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Le ministre Lamine Seydou Traoré : «Notre priorité, c’est de faire briller davantage l’or pour le Mali»

Lamine Seydou Traoré, ministre des Mines, de l’Énergie et de l’Eau du Mali. © Baba Cissé (Afrimage)Ministre des Mines, de l’Énergie et de l’Eau, Lamine Seydou Traoré est un membre important du gouvernement de Transition. Personnage brillant, mais confronté à la vétusté de tous les secteurs dont il a la charge, il compte sur l’efficience de la mise en action d’outils existants, comme le Code minier de 2019, pour réussir le redressement de la situation….

Propos recueillis à Bamako par Bruno FANUCCHI@PresseAfrica.Avec la réputation d’être toujours le premier de la classe, Lamine Seydou Traoré a été consacré « meilleur bachelier du Mali » en 1998, obtient une bourse d’excellence de l’État malien pour partir au Maroc d’où il revient avec une maîtrise en Sciences économiques et techniques comptables et financières. En 2017, il sort Major de sa promotion d’expertise comptable et financière de l’UEMOA (Union économique et monétaire ouest-africaine) avant d’occuper d’importantes fonctions comme celle de DGA d’Orange Mali, jusqu’à sa nomination au Conseil d’administration de l’Autorité malienne de régulation des Télécommunications et des Postes. Et son entrée au gouvernement à l’automne dernier..À la tête de ce Ministère des Mines, de l’Énergie et de l’Eau, vous êtes déterminé à poursuivre ce parcours « sans faute » ?Lamine Seydou Traoré – J’ai en effet cette réputation d’être très exigeant en matière de qualité. C’est cette rigueur qui m’a permis – en apprenant mes leçons à la lampe à pétrole de 1987 à 1994 – de sortir meilleur bachelier du Mali. J’ai aussi un Master en économie numérique obtenu de ParisTech, Institut des Mines et Télécoms, avec mention « très honorable ». C’est un bel exemple que j’essaie de partager au sein de ce Ministère.Quelles sont vos priorités pour ce secteur « stratégique » et un peu nouveau pour vous ?Lamine Seydou Traoré – Ces priorités, je pourrai vous les énumérer en fonction des trois sous-secteurs qui me sont confiés et dont je vais faire tout d’abord l’état des lieux. Commençons par le secteur de l’Eau caractérisé par trois éléments essentiels :1 – Un problème tarifaire, car depuis quinze ans, les tarifs de l’eau n’ont pas évolué, ce qui peut paraître normal, mais en réalité aujourd’hui le Mali a les tarifs les plus bas dans la sous-région.2 – Le problème de l’insuffisance dans la distribution, lié à la vétusté des canalisations en raison d’un manque d’investissements dans le secteur depuis vingt ans, de difficultés financières de plus en plus accrues car le prix de vente est inférieur à celui de la production.3 – Insuffisances aussi des financements dans le secteur. En 2020, la part de l’eau dans le budget de l’État est de 2,5 % et le gouvernement de Transition l’a portée à 3,5 % pour 2021 pour atteindre en 2030 un de 5 %, tel que recommandé au niveau mondial..« Donner de l’eau potableà tous les Maliens ».La pluie est toujours reçue comme une bénédiction au Mali…Lamine Seydou Traoré – L’eau est essentielle, c’est la vie ! Ma priorité est de donner de l’eau à tous les Maliens, mais pour y parvenir il faut faire en sorte que l’on puisse attirer l’investissement privé dans ce secteur pour améliorer les canalisations. Quand on allie la rentabilité à l’obligation de service public, on arrive toujours à de meilleurs résultats. Il faut donner de l’eau potable à tout le monde et assurer pour cela une certaine maintenance afin d’y arriver en 2030.La Transition politique vous impose des objectifs à court terme. Quels sont-ils ?Lamine Seydou Traire – Dans la transition, il y a la notion de refondation. Il nous faut relancer l’économie et l’un de nos projets phares dans le secteur de l’eau, c’est la mise en valeur et la navigabilité du fleuve Sénégal entre Saint Louis et chez nous. Cela permettra de désengorger un peu nos routes dans les corridors Bamako-Dakar et Bamako-Abidjan.Pour le fleuve Niger et l’organisation du bassin du Niger, c’est essentiellement l’agriculture qui est concernée et mon Département y apporte son concours avec la réalisation d’ouvrages à alimentation énergétique photovoltaïque.Dans le domaine de l’énergie et de l’électricité, peut-on faire là aussi