Le réalisateur Damien Froidevaux retrace l’histoire d’une jeune fille expulsée de France.
Une jeune fille de 20 ans, qui a grandi à Paris, est mêlée à une bagarre. Elle est arrêtée mais ne comparaît pas devant un tribunal. Koumba Tandjigora est expulsée vers le Sénégal, où elle est née, qu’elle a quitté à l’âge de 2 ans, sans avoir jamais ensuite eu l’envie d’y retourner.
Quand le réalisateur de La Mort du dieu serpent, Damien Froidevaux, a décidé de raconter l’histoire de Koumba Tandjigora, celle-ci vivait depuis deux ans au Sénégal, d’abord à Dakar, puis aux confins du Mali et de la Mauritanie, en pays soninké, dans le village de sa famille, sur les rives du fleuve Sénégal. Le cinéaste le confesse, il pensait filmer un combat, celui de l’exilée pour rentrerchez elle auprès de ses parents, de ses frères et sœurs, en espérant qu’il serait victorieux.
Très vite, le film s’est transformé en un dialogue, qui vire souvent à la dispute, entre le filmeur et la filmée, et la défense d’une noble cause est devenue le portrait d’un êtrecomplexe frappé par un malheur imprévu, doublé de l’histoire de la réalisation de ce portrait.
De toute façon, Koumba fait une piètre victime : colérique, de mauvaise foi, elle soupçonne ouvertement Damien Froidevaux de vouloir s’enrichir à ses dépens. Dans les ruelles du village, elle semble souvent traquée par la caméra, désireuse de dire l’injustice dont elle se sent victime, mais aussi réticente à montrer sa situation. Au fil des séjours du cinéaste au Sénégal, on voit se dessiner une histoire terrible – Koumba perd un enfant, une petite fille dont on ne peut s’empêcher de penser qu’elle aurait été sauvée si elle était née en France – et parfois douce.
Résignation et renonciation
La Mort du dieu serpent est un récit d’apprentissage d’une grande cruauté. Ce qu’apprend Koumba devant l’objectif, c’est la patience. Mais la République française et les aînés du village soninké ont fixé d’autres matières à son programme : la résignation et la renonciation.
Damien Froidevaux filme cette errance immobile (Koumba va et vient entre deux villages, avec une simple incursion dans un chef-lieu) sans chercher à mettre en évidence ce qu’il y a d’exemplaire dans ces situations. Le film attendu – un réquisitoire contre la double peine qui frappe les délinquants qui ne sont pas nés au bon endroit – laisse place au portrait d’une femme qui souffre et se débat. Cette densité fournit plus de matière à réflexion que bien des films-tracts.