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A la loupe : Se réjouir ou s’attrister ?

«Je remercie le président nigérien et le peuple nigérien. » Ces propos sont du désormais ex-otage précédemment détenu dans le nord malien par des terroristes. Serge Lazarevic, enlevé le 24 novembre 2011 en compagnie de son compatriote Philippe Verdon exécuté en juillet 2011, a été libéré avant-hier mais ne témoigne d’aucune reconnaissance envers les autorités maliennes. Est-ce par ressentiment envers le Mali où il a été enlevé ou par colère contre les autorités de ce pays qui l’ont laissé croupir en geôle pendant plus de trois ans? L’administration Ibrahim Boubacar Kéita doit-elle s’affliger ou s’indigner de cette indifférence alors que les présidents nigérien et français lui reconnaissent un rôle dans la libération du Français ?

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Du temps du président Amadou Toumani Touré, des libérations sont intervenues au Mali et les otages ont été immédiatement acheminés à Bamako avant de s’envoler pour leurs pays respectifs. Des esprits malins avaient dit alors que si des otages étaient libérés et conduits à Bamako, c’est parce que le président ATT était de connivence avec les ravisseurs, qu’il percevait une partie de l’argent versé en rançon. Les mêmes esprits malins étaient allés jusqu’à dire que si ATT avait créé ou favorisé la création de milices armées dans les régions du nord, c’était pour sécuriser les activités des nombreux réseaux criminels qui opéraient dans le septentrion, se livrant à toutes sortes de trafics : traite des Blancs, narcotrafic, contrebande d’armes. Le nord malien était devenu un vaste et juteux marché noir, source d’approvisionnement pour des terroristes opérant au Maghreb, Afrique noire, au Proche ou Moyen-Orient.

Paiement de rançon

Mais depuis le déclenchement de la guerre contre le terrorisme, la communauté internationale, avec la France en tête, est parvenue à mettre hors d’état de nuire, déstabiliser ou démanteler les réseaux criminels et terroristes du nord malien. Toutefois, malgré la réussite de ces opérations de nettoyage, le dernier otage français était introuvable jusqu’à ce mardi 09 décembre. Selon ces libérateurs, il était entre les mains des terroristes, or le seul terroriste qui sévit encore dans cette zone, c’est Iyad Ag Ghaly, le chef du mouvement islamiste Ansar Eddine. Selon plusieurs sources et témoins, les Français n’avaient jamais cherché vraiment à le capturer ni même à le traquer. De fait, il semble que Serge Lazarevic était l’otage d’Abdelkrim al-Targui, un proche parent par alliance d’Iyad Ag Ghaly, un terroriste notoire qui opère entre le sud algérien et le nord malien. C’est avec lui, par l’intermédiaire du chef d’Ansar Eddine et d’une filière touareg, que la délégation nigérienne a négocié afin d’obtenir la libération du dernier otage français. C’est désormais chose faite, l’otage a été libéré et conduit à Niamey d’où il s’est envolé pour son pays.

Le président malien, au vu de tout ce qu’on a reproché à son prédécesseur ATT, doit plutôt se réjouir que l’otage n’ait pas été acheminé à Bamako, les mêmes esprits malins l’auraient soupçonné d’avoir perçu des commissions. Aujourd’hui, c’est vers le président nigérien, qui avait déjà réussi la libération des quatre otages d’Arlit, également détenus au Mali, que les soupçons sont dirigés. Selon des informations distillées ça et là, l’otage français aurait été libéré contre la libération de quatre présumés terroristes précédemment détenus par la justice malienne. Il s’agit de Mohamed Aly Ag Wadoussène et de son demi-frère Haiba Ag Achérif, les auteurs présumés de l’enlèvement des deux français à Hombori, d’Oussama Ben Gouzzi et Habib Ould Mahouloud, interpellés pour crimes contre l’humanité et actes terroristes.

Ils n’auraient pas été les seules monnaies d’échange car de sources concordantes, une rançon aurait bel et bien été versée pour la libération de Serge Lazarevic. En effet, Iyad Ag Ghaly, qui aurait joué le rôle de « baby-sitter », ne se serait jamais débarrassé de son « bébé » sans une solide contrepartie, en cette période où les opérations Serval puis Barkhane ont fait fuir ses partenaires narcotrafiquants et contrebandiers ou refréné leurs ardeurs.

Compromissions à haut risque

Ces mêmes sources indiquent qu’il y aurait eu un million pour chacun des quatre présumés terroristes à titre de dommage et intérêts pour leur incarcération à Bamako, cinq millions pour le baby-sitter de Serge Lazarevic pour les dépenses engagées lors de sa séquestration, cinq millions pour le commanditaire de l’enlèvement des deux Français (le deuxième, Philippe Verdon est mort en détention). Soit quatorze millions d’Euro. Selon les mêmes sources, quelques millions d’Euro auraient été versés aux autorités nigériennes pour couvrir les dépenses engagées dans le cadre des négociations (voyages, déplacements, guidage, hébergement, etc.)

Mais si IBK peut se réjouir de ne pas être mêlé à ces transactions macabres, il doit s’apprêter à faire face à la colère des associations de défense des droits de l’homme.

Dans un communiqué conjoint signé, l’Amdh et Wildaf s’insurgent contre la libération de Mohamed Aly Ag Wadoussène, Haiba Ag Achérif, Oussama Ben Gouzzi et Habib Ould Mahouloud, auteurs présumés de graves violations de droits humains au Mali. Ces deux organisations ne comprennent pas qu’outre le fait de ne pas avoir été jugés, de présumés terroristes soient relâchés dans la nature avec le risque qu’ils constituent pour des dizaines voire des centaines de personnes à travers le Sahel. Elles ne comprennent pas non plus que seuls des Touareg ou Arabes sont remis en liberté alors qu’Aliou Mahamar, Songhay pure souche, ex-chef de tribunal islamique pendant l’occupation du nord, croupit toujours en prison, sans jugement et sans espoir d’être une monnaie d’échange.

IBK, même s’il doit se réjouir de ne pas être remercié par l’ex-otage français parce qu’étranger aux transactions douteuses qui ont conduit à la libération de celui-ci, doit désormais faire face à la construction de l’Etat de droit qu’il a promis aux Maliens, notamment en n’acceptant plus les compromissions à haut risque.

Cheick TANDINA

 

 

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