Le mot d’ordre de la grève des magistrats est suspendu mais pas levé. Quel enseignement peut-on tirer de ces mois de grève ? Le lundi 5 novembre 2018, les juges iront juger les citoyens, sanctionner ceux qui seront reconnus coupables de la violation de la loi. Cette même loi que les magistrats ont violée avec une arrogance déconcertante durant toute la durée de la grève. Le Mali est-il alors un Etat de désordre ou d’injustice ?
Le moment est opportun pour que l’on s’inquiète du sort de notre pays, le Mali. L’exemple n’est pas l’exemple. Les magistrats ont poursuivi leur mot d’ordre de grève en refusant même le service minimum, une obligation de leur charge en cas d’arrêt concerté de travail. « Pas question d’exécuter le service minimum, nous n’avons peur de rien. » Cette attitude des magistrats dénote à suffisance que la raison d’Etat ou l’intérêt minimum de l’Etat ne saurait être une préoccupation pour eux, ce qui compte pour eux c’est la satisfaction des différents points de revendication qui concernaient « poches et sécurité ». Le magistrat malien a osé sacrifier le droit de tout un peuple pour son confort et sa sécurité. Je parle de ce droit au service minimum que le magistrat a l’obligation d’exécuter pendant sa grève. C’est une situation très inquiétante. Le lundi prochain, il rentre « figure serrée » dans son palais de justice pour sanctionner ceux qui avaient violé la loi, qu’il sache que lui-même l’a violé. Ce genre d’Etat est identifié par l’injustice.
Le pouvoir judiciaire a réussi à vaincre toute force dissidente y compris l’exécutif. La seule leçon à retenir sur ce point, c’est que la thèse qui soutient la dépendance du judiciaire à l’exécutif est fausse. Le pouvoir judiciaire vient de prouver qu’il est le Maître incontesté. Il viole la loi quand il veut, il la respecte quand il veut. Ce genre d’Etat s’identifie au désordre.
Qui sort vainqueur, en réalité personne. Le combat n’a fait que des victimes qui sont ces pauvres citoyens qui sont injustement incarcérés ou qui n’ont pas pu obtenir leur casier judiciaire, nationalité… au moment où ils en avaient besoin. Que tout juge sache qu’il y a le juge des juges. Ce juge suprême, c’est Dieu. Qu’il sache que le dernier jugement, ils répondront de leurs actes. En attendant ce dernier jugement, l’exécutif dispose une arme que les juges maliens craignent le plus : la mutation-sanction.
Revendiquons nos droits, mais respectons le droit des autres, car l’Etat est un bien commun dont dépend notre identité.
Dr Mamadou Bakaye DEMBELE, enseignant-chercheur en droit privé, USJPB