Le chef de l’opposition sénégalaise Ousmane Sonko et son second, le candidat à la présidentielle Bassirou Diomaye Faye, ont été libérés de prison jeudi à Dakar, à dix jours des élections.
“Ils sont sortis devant nous”, a déclaré l’avocat Cheikh Koureyssi Ba, alors qu’un journaliste de l’AFP a vu un cortège sortir de la prison au milieu d’une foule nombreuse. Leur libération fait suite à des semaines de crise après que le président Macky Sall a reporté le scrutin présidentiel du 25 février.
Elle pourrait également modifier radicalement la campagne présidentielle, la rhétorique puissante de M. Sonko ayant touché une corde sensible chez les jeunes électeurs. M. Sonko a été au cœur d’un amer bras de fer de deux ans avec l’État et est en prison depuis le mois de juillet. Les poursuites judiciaires engagées contre lui, ainsi que les tensions économiques et sociales, ont entraîné des troubles meurtriers entre 2021 et 2023.
La figure de proue de l’opposition est arrivée en troisième position lors de l’élection présidentielle de 2019, mais a été disqualifiée pour se présenter en 2024. Sonko a alors soutenu Faye, qui est également en prison depuis avril 2023, pour le remplacer sur le bulletin de vote. M. Faye, qui est l’un des principaux candidats à la présidence, n’a pas pu s’adresser personnellement aux électeurs depuis le début de la campagne, le 9 mars.
La coalition “Diomaye Président” a organisé jeudi un rassemblement dans la banlieue nord de la capitale, au sixième jour de la campagne. Avant même la libération de M. Sonko, alors que des rumeurs circulaient sur les réseaux sociaux, des foules d’habitants de Dakar sont descendues dans les rues pour fêter l’événement. Des voitures et des piétons brandissant des drapeaux sénégalais se sont rassemblés devant la prison au sud de Dakar où les deux opposants étaient détenus.
“Nous aimons Sonko”, ont-ils scandé. “C’est une joie. C’est incroyable. Ils ont libéré Ousmane Sonko !”, a déclaré Mamadou Mballo Mane, 31 ans.
Cette libération intervient après que le président Sall a proposé un projet de loi d’amnistie pour les actes commis dans le cadre de manifestations politiques depuis 2021. Il s’agissait d’une tentative de mettre fin à des semaines de crise après avoir reporté le vote. On s’attendait à ce que Faye et Sonko soient les principaux bénéficiaires potentiels, mais on ne sait pas s’ils ont été libérés en vertu de la loi d’amnistie.
M. Sall ne se représente pas aux élections de cette année. Sa décision de dernière minute de reporter le scrutin présidentiel de février a déclenché des affrontements qui ont fait quatre morts. Une nouvelle date a finalement été fixée au 24 mars, après un mois de crise politique.
Les troubles qui ont éclaté depuis 2021 ont fait des dizaines de morts et conduit à des centaines d’arrestations dans un pays souvent considéré comme un bastion de stabilité en Afrique de l’Ouest, touchée par les coups d’État. Sonko a été une figure de division dans la tourmente. Alors que certains le considèrent comme un agitateur incendiaire, d’autres le voient comme un leader du peuple. Sonko a toujours soutenu qu’il y avait un complot visant à l’empêcher de participer aux élections de 2024, tandis que son camp et le gouvernement se sont renvoyés la responsabilité des violences.