Le lieutenant-colonel Néma Sagara a l’uniforme dans le sang, pour avoir vu le jour et grandi dans un camp militaire de Bamako, donc fille d’un ancien militaire. Elle est la première et seule femme officier (militaire tout court) sur le front, d’abord à Sévaré puis à Gao, deux localités où elle a séduit et impressionné plus d’un (populations et frères d’armes maliens et étrangers) pour le sens de son combat aux côtés des hommes, signe concret de son dévouement pour la patrie. La soeur jumelle de notre consœur, Commandant Mariam Sagara, a choisi le métier des armes, elle entend honorer cet engagement là où il le faut le plus, jusqu’au bout de la libération totale du pays et de sa pacification. Au prix de son sang. Nema nous l’a confié au detour d’un séjour à Bamako.
Nema Sagara
Elle a servi sous la bannière des Nations Unies au Libéria et fait la guerre en Sierra Leone; le champs de bataille n’est donc point un secret pour Néma Sagara qui ne troquerait son treillis pour tout l’or du monde. Son parcours militaire, atypique, est tout aussi bien fourni qu’impressionnant, notre héroine ayant grimpé allègrement les echelons, du (simple) soldat au grade de lieutenant colonel aujourd’hui. Elle a sillonné le monde entier, d’Afrique aux Etats-Unis en passant par l’Europe.
Après son baccalauréat au lycée Askia Mohamed de Bamako, l’amazone dogon intègre l’armée malienne en 1986 et fait un Certificat d’études techniques CIT N°1 et 2 et passe au concours d’une école d’officiers pour la France, mais la guerre du Golf fait annuler cette formation. Ce n’était que partie remise. Car, l’année d’après, en 1991, elle part pour Paris, où elle suit une formation de médecine (militaire) au Val-de-Grâce.
Ensuite, elle revient intégrer l’Emia de Koulikoro d’où elle sort en 1994, comme sous lieutenant, avant d’aller chercher un DUA en gestion au CESAC de Dakar en 1996.
En 2001, Néma Sagara suit des cours au Nigeria, puis à l’état major Maxwell Air force BJ, en Alabama, aux Etats Unis.
« Ma place, c’est sur le front… »
En 2004, notre heroine du jour participe à la mission des Nations-Unies au Liberia comme staff d’état-major en charge des logistiques militaires.
Le lieutenant colonel Nema a fait la guerre en Sierra Leone. Puis, elle retourne aux Etats-Unis pour de nouvelles études militaires en Alabama.
Pendant que l’occupation battait son plein, l’amazone était admise à la National Defence University, à Washington DC, la plus grande école de guerre des Etats-unis.
Au terme de son stage, elle débarque à Bamako où les militaries entre eux et les hommes politiques entre eux, se disputaient le leadership pour le pouvoir pendant que les 2/3 du territoire étaient encore sous la coupe des envahisseurs. Et que les populations du nord subissaient les plus odieuses atrocités.
Dans cette atmosphère honteuse, Nema se dit: “Ma place, c’est sur le front et non à Bamako”. Avant même d’avoir pris la temperature de la capitale, l’officier atterrit, avec armes et bagages, à Sévaré (dernière ligne de défense avant l’extrême nord) où elle intègre le commandement.
“J’ai decidé d’aller au nord au lieu de rester au sud, parce que c’est làbas que ça se passe. Je me sentais plus utile sur le front, pour me battre contre les terroristes, les Djihadistes, les Indépendantistes et tous les ennemis du Mali”, dit-elle fièrement.
Mais, ce n’est pas tout. Son choix de rallier Sévaré est également motivé par un tout autre facteur qu’elle nous relate elle-même : « A Sévaré, j’ai réjoint le colonel major Didier Dakouo, un vrai chef militaire. Me battre à ses côtés était un honneur et un privilège pour moi. Il connait le nord comme le bout de ses doigts. Il y a combattu depuis jeune lieutenant jusqu’à colonel major. C’est un chef qui sait ce qu’il veut. Avec lui, il n’y a pas de place pour l’échec. La présence de cet officier hors pair m’a beaucoup motivée. Donc, j’étais dans le commandement d’un grand combattant qui ne connait que la guerre ».
