L’année2022 marque un retour brutal des enjeux internationaux dans le débat public sous l’effet d’une guerre en Ukraine qui alimente conflits, instabilité et de potentielles crises alimentaires un peu partout dans le monde. Après un cycle électoral majeur en France, c’est aussi vers le Sahel et l’Afrique que l’attention des nouvelles autorités doit se tourner.
Car, depuis bientôt dix ans, c’est dans cette région que l’investissement militaire et diplomatique français a été le plus marqué – à commencer par les décès de plus de cinquante de ses soldats – et c’est là que pourrait se jouer plus largement une bonne partie de l’avenir de la relation de la France avec le continent.
Or les évènements survenus ces derniers mois n’ont fait que renforcer le constat d’un échec de la politique menée par la France. Le retrait de la force « Barkhane » du Mali, annoncé en février, et la multiplication de manifestations hostiles à la France et à ses intérêts auront été des éléments marquants de cette réalité. Ils ne sont pas les seuls.
Le conflit sahélien a pris une tournure géopolitique nouvelle que la crise ukrainienne éclaire de façon inattendue avec la consolidation des intérêts russes dans la région. La politique française au Sahel est en cela un chantier de reconstruction majeur qu’il faut aborder avec sérieux et clairvoyance.
Cela implique de tirer les leçons des manquements et des revers de son approche, qui aura été principalement structurée autour d’une dimension militaire et sécuritaire, sans prise en considération suffisante des racines politiques et sociales de la crise. Les gouvernements sahéliens peinent à assurer à l’ensemble de la population – dont 40 % vit sous le seuil de pauvreté – les services sociaux de base tels que la santé, l’éducation, la protection sociale, la sécurité, et le respect des droits fondamentaux.
Le Burkina Faso, le Mali et le Tchad, trois des cinq pays du G5 Sahel, sont désormais gouvernés par des autorités militaires ; 4,5 millions de personnes ont fui les violences et près de 7 millions de personnes au Sahel central sont en insécurité alimentaire aiguë.
Basculement
Cette crise multidimensionnelle conduira sûrement les populations sahéliennes à opérer de nouveaux choix de formes d’Etat et plus largement de valeurs et modèles de société. Comme en témoignent l’extension des conflits, les contestations populaires et l’instabilité politique, la région est sans doute en train de basculer dans une nouvelle période de son histoire.
lemonde.fr