l’état des lieux ?Lamine Seydou Traoré – L’état des lieux est très désastreux. La Transition commence par une Société d’Énergie du Mali (EDM) qui a aujourd’hui 180 milliards F CFA de dettes d’exploitation, d’où un choc de son « business model » marqué par 70 % de production thermique à coûts très onéreux.EDM est obligée de vendre l’électricité à un coût inférieur au coût de production, lié là encore à la vétusté du réseau, à l’absence d’investissements et à une demande qui augmente de 10 % chaque année. On s’est donc assigné deux directions majeures pour redresser EDM avec des actions à court et long terme. Si on se limite aux premières, on ne règlera pas le problème de non-rentabilité d’EDM, en recourant à des solutions d’urgence qui, par nature, sont très coûteuses dans ce domaine.À court terme, il s’agit que les Maliens pâtissent moins de la période chaude, de fin février à juin, marquée par l’étiage de basses eaux.Il nous faut réduire les sources de délestage, dues principalement à des pannes sèches des groupes électrogènes qui ne sont pas suffisamment alimentés en combustibles, et la vétusté des postes de transit dont certains ont pris feu, ces derniers temps.Deux actions s’imposent : d’une part, sécuriser l’approvisionnement de nos groupes électrogènes en combustibles – nous avons lancé dans la transparence un appel d’offres afin de recruter deux fournisseurs pour chacun de nos sites de production thermique, et réduire de 65 % les problèmes de délestage ; d’autre part, la mise en place d’un « système B » de secours permanent pour parer aux défaillances des postes de transit et alimenter les populations en énergie. Il faut faire des délestages un accident. Je ne dis pas qu’on va les éradiquer, mais on va les rendre accidentels, exceptionnels.Le ministre Lamine Seydou Traoré durant son entretien avec le grand reporter Bruno Fanucchi © Baba Cissé (Afrimage).« Le barrage hydroélectrique de Keniédoit assurer l’approvisionnement de Bamako ».Prévoyez-vous la construction de centrales hydroélectriques ?Lamine Seydou Traoré – J’ai donné instruction à mes équipes de mener de manière concomitante des actions à court et long terme. En même temps que nous gérons les solutions d’urgence, il faut que nous soyons capables à long terme de créer un soubassement pour sortir EDM de sa situation de déficit chronique, puis de rentabiliser l’entreprise par une mise en œuvre d’une politique de maîtrise des coûts et des revenus. Pour s’assurer que tout ce qui est produit est vendu, facturé et recouvré. On y travaille.À très long terme, il faut poser des actions qui aideront EDM à renverser la tendance de son mix énergétique en investissant massivement dans des sources d’énergie moins onéreuses, telles que l’hydroélectricité et le photovoltaïque, c’est-à-dire l’énergie solaire et l’énergie éolienne.Dans le budget 2021, nous avons obtenu 3 milliards F CFA pour pouvoir lancer des études pour la construction de trois centrales hydroélectriques, dont le barrage de Kenié, sur le fleuve Niger, sur la route de Koulikoro, qui doit assurer et sécuriser l’approvisionnement de Bamako en électricité. Toutes les conditions y sont réunies pour lancer les travaux et donner le premier coup de pioche avant le 1er juillet.Finissons par un autre secteur capital, celui des mines…Lamine Seydou Traoré – Le secteur minier du Mali, c’est une réserve intarissable de ressources minérales : or, lithium, diamants, pétrole, calcaire. Ce secteur représente 400 milliards F CFA de recettes dans le budget national, soit 70 % des exportations du Mali et près de 10 % du PIB.Ce secteur est relativement jeune et l’ensemble des efforts ces dernières années était de savoir comment attirer les investisseurs.Un nouveau Code minier a ainsi été adopté en septembre 2019, mais il n’était pas encore opérationnel. Quand nous sommes arrivés aux affaires, nous avons fait adopter les décrets d’application et nous avons fait valider ce que l’on appelle la Convention type et, aujourd’hui, tout l’arsenal est réuni pour que les investisseurs puissent demander les permis de recherche et d’exploitation.Parmi les innovations de ce nouveau Code, notons l’exigence des contenus locaux. Les miniers sont ainsi astreints à ce que l’essentiel de la chaîne de valeur de la production de l’or puisse être réalisé par les Maliens