleurs, au cours de l’achat de parcelles à usage d’habitation dont les coûts ont été unilatéralement surévalués par la SEMOS à plus de 3 millions de FCFA, alors que le prix d’acquisition est de 1 million de nos francs. Et le verdict est amer pour la SEMOS, l’instigatrice de cette supercherie : le paiement de 100 millions de FCFA à titre de dommages-intérêts…
Rappel des faits
L’affaire démarre en avril 2019 lorsque le comité syndical UNTM de la SEMOS dépose une plainte auprès du Tribunal de Kati. Ce dernier a découvert une vaste escroquerie, autour de la création de titres fonciers individuels au profit des travailleurs de la Mine d’Or de Sadiola. Une escroquerie qui permettra à la SEMOS-SA, de prélever à la source un montant. Cette convention d’avance de fonds, sans intérêts, a été signée le 25 septembre 2011, entre le comité syndical UNTM de la SEMOS et la Direction général de la mine, au profit de 166 travailleurs. Au terme des négociations la SEMOS-SA a octroyé à chacun de ses employés la somme de 3.149 925 FCFA arrondies à 3.150.000F et cela en effectuant un prélèvement de 68.478F sur 46 mois de salaire des travailleurs, à compter du 1er septembre 2011.
Ainsi, à la date du 11 Décembre 2011, la Direction de la SEMOS-S.A. à réglé à la Société immobilière ‘’ Sélection Immo SARL’’ la somme de plus de 500 millions FCFA (552.887.649 F) pour le préfinancement dudit projet, en contrepartie duquel cette dernière a procédé à la création des 166 titres individuel, à la viabilisation et à l’aménagement du site, sise à Diatoula. Pour la bonne exécution du contrat, par la société ‘’Sélection Immo SARL’’ la SEMOS a fait recours à la SETICE-SARL (Société d’Étude Technique en Ingénierie civile et en Environnement) pour le suivi et le contrôle des travaux. À cette occasion, tous les membres ont marqué leur satisfaction pour le travail accompli en 4 mois pour un délai d’exécution de 6 mois, suivant le rapport de réception technique des travaux en septembre 2012.
Après la création des titres individuels, la vente a été faite entre la SEMOS-SA et la société ‘’Sélection Immo SARL’’ et Mahamadou Konté, en qualité de représentant des bénéficiaires, à travers un acte notarié signé le 18 mars 2013 de Me Yacouba Massaman Keita, notaire à Bamako, moyennant la somme de 1 millions FCFA par parcelle. Par la suite, avec d’autres sommes issues des prélèvements sur les salaires des travailleurs, la SEMOS a payé à la société ‘’ Sélection Immo SARL’’ la somme de 3.150 000 FCFA par parcelle et les transferts des titres au nom des bénéficiaires par le notaire, Me Yacouba Massaman Keita, ont coûté à la SEMOS-SA, la somme supplémentaire de 62,64 millions FCFA (62.640.000F), à raison de 290.000 FCFA par titre que les employés devaient lui restituer. Cette situation, sans support juridique, a été réglée de façon unilatérale par la SEMOS. En plus, pour recevoir les titres fonciers (TF), le même notaire a exigé de chacun des 166 travailleurs, le paiement de la somme de 18.000F et 25.000 FCFA au titre des frais de gardiennage des TF.
Quelques temps après la remise des TF, le collectif des travailleurs a adressé une lettre (n°001 du 20 mars 2016) à la SEMOS pour la féliciter de son appui et solliciter son implication pour la correction des erreurs contenues dans certains TF ainsi que la mention du nom de Mahamadou Konté, qui n’a reçu aucun mandat et qui figure sur tous les titres. Pourtant, les 166 travailleurs ont fourni des pièces administratives les concernant afin d’avoir un titre en leurs noms exclusifs. Aussi, les TF comportent des erreurs de frappes de certains noms et prénoms. Ce qui ne permet pas une identification correcte et une individualisation. Plus grave encore, il y a une confusion des renseignements ou références de deux titres fonciers sur les bordereaux analytiques des titres individuels, surtout que certains travailleurs ont acquis deux TF et se retrouvent avec les mêmes références sur deux TF distincts.
Et le hic qui titille dans ce dossier, c’est que jusqu’à présent, certains employés de la SEMOS-SA n’ont pas reçu leurs titres de propriété qui sont toujours bloqués chez le notaire alors qu’ils ont tout payé à travers des retenues sur leurs bulletins de salaires à la comptabilité de la SEMOS-SA. Aussi, les travailleurs ont constaté qu’il n’y a aucune clarification des espaces publics indiqués dans le plan de masse. De la même manière, la situation des rouleaux de câble électrique ont disparu sur le site alors qu’il y avait des poteaux électriques qui avaient été implantés avec des câbles tirés, le tout pour convaincre les employés de la SEMOS-SA de la sincérité du contrat.
Pour faire la lumière, le collectif des travailleurs de la SEMOS a demandé à SETICE-SARL de mener des investigations sur le processus d’acquisition des parcelles en causes et de lui en dresser un rapport afin de situer les responsabilités. Face à cette situation, pour le moins flou, il n’y a jamais eu de réponses. D’où le lieu pour le comité syndical UNTM de la SEMOS de porter plainte au tribunal de Kati contre la Direction de la mine.
