Depuis deux semaines, l’actualité dominante reste celle de l’insécurité dans la capitale malienne avec certains cas d’assassinats dont celui de l’Iman Yattabaré, du commerçant Oumar Touré, d’un apprenti chauffeur,…Pour nous renseigner des dispositions qu’envisagent les autorités pour circonscrire cette situation, nous avons rencontré le ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le général Salif Traoré. Dans l’interview qu’il nous a accordée, il a non seulement expliqué ses nouvelles stratégies de lutte contre cette insécurité, mais a aussi demandé une franche collaboration entre ses éléments et les populations.
Lisez l’interview
Le Pays : Dans ces deux semaines, nous assistons à une insécurité dans la capitale malienne. Quelles sont les dispositions que vous avez prises au sein de votre département pour y mettre fin ?
Salif Traoré : Je voudrais préciser que l’impression que les Maliens à l’intérieur et à l’extérieur, surtout ceux de Bamako et environs ont, c’est que l’insécurité grandit, mais ce n’est pas exactement le cas, parce que nous avons les statistiques de ce qui s’est passé l’année dernière, et l’année d’avant.
Il faut reconnaitre que ces dernières semaines, il y’a eu des cas dramatiques et crapuleux qui se sont enchainés et qui peuvent donner l’impression qu’il y’a beaucoup d’insécurité. Mais il faut vraiment analyser ça avec un peu de recul, parce que si nous contribuons tous à dire que ça ne va pas, nous allons créer la psychose à Bamako et ce n’est pas bon.
Comme je l’ai dit, il y’a eu quelques cas d’attaques, mais si vous analysez, la présence ou l’absence des forces de l’ordre ne pouvait pas empêcher ces cas. Il y’a donc des conclusions à tirer pour nous, pour la population civile, et pour tous les citoyens de façon générale.
De notre côté, nous avons réuni hier, lundi 28 janvier 2019, tous les responsables des forces de sécurité et de l’ordre pour faire le point avec eux, pour leur donner la parole, pour dire qu’est-ce qui leur faut pour qu’on change de fusil d’épaule, pour qu’on s’adapte à cette nouvelle donne parce que les Maliens ont le sentiment qu’il y’a plus d’insécurité. Nous nous sommes demandé ce que nous devons faire de plus pour la sécurité des Maliens et de leurs biens.
Et depuis hier soir, vous avez remarqué que la façon de faire la patrouille a changé. Aujourd’hui, au moment où je vous parle, des agents sont à pied dans certains endroits de Bamako. Depuis hier soir, des fouilles systématiques sont en cours. Ce matin encore, des saisies importantes ont été faites dans certains endroits de Bamako, et nous allons continuer jusqu’à ce que la situation soit satisfaisante pour le maximum des Maliens.
Où en sommes-nous avec les enquêtes des différents cas d’attaques ?
D’abord l’affaire Baba Coulibaly tué vers Safo. Vous conviendrez avec moi qu’il est difficile pour les forces de l’ordre d’empêcher cela parce que ce sont deux personnes qui se connaissaient. Mais après l’assassinat, les forces de l’ordre ont résolu l’affaire en 48 heures. Dans cet intervalle, nous avons retrouvé l’assassin qui a reconnu les faits, et nous l’avons déféré à la justice. On peut dire à ce moment-là que l’enquête est close puisque notre mission était de rechercher celui qui était l’auteur du crime. Nous avons déployé la Brigade antiterroriste qui a sécurisé le lieu ; nous avons déployé la police technique scientifique avec la protection civile ; on a pu extraire le corps et l’identifier formellement. L’enquête a été bouclée et le criminel est entre les mains de la justice.
S’agissant de l’affaire de l’Imam Yattabaré, là aussi, la victime et l’agresseur se connaissaient. Ils priaient dans la même mosquée ; notre attention n’a jamais été attirée sur le futur assassinat. Et quand il a commis son crime, c’est lui-même qui s’est rendu à la police. Lors de son audition, tous les noms qu’il a cités, on les a recherchés individuellement et on les a confrontés. Là aussi, l’affaire est déjà bouclée puisqu’on a transmis le dossier à la justice, et la victime a été déférée.
