En ces périodes de tension extrême et de mouvements sociaux, il importe d’en appeler à la pondération et aux responsabilités de chacun de nous et de nous tous.
Dans un pays comme le Mali, les relations sociales sont prégnantes – N’baléma mousso, N’baléma Ké, N’Fa ké, N’ba mousso, Koro mousso, Koro ké, N’ben ké, N’tenin mousso, et cætera – attestent que la parentalité est si primordiale qu’elle irrigue toute la société. Cette réalité est spécifique et mérite d’être souligné pour que tout manifestant se dise que l’agent chargé du maintien de l’ordre en face de lui est une N’baléma mousso ou un N’baléma Ké et inversement que l’agent dépositaire de la force publique ait conscience que non seulement, le civil en face est un des siens à un des titres sus-cités, mais encore, il est désarmé et par conséquent redevable de sa protection.
Selon la loi, la mission des forces publiques consiste à protéger les personnes et les biens, l’armée ayant à charge la garantie de la souveraineté nationale.
La déliquescence des institutions étatiques ces dernières années dénie toute légitimité à cette équipe gouvernante l’exercice monopolistique de la violence.
En matière de maintien de l’ordre et de la sécurité urbaine, la sociologie attribue à l’Etat, le monopole de la domination physique et symbolique, auquel il appartient d’habiller et d’équiper correctement les corps constitués et dédiés à cette fin. La mission du maintien de l’ordre n’est pas simplement une démonstration de la capacité cérémonielle ou de la puissance symbolique des agents quels qu’ils soient, mais surtout leur aptitude dissuasive pour l’usage de la violence leur compétence à assurer un calme et une sérénité conformes au sentiment de justice qui anime les collectivités locales.
Les forces de l’ordre doivent-ils s’interroger sur la nature du monopole dont l’Etat est le produit autant que l’expression ? Assurément oui dès lors que le Président se complait dans l’avilissement favorisant la pérennité des factions armées à travers le pays, dans le sous-équipement des forces de défense et dans l’équipement inapproprié des forces de sécurité. Une violence légitime est adossée au droit.
Outre l’injustice consistant à la montée en puissance des forces de sécurité qui n’auront en face que des civils sans arme, il existe une ignominie cynique à envoyer les agents de la force publique affronter leurs concitoyens, leurs N’baléma mousso, N’baléma Ké, N’Fa ké, N’ba mousso, Koro mousso, Koro ké, N’ben ké, N’tenin mousso, et cætera.
La violence légitime ne signifie pas qu’elle est légale, autant que la violence légale n’est pas nécessairement légitime. Force doit rester à la loi a-t-on coutume de dire, mais la désinvolture avec les règles démocratiques du pouvoir en place, lui retire toute légitimité, tant qu’entre la légalité et la légitimité est apparu une césure ontologique.
Nous savons depuis longtemps que le Ministère public a été subverti et récemment la cour constitutionnelle nous en a donné la preuve irréfutable, tant que la légalité ne saurait être retenue pour l’exercice du monopole de la violence légitime et symbolique, que nous reste-t-il donc ? D’ordinaire, la légitimité se nourri du triptyque constitutif traditionnel, charismatique ou de la légalité-rationnelle. Le Président et son gouvernement ne peuvent honnêtement convoquer aucune de ces instances sans prêter soi-même au ridicule.
Dans les circonstances actuelles, nous ne pouvons croire un seul instant, que nos soignants, nos enseignants, étudiants, nos élèves, nos sages, nos religieux soient mal intentionnés ou malveillants, c’est la raison pour laquelle nous en appelons aux corps habillés et toutes les forces en uniforme, de protéger vaille que vaille le citoyen malien. Nous les invitons à contrario au respect traditionnel et séculaire des femmes et des aînés, à révérer les dignitaires religieux et les familles coutumières.
Que Dieu protège notre Pays, sa gloire et sa liberté.
Cheick Boucadry Traoré