A Sévaré, Nema nous révèle que l’armée était en plein régime dans les préparatifs pour se diriger vers le nord, aller combattre les Djihadistes et les chasser du pays. C’est dans ce contexte que Konna a été attaquée début janvier 2013. Konna où l’armée avait installé un poste avancé. La guerre a commencé le 11 janvier et l’armée s’y est résolument engouffrée.
Le 27 janvier, le commandement qui était à Sévaré installe son QG à Gao et reste toujours sur sa position de défense du pays.
« Notre mission consiste à nous battre contre toutes sortes d’ennemis sur le terrain », murmure le lieutenant-colonel Nema Sagara. Mais spécifiquement, la Numéro 2 de l’armée malienne à Gao, sillonne la grande cité du nord du Mali pour trouver les caches d’armes et rassurer les populations.
« Nous procédons par des patrouilles, le nettoyage ; nous recoupons les informations des populations qui nous ont permis de découvrir des caches d’armes et de munitions dans les maisons, les arbustes, les chambres à air et dans le fleuve. Maintenant, on attend la décrue pour nettoyer le fleuve de fond en comble », témoigne l’amazone des Askias. Qui salue la collaboration des populations grâce à laquelle les ennemis ne parviennent plus à s’infilter, ni à se regrouper pour attaquer. « Dès que les Djihadistes rentrent dans la ville, nous sommes informés, et nous les réduisons, c’est-à-dire nous les tuons ».
Aujourd’hui à Gao, Néma est au four et au moulin, partagée entre les relations et la collaboration avec les populations civiles notamment les femmes, et les actions militaires au sein du Poste de commandement de Gao tenu de mains de maître par le colonel major Didier Dakouo.
Un officier français témoigne : « C’est un soldat disponible »
Le lieutenant colonel Sagara ne passe plus inaperçue dans les rues et les marchés de la cité des Askias. Pas plus qu’aux yeux de ses frères et compagnons d’armes et des militaires de la Misma et des forces françaises.
Lieutenant colonel Aldo des forces Serval s’est dit admiratif du dévouement de cette officier qui respecte l’uniforme. Témoignage :
« Notre collaboration avec le lieutenant colonel Néma Sagara, pour le travail qu’on a réalisé ensemble auprès des autorités et des populations de Gao, était exceptionnelle. J’ai toujours trouvé en Nèma un soldat qui est disponible et qui est très dynamique au profit des Maliens.
Nous avons établi un véritable partenariat. Nous étions vraiment ensemble, côte à côte, elle et toute mon équipe pour organiser les réunions de conciliation sur les problèmes qui pouvaient exister éventuellement entre les communautés. On était aussi côte à côte, pour organiser la campagne de prévention aux munitions non explosées. Qu’il s’agisse du passage dans les écoles pour expliquer aux enfants ce qu’il fallait faire pour se passer des minutions non explosées ou la campagne qui nous a permis d’afficher les panneaux d’informations pour les populations sur des minutions non explosées. Elle a été également d’un très grand appui pour la réalisation des travaux de réhabilitation du marché de Gao qui avait été détruit en février pendant les combats. Et que nous nous sommes attachés à réhabiliter sur fonds financiers français. Donc, par ses excellentes connaissances et relations des différentes personnalités dans la ville et des populations, elle nous a facilités la réhabilitation de ce marché.
Je suis très admiratif du travail du lieutenant Nema. C’est une femme militaire qui n’a pas hésité une seule seconde à aller sur la ligne du front. Dans notre esprit d’homme, ce n’est pas du tout facile. C’est des conditions de vie très particulières. Je suis vraiment très admiratif du Lieutenant/Colonel Néma Sagara, de son engagement pour son pays, pour sa population, au sein de l’armée malienne pour que le Mali retrouve son intégrité et sa liberté ». Sans commentaire.
Sékou Tamboura