Une poignée d’irrédentistes touareg qui a clamé urbi et orbi, être opprimée, depuis cinquante ans, est en passe de réussir l’exploit de mettre l’ensemble d’un pays souverain sous tutelle en prenant du coup une revanche sur une histoire tronquée de bout en bout parce que simplement fruit d’une certaine imagination assez fertile.
Les faits sont de plus en plus parlants depuis l’opération de sauvetage « Serval » qui a stoppé l’avancée fulgurante ; mais curieusement trop spectaculaire de la coalition des jihadistes qui ont revu à la hausse ses ambitions en s’emparant de la ville de Kona. Depuis la date du 11 janvier manquant la libération de cette ville, le destin de notre pays a irrémédiablement basculé passant sous le contrôle de l’extérieur qui impose et en impose ses vues présentées comme la seule et unique voie de sortie de la crise du Nord dont l’épicentre en réalité n’est que Kidal où s’agite un Mouvement national de libération de l’Azawad (MNLA) animé d’éternels insatisfaits et qui ont des dents acérées contre tous les régimes successifs.
Question révélatrice
La question de l’élection présidentielle telle qu’a été posée, dès le début de la crise, est suffisamment révélatrice du rôle d’exécutant confié à notre pays et surtout à nos dirigeants dont les actions doivent contribuer à sauver les apparences. Pour la tenue de la présidentielle, il n’était point question de proposition prenant en compte les contraintes objectives qui se posent à un pays où l’administration a vidé les lieux, l’armée présente sur seulement une partie du territoire national, des centaines de milliers des déplacés poursuivent leur mésaventure loin de leurs circonscriptions, des milliers de jeunes ayant atteint l’âge du vote ne sont pas pris en compte…
Bien au contraire, l’échéance du mois de juillet est apparue comme une exigence. Et pour cause, lorsqu’un sauveur de la trempe de HOLLANDE soutient qu’il est attaché à quelque chose, sorti de son contexte diplomatique, il ne s’agit ni plus ni moins que d’un ordre formel, à savoir tenir l’élection, dans tous les cas de figure, avant la fin du mois de juillet. « Je suis attaché à ce que les élections se tiennent à la date prévue (…). Pour y parvenir, nous devons assurer que sur l’ensemble du territoire, il puisse y avoir organisation du scrutin, pour qu’il ne soit pas contesté », a déclaré François Hollande au cours d’une conférence de presse.
La démocratie par le MNLA
Comme pour se donner des gages supplémentaires, il a soutenu : « Nous avons dit que nous sommes prêts à accompagner l’administration civile malienne à Kidal pour qu’elle organise des élections et nous avons souhaité, je crois que cela va se faire, qu’il y ait un dialogue politique entre les autorités maliennes et ce mouvement (Ndlr : Le MNLA) de façon à ce que les élections puissent se tenir à la date prévue ».
A la lumière de ces déclarations, rien ne devrait obstruer la voie quant à la tenue de la présidentielle qui devenue vitale pour la sortie de crise dans notre pays. Avant les Français les Américains avaient également posé comme première solution, la mise en place d’institutions démocratiques. Ce qui est du reste la démarche la mieux souhaitable pour avoir enfin une visibilité sur l’avenir de ce pays.
Le hic cependant, c’est qu’il est manifeste que la présidentielle annoncée par le président par intérim, Dioncounda TRAORE, pour le 28 juillet prochain, devra se dérouler aux conditions du MNLA qui ne veut pas voir de soldat malien à Kidal tout en concédant à la France, et non au Mali, le redéploiement de l’administration civile. Ce choix n’est certainement pas celui des Maliens. Ainsi, le rétablissement de la démocratie malienne passe par Kidal et pire, par le bon vouloir de ceux-là mêmes qui ont sabordé cette démocratie en prenant les armes là où le dialogue était encore possible.
OPA sur l’aide internationale
En ce qui est de la promesse d’aide financière pour la reconstruction du Mali, il faut y voir derrière qu’il ne s’agit d’abord que d’une simple promesse et ensuite que les conditions fixées pour son octroi sont si tendancieuses qu’il serait plus honnête de parler d’aide au Nord qui veut dire Kidal pour les généreux donateurs. Et pour s’assurer de remettre à flot le MNLA « … qui travaille en bonne intelligence avec les armées française et africaine dans cette zone (Ndlr : La région de Kidal) », selon le président HOLLANDE, un système d’étroite surveillance de l’utilisation des fonds alloués est en train d’être mis en place permettant à n’importe quel citoyen, bien ou mal intentionné, de raconter ce qui lui passe par la tête et de vider sa bille.