et nos entreprises locales.Le Mali n’est-il pas le 2e producteur d’or d’Afrique, exploité malheureusement par des multinationales, et plus aucune société malienne ?Lamine Seydou Traoré – Le Mali est bien le 2e producteur d’or en Afrique, mais le seul patron malien, celui de la société Wassoulor, a malheureusement fini par céder sa mine… Notre priorité aujourd’hui, c’est de faire briller davantage l’or pour le Mali. Comment y arriver ? Que le Code minier de 2019 soit pleinement appliqué, car il consacre le développement local. Notre objectif majeur, c’est d’assurer cet équilibre, afin que le secteur reste rentable pour les investisseurs et que ses revenus soient élevés pour que l’État récolte plus d’impôts. Mais il faut aussi et avant tout que les populations riveraines des mines, puissent en tirer profit.Il faut donc renforcer le contrôle de l’État sur le secteur minier avec des outils pour améliorer notre équipement et des ressources humaines bien formées. On envisage ainsi très rapidement la création d’une Agence de gestion du Patrimoine. Elle fonctionnera un peu comme une Autorité de régulation et pourra contrôler la traçabilité de tous les minerais extraits, et donc la quantité exacte d’or produite sur l’ensemble de la chaîne.Le ministre Lamine Seydou Traoré durant son entretien avec le grand reporter Bruno Fanucchi. © Baba Cissé (Afrimage).« Cette visite à Kidal est un signalfort pour la réconciliation nationale ».Que faire pour endiguer l’orpaillage clandestin ?Lamine Seydou Traoré – Notre autre priorité est, en effet, de lutter contre l’orpaillage illégal avec la dernière énergie : le dragage est désormais clairement interdit. Le Code minier a défini l’orpaillage traditionnel et nous allons organiser cette filière pour que les orpailleurs profitent mieux de leur travail, en leur offrant une centrale d’achat ou un comptoir leur permettant de vendre leurs produits.Un premier Salon international de l’or, Afrik’Or, doit se tenir à Bamako du 12 au 14 février, avec Kankou Moussa Raffinerie (KMR), que préside l’Italien Dario Littera, et le parrainage de la Princesse Esther Kamatari. C’est un beau challenge, qu’en attendez-vous ?Lamine Seydou Traoré – On se réjouit d’une telle tribune réunissant tous les acteurs du secteur minier autour d’un événement mettant en lumière toutes ses réalisations et montrer aussi tout que ce qui est RSE à l’endroit des populations. La Raffinerie Kankou Moussa nous donne de grands espoirs : nous sommes en train de travailler avec elle pour arriver à une sorte de protocole d’entente et à une certification en bonne et due forme. Ce qui signifie que le Mali pourra assurer, de bout en bout, tout le traitement de l’or jusqu’à la mise en vente sur le marché international.Que faire de plus pour faire revenir les investisseurs au Mali qui fait face à une double crise sécuritaire et sanitaire ?Lamine Seydou Traoré – La crise sanitaire est mondiale et a des effets sur le Mali comme sur le reste du monde. Sur le plan sécuritaire, force est de constater qu’il y a eu beaucoup d’améliorations. J’en veux pour preuve la visite que nous venons d’effectuer à Kidal, il y a trois semaines avec six membres du gouvernement, dont les ministres de la Sécurité, de la Réconciliation et de la Santé.Avec pour objectif d’aller montrer à la population de Kidal que le gouvernement de transition est à ses côtés et résolument engagé à faciliter la vie des citoyens maliens, où qu’ils soient.L’essentiel était d’évaluer à quel niveau l’on est du déploiement des services publics de base et ce qu’il faut faire. Nous avons ainsi réalisé une visite ministérielle sans un seul coup de feu ni manifestation d’hostilité. Bien au contraire : les jeunes sont, cette fois-ci, sortis jusqu’au stade pour nous accueillir. C’est la preuve d’importantes avancées. Nous travaillons tous d’arrache-pied pour refaire du Mali une terre d’hospitalité et de prospérité, où il fait bon vivre. Cette visite à Kidal est incontestablement un signal fort pour la réconciliation nationale.Un dernier mot ?Lamine Seydou Traoré – Que Dieu bénisse le Mali ! Les choses bougent et le souligner comme vous le faites en venant ici est très important pour attirer davantage les investisseurs. Merci encore !……

Source : Africapresse.paris

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