Vingt-six civils maliens et burkinabè, dont des femmes et des enfants, ont péri jeudi 25 janvier dans l’explosion d’une mine au passage de leur véhicule près de la ville de Boni, entre Mopti et Gao, dans le centre du Mali.
Le chauffeur du véhicule qui a sauté sur la mine connaît bien le trajet. Il conduit quasiment une fois par semaine depuis le Burkina Faso voisin des forains à la foire hebdomadaire de Boni.
Tôt ce jeudi, à quelques kilomètres de la localité malienne, le véhicule saute sur une mine. L’explosion le coupe en deux et réduit le 4X4 en petits morceaux. Le spectacle, selon les témoins, est insoutenable. Des corps sont déchiquetés. Un premier bilan fait état de 13 morts, mais en reconstituant les corps, on atteint le chiffre de 24. Aucun occupant du véhicule n’a survécu.
Quatre nourrissons et leurs mères figurent parmi les victimes. Il y a aussi sept membres d’une même famille. Ils ont été enterrés dans une fosse commune à Boni. Si le conducteur et trois autres passagers sont originaires du Burkina, tous les autres sont originaires de Boni. La localité est aujourd’hui plongée dans le deuil.
« Tout le monde est en deuil »
Les accidents de mine sont fréquents dans la zone mais touchent généralement les forces armées et pas la population. Aujourd’hui les gens ont peur de prendre la route mais ils n’ont pas le choix explique le sous-préfet de Boni. « Chacun a peur de sortir maintenant, déplore-t-il. Mais les gens ne peuvent pas rester, ils sont obligés de voyager. S’ils ne voyagent pas, ils ne peuvent pas vivre. C’est des commerçants… Mais avec ce problème, c’est autre chose. »
« Tout le monde est en deuil. On ne peut même pas parler avec quelqu’un. Quand il y a mort d’homme, ça ne va pas du tout », se désole le sous-préfet.
Les regards accusateurs se tournent vers les jihadistes, même s’il n’y a toujours pas eu de revendications. Les mines et les jihadistes sont un couple mortel bien connu dans cette partie du Mali. Dans le secteur de Boni, ils avaient dans le passé fait usage de mines, notamment contre l’armée malienne.
Selon plusieurs sources, les militaires maliens étaient très probablement visés. Mais au dernier moment, par stratégie, leur convoi a changé d’itinéraire. Les mines sont très utilisées dans le centre et le nord du Mali. Elles sont facilement dissimulables et causent d’énormes dégâts.
A Bamako, des Bonois réagissent entre douleur et colère
A 800 km de Boni, dans un quartier de Bamako où résident de nombreuses personnes originaires de cette ville, beaucoup évitent de parler ouvertement, malgré la distance, de peur des représailles. Les rares qui osent livrent le sentiment général. « Pour nous, ressortissants de Boni, c’est horrible, s’attriste Mohamed Touré. Nous sommes choqués, meurtris. »
Moustapha Dicko, lui aussi ressortissant de Boni, ancien ministre et candidat à la présidentielle de 2018, exprime sa solidarité dans l’épreuve.
Mais ici, la colère gronde aussi contre l’Etat. « Malgré la présence de l’armée malienne, malgré la présence de la force récente là, on a parlé du G5 Sahel, l’insécurité persiste. Le gouvernement est responsable de tout ceci parce que c’est lui qui est chargé de la sécurité des personnes et des biens. »
D’autres Bonois envisagent de collecter des fonds pour assister les familles de victimes. Et d’autres enfin envisagent de se rendre dans leur ville natale par compassion.
RFI