L’autre cas où l’apprenti et le passager se sont bagarrés et il y’a eu mort d’hommes. C’est fait devant les gens, mais personne n’est intervenu jusqu’à ce que l’assassin sorte un instrument dans sa poche et poignarde l’apprenti chauffeur. Là aussi, la population présente ayant tabassé sérieusement le criminel, on l’a transporté à l’hôpital où il reste jusqu’à présent entre la vie et la mort. Dès qu’il se rétablit, on fait la formalité et on le remet à la justice.
Le cas malheureux de Touré, assassiné devant chez lui par les bandits qui voulaient emporter son sac d’argent. Là effectivement, quand nous avons eu l’information, nous nous sommes rendus sur le lieu. Mais l’évènement s’était passé depuis un moment. Donc les recherches sont en cours à ce niveau pour retrouver ces assassins et le remettre à la justice.
Parlant des cas de braquages, à part ceux du mini prix, nous avons traqué les autres délinquants et les criminels et ils sont en prison.
Pour lutter contre l’insécurité, il faut une parfaite collaboration entre les forces de sécurité et la population. Quel appel avez-vous à lancer à la population malienne pour sa franche collaboration avec vos éléments ?
Ce que je voudrais dire sur ce point, c’est que notre combat sera vain sans l’accompagnement de la population. Quand je dis la population, les organisations professionnelles dont la presse ont un rôle crucial. Les médias ont un rôle extrêmement important non seulement quand vous jouez le jeu de véhiculer certaines informations qui ne sont pas fondées, à ce moment-là la psychose se crée facilement. Quand une information erronée passe, ça ne peut contribuer qu’à aggraver la situation. Et là, je pense qu’il est de la responsabilité de tout un chacun de vérifier les informations avant de les publier. Vous avez vu, certains commencent à faire circuler des vidéos de 2015 et 2016 pour dire que ça s’est passé avant-hier. Tout cela pour créer une situation consistant à faire comme si la capitale du Mali s’enflamme. Cela n’arrange personne. Ce n’est pas une affaire de la politique de la sécurité. On doit préserver le domaine sécuritaire. Qu’on aille sur d’autres terrains, c’est ce qui est bien pour nous tous. J’insiste là-dessus, le rôle de la population est central dans la lutte contre l’insécurité. Nous, en tant que porteurs d’uniformes, travaillons pour la population. Si elle ne nous oriente pas, si elle ne nous écoute pas, si elle ne nous guide pas, comment peut-on faire pour mieux la satisfaire ? Voilà pourquoi, au niveau du département, nous avons mis en place une stratégie nationale pour le renforcement des liens de confiance entre les forces de défense et de sécurité et la population qui est assortie d’un plan d’action 2018-2021. Nous avons élaboré un petit manuel que nous distribuons dans les écoles pour que les uns et les autres comprennent ce qui est nos forces, quels sont nos vrais rôles. Nous sommes également dans le concept de police de proximité où nous essayons de créer le dialogue permanent entre les forces de l’ordre et les populations. Tout cela est en cours .Moi-même, je participe à certaines de ces rencontres organisées par les commissaires au niveau de certains quartiers. Nous pensons qu’avec la création des comités locaux consultatifs de sécurité jusqu’au niveau des villages et des quartiers pour nous retrouver dans un cadre formel et discuter de leur question de sécurité. Cela devrait nous rapprocher les uns des autres, et travailler les mains dans les mains. La sécurité est transversale, ce n’est pas seulement la responsabilité du porteur d’uniformes.
L’appel que je lance est qu’on se donne les mains, qu’on soit patient, qu’on évite d’envenimer la situation. Une seule personne qui perd la vie, c’est trop ; il ne faut pas qu’on joue en envenimant la situation. Nous avons besoin de calme. Nous avons besoin d’orientation, de guide. Nous avons besoin d’être ensemble pour lancer un message fort à tous les assassins, à tous les délinquants, à tous les criminels que leurs activités ne pourront pas prospérer. Et nous sommes engagés à ça.
Réalisée par Boureima Guindo