La France a détruit jeudi trois tonnes d’ivoire issues de saisies pour sensibiliser l’opinion et afficher sa détermination à lutter contre ce trafic, une première en Europe qui suit ainsi l’exemple d’autres continents.
“Nous sommes les premiers en Europe, c’est un signal très fort de l’engagement de la France à combattre le commerce illégal d’espèces menacées, avec d’autres Etats comme les Etats-Unis, le Royaume Uni, l’Allemagne, la Chine et des pays africains”, a déclaré sur place Nicolas Hulot, envoyé spécial du président François Hollande pour la protection de la planète.
Défenseur de longue date des éléphants, M. Hulot a évoqué “leur situation tragique, notamment en Afrique centrale où 60% de la population a été décimée en 10 ans”.
“Le taux de renouvellement de l’espèce est inférieur au taux de braconnage”, a souligné de son côté le ministre de l’Ecologie Philippe Martin.
Les ONG françaises, invitées à assister à la destruction, se sont félicitées de l’engagement de la France.
Mais selon Alain Bougrain-Dubourg, de la Ligue de protection des oiseaux (LPO), “cette opération symbolique ne doit pas cacher la faiblesse des moyens de lutte des douanes contre ces trafics”. “Londres a sept douaniers dédiés à la Convention de Washington (sur les espèces menacées), aucun douanier chez nous n’est dédié à ce type de contrôles”, a-t-il déploré.
La destruction des trois tonnes d’ivoire, qui ne constituent qu’une partie des stocks français, s’est déroulée en fin de matinée, à proximité de la Tour Eiffel.
Selon l’ONG Robin des Bois, le stock d’ivoire français issu de saisies serait d’environ 17 tonnes.
Face aux braconniers et trafiquants qui ne laissent pas de répit aux éléphants africains, au point de menacer à terme la survie de l’espèce emblématique du continent, les destructions d’ivoire se multiplient dans le monde.
En 2013, des destructions ont eu lieu aux Philippines, en Inde, au Gabon et au Kenya. En novembre, les Etats-Unis réduisaient en fumée cinq tonnes d’ivoire, appelant d’autres pays à les imiter.
Début janvier, c’est la Chine, plus gros consommateur mondial d’ivoire illégal, qui en a détruit six tonnes. L’opération visait à redorer l’image de Pékin, qui a entre ses mains la survie des éléphants africains puisque la plus grande partie de l’ivoire braconnée lui est destinée.
Le salut des éléphants passera par une sensibilisation des consommateurs. Car, explique Stéphane Ringuet, expert du réseau Traffic de surveillance des espèces sauvages, “la source du problème se trouve en Asie, où l’on assiste à une augmentation démesurée de la demande en ivoire” pour la bijouterie ou la décoration.
Dans la foulée, Hong-Kong s’est engagé fin janvier à détruire 28 tonnes d’ivoire à partir de 2014.
Un plan coordonné
Selon Traffic, entre 1989 et 2011, le plus gros volume de saisies a eu lieu en Chine avec plus de 33.000 tonnes, sachant que près de 17.000 tonnes ont aussi été confisquées à Hong-Kong.
A Paris, le lot détruit comprenait 698 défenses brutes ou travaillées (2,3 tonnes) et 15.357 objets pesant 800 kg (bijoux, statuettes, etc). L’ivoire a été broyé, puis envoyé dans une cimenterie pour être brûlé.
Seuls les objets anciens en ivoire peuvent, sous réserve de produire des preuves sur leur date d’importation, être vendus.
“La destruction de stocks ne va pas ralentir à elle seule le massacre des éléphants”, souligne Jacky Bonnemains de Robin des Bois. “Mais ce doit être un des éléments d’un plan coordonné, qui comprend une réelle application des peines prévues, le renforcement des amendes et de la coopération policière”.
Les deux principaux marchés sont la Chine et dans une moindre mesure la Thaïlande, selon le comité de la Cites (Convention internationale régissant les espèces protégées).
Il ne reste plus que 500.000 éléphants en Afrique, soit moitié moins qu’au début des années 80. Au rythme d?abattage actuel (entre 20.000 et 25.000 par an), leur survie n’est plus assurée.
source : afp