C’est une France transformée que va diriger à partir de lundi Emmanuel Macron, au lendemain d’élections législatives où il a perdu la majorité absolue à l’Assemblée nationale, ouvrant une période d’incertitude et d’instabilité.
“Moins de deux mois après la réélection d’Emmanuel Macron, le vote des Français lors du second tour des élections législatives prive le président de la République du contrôle de l’Assemblée nationale”, résume dans son éditorial le journal catholique La Croix.
“Saut dans l’inconnu” titrait dans son éditorial le quotidien de droite Le Figaro. “La France a voté et puni Macron” pour le média allemand Spiegel.
La coalition du président français est certes arrivée en tête, mais sans majorité absolue et plusieurs piliers du gouvernement d’Elisabeth Borne qui se présentaient ont été battus.
Aucune formation n’est en mesure de prendre l’ascendant à l’issue de cette élection marquée par la percée de l’extrême droite et la confirmation d’un découpage du paysage politique en trois blocs: le centre autour d’Emmanuel Macron (245 députés Ensemble!), une extrême droite survitaminée autour de Marine Le Pen (89 députés Rassemblement national, RN), et un attelage allant de l’extrême gauche aux socialistes (135) conduite par Jean-Luc Mélenchon, Nupes, première force d’opposition.
Et, entre le centre et l’extrême droite se tient la droite classique, Les Républicains (LR), affaiblis mais toujours debout et qui se retrouveront en position d’arbitre avec 61 députés.
Accord de gouvernement ?
Concrètement, soit la coalition Ensemble! d’Emmanuel Macron passe un contrat avec d’autres partis, à l’image des accords de gouvernement en Allemagne, soit elle négocie au coup par coup selon les textes qu’elle veut faire passer, mais plus le nombre de députés manquants pour atteindre 289 est élevé, plus c’est difficile.
Dimanche soir, chacun des partis a affirmé qu’il agirait de manière responsable, ne bloquant pas systématiquement le gouvernement, mais en proclamant vouloir rester dans l’opposition.
Mais certaines voix pourraient appeler à passer un accord de gouvernement, comme l’ancien ministre de droite Jean-François Copé qui affirme qu’un “pacte de gouvernement est vital entre Macron et LR pour lutter contre la montée des extrêmes”. L’addition des députés Ensemble! et LR permettrait d’atteindre la majorité absolue.
Ce panorama replace le Parlement au centre du jeu politique français, une première sous la Ve République, un régime présidentiel créé par le Général De Gaulle en 1958 justement pour éviter l’instabilité du régime parlementaire qu’était la IVe République.
La France “fait un saut dans l’inconnu politique. Séisme à l’Assemblée: des bataillons bruyants et querelleurs vont s’installer de part et d’autre de l’hémicycle et le transformer en chaudron bouillonnant de passions. C’est toute la physionomie de notre débat démocratique qui – on le verra si Elisabeth Borne se plie à l’exercice de la déclaration de politique générale – va en être profondément affectée”, anticipe Le Figaro.
“L’échec d’Emmanuel Macron”
“Le président récemment élu fait maintenant face à l’incertitude sur les alliances à nouer pour faire adopter ses réformes clés cet été”, selon le quotidien britannique The Guardian.
“L’échec d’Emmanuel Macron inaugure une configuration très conflictuelle à l’Assemblée nationale”, selon le journal espagnol El Pais.
Pour le président et son entourage, il faut réussir à consolider une force politique parlementaire pour pouvoir espérer faire passer ses textes avec un minimum de sérénité.
“Nous travaillerons dès demain (lundi, ndlr) à construire une majorité d’action”, a déclaré Mme Borne dimanche soir, estimant qu’il n’y a “pas d’alternative à ce rassemblement pour garantir la stabilité”. Il faudra trouver “les bons compromis”, a-t-elle dit.
Dès dimanche soir, tous les partis de la gauche à l’extrême droite ont proclamé leur “responsabilité”, laissant entendre qu’ils ne seraient pas dans l’opposition systématique pour bloquer le gouvernement mais qu’ils étaient ouvert à négocier.
Le mandat de 5 ans des députés ne commence officiellement que mercredi.
D’ici là, les nouveaux élus, parmi lesquels d’emblématiques novices en politique comme Rachel Kéké, ancienne femme de chambre devenue députée Nupes, doivent venir s’enregistrer et récupérer leur mallette de député contenant l’écharpe tricolore.
Ils doivent également faire des photos officielles et rejoindre les groupes parlementaires qui devront se constituer avant le 28 juin à 15H00 locales, ouverture en séance publique de cette XVIe législature.