Lors de l’audience du 15 avril 2019, la SEMOS a soutenu qu’elle n’a aucune responsabilité quant à la réduction du prix d’acquisition des parcelles qui a été convenue entre la société immobilière ‘’Sélection Immo SARL’’ et les employés à son insu, dans le but de payer moins de taxe. Mieux, qu’elle ne saurait être tenue responsable de la non-restitution des TF par le notaire qui réclame ses frais de gardiennage.
Dans ses conclusions en réplique à l’intervention forcée, le notaire Me Yacouba Massaman Keita, par le truchement de son Conseil, explique qu’il n’a pas été associé dans la négociation du prix de vente des parcelles entre les travailleurs de la SEMOS-SA et le promoteur immobilier. Il déclare que le prix de vente dont il a été saisi était de 2 millions de FCFA sur la base duquel il a fait ses études de frais qui ont été estimés à la somme de 290.000F CFA par titre individuel créé. Et par la suite, que le promoteur l’a informé qu’il a pu trouver un accord avec le Service des domaines de Kati pour minorer le prix de vente à 1 million FCFA afin que les droits subséquents soient moins importants. Par la même occasion, il a déclaré qu’il est prêt à procéder aux modifications et rectifications subséquentes à ses frais sur la base de ses états de frais. Aussi, précisera-t-il : « les frais de toute autre modification sur la base de 3.150.000 FCFA seront aux frais soit du bénéficiaire soit de la SEMOS-SA ». Il ajoute : « C’est en vertu d’un mandat verbal que le sieur Mahamadou Konté a signé les actes de vente aux noms des acquéreurs, raison pour laquelle son nom figure sur le bordereau de vente dans chaque titre foncier. La pratique notariale admet le mandat verbal pour acquérir un bien au nom d’un tiers, mais le mandat écrit est toujours exigé s’agissant du vendeur pour sa représentation. C’est en application des articles 432 et suivant du Code Général des Impôts que le suppléant de 18.000 FCFA a été facturé aux bénéficiaires retardataires ». Avant de poursuivre : « j’ai fixé les frais de garde des titres qui sont dus eu égard à la responsabilité encourue en cas de perte ou de destruction. En conséquence, je sollicite que soit dit et jugé que je procéderai aux rectifications des actes suivants le prix de vente de 2 millions FCFA ayant servi de base à l’établissement de l’état de frais et que la SEMOS-SA et les demandeurs soient débouter de toutes autres prétentions envers moi ».
La SEMOS SA, mal barrée
Face au malentendu, le tribunal a tranché avant de dire le droit. Dans son verdict, il s’est prononcé en ces terme : « Le fait pour la SEMOS-SA de se faire rembourser les montants relatifs aux transferts des Titres Fonciers aux noms des bénéficiaires ainsi que les frais supplémentaires payés aux notaires, et qui n’ont pas été exprimés aux conventions liant la SEMOS-SA à ses employés, ne constituent nullement la suite de son obligation de préfinancement mais s’analyse plutôt en une modification unilatérale desdites conventions, en violation de l’article 77 du Régime Général des Obligation ».
Toutefois, les tentatives de dénégation de responsabilité de la SEMOS SA ne sauraient emporter la conviction du tribunal, dans la mesure où c’est elle qui a indubitablement conclu avec la Société immobilière ‘’Sélection IMMO SARL’’ le projet immobilier portant sur l’acquisition de parcelles pour le compte de ses employés bénéficiaires. Et le fait que la SEMOS SA a pris l’initiative dudit projet, devrait alors adopter l’attitude prudente et diligente d’un bon père de famille et ce, du début jusqu’à la réception définitive des travaux, en délivrant à ses employés bénéficiaires leurs titres fonciers respectifs ne comportant aucune erreur, ainsi que leurs parcelles aménagées et viabilisées le tout, conformément aux conventions en causes.
En bloc, pour tout ce qui précède, le tribunal trouve qu’il est indéniable que la SEMOS SA a failli à ses obligations contractuelles et les erreurs affectant les titres fonciers en cause lui sont entièrement imputables. Pire, les tentatives de dénégation de la SEMOS SA mettent en évidence sa mauvaise foi en vertu de laquelle il convient de rejeter toutes ses prétentions.
Dans le fond du dossier, l’assignation de la SEMOS-SA, le 15 avril 2019, devant le tribunal de Kati, est bien fondée. Et le juge n’a pas été clément à l’endroit de la Société d’Exploitation des Mines d’Or de Sadiola. Il l’a condamné à rembourser à chacun des bénéficiaires, la somme de 2.458.000 FCFA ou à régulariser la différence des prix d’achat des parcelles. Aussi, le juge a condamné la SEMOS-SA à rembourser en sus, sur présentation de reçu à chacun des travailleurs qui ont payé la somme de 25 mille FCFA. Enfin, le juge a condamné la SEMOS-SA au paiement d’un montant de 100 millions de FCFA à titre de dommages-intérêts.
Depuis, la SEMOS-SA tarde à remettre ses travailleurs dans leurs droits. C’est dire que les prochains jours pour la Direction Générale de la mine de Sadiola seront chauds. Et même très chauds.
Affaire à suivre !
Jean Pierre James
Nouveau Réveil