L’on comprend que cette promesse d’aide financière n’a pas tardé aussi à faire des émules parmi les touareg qui cherchent à se positionner en à qui mieux-mieux usant de tous les subterfuges possibles : Création d’un Haut conseil de l’Azawad devenu quelques jours après Haut Conseil de l’unité de l’Azawad, dissolution du Mouvement islamique de l’Azawad (MIA), activation d’une mystérieuse organisation des cadres et leaders tamasheq pour la paix… De la multiplicité de ces initiatives qui ont pour dénominateur commun la meilleure posture pour jouir des rentes de la paix, il ressort paradoxalement que ces individus de Kidal brillent surtout par leur incapacité à accorder leurs violons même sur ce qui est de leur intérêt.
Le médiateur burkinabè qui n’a pas réussi à décrocher une plateforme revendicative, après plusieurs mois de négociations, en sait parfaitement quelque chose. Le Mali, le premier, est bien avisé lui qui a fait des prêts pour relancer l’économie à Kidal avec des taux de remboursement inférieurs à 5%.
Mais le bénéfice de cette expérience de la communauté internationale sera qu’elle découvrira, par elle-même, qu’il faudrait plus qu’un transfert « important de ressources » pour que Kidal sorte de l’ornière. Tout simplement, comme trainant une tare congénitale, l’habitude de toujours donner au lieu d’apprendre à pêcher a fini par anesthésier tout le potentiel d’auto-prise en charge des éternels revendicateurs chez qui solidaire ne signifie point partage ; mais recevoir toujours de l’autre, du Sud qui vit dans l’abondance qui n’est que le fuit de son labeur (L’agriculture, la débrouillardise, l’aide des émigrés,…) .
Bien aise à la communauté internationale à la découverte de cette mentalité originale qui a contribué à entraver le développement des autres régions du pays : Occupation des 2/3 du territoire national ; destruction des documents administratifs, des structures socio-sanitaires ; vol et pillage des biens publics ; arrêt des travaux d’intérêt public. La liste ne saurait être exhaustive. Mais tout cela passe pour pertes et profits, parque qu’il s’agit de Kidal et des irrédentistes du MNLA.
Epilogue d’un combat
Non content d’ériger une armée qui n’a jamais su se défendre elle-même à fortiori de prétendues populations de l’Azawad, le MNLA a habilement manœuvrer pour obtenir l’envoi de supplétifs onusiens qui traînent la triste réputation d’être des bras cassés et dont la mission principale sera de le protéger, lui qui a déclenché pourtant les hostilités. Ainsi les Nations-Unies ont trouvé le moyen le plus imparable de mettre l’armée malienne entre parenthèses pour conférer la primauté à un dialogue politique dont l’issue est connue d’avance. Le président Dioncounda TRAORE, au sortir de la conférence de Bruxelles, a tout lâché en annonçant une nouvelle forme de décentralisation qui n’est que la copie parfaite de ce que les rebelles appelaient indistinctement indépendance, autonomie, large autonomie, fédéralisme. Là également il est aisé de constater que c’est un pan important de l’intégrité territoriale qui va à vau-l’eau.
Dans la mouvance du dialogue amicalement imposé, l’Accord cadre revendiqué par les rebelles du MNLA s’impose comme un urgent passage obligé qui mobilise particulièrement la médiation burkinabè. Cet accord s’annonce si blindé qu’il sera signé sous la supervision des Nations-Unies qui veillera à l’application de ses termes. Il s’agit clairement d’une manière de mettre une nouvelle pression sur le pays en l’amenant à prendre des engagements qu’il n’aurait pas fait en d’autres circonstances et en le mettant dans l’obligation de les exécuter. C’est la dernière victoire que pourrait attendre le MNLA qui n’aura plus qu’à régler les derniers détails avec le pouvoir démocratiquement mis en place.
Es-ce enfin la concrétisation d’une vision claire et d’un objectif depuis cinquante ans des rebelles touareg ou au contraire le manque de clairvoyance et de capacité d’anticipation de nos dirigeants ? Dans tous les cas, nous sommes en présence d’un fait quasiment accompli face auquel la fibre patriotique n y peut pratiquement plus rien. Il faut pour autant ne pas céder au défaitisme facile parce que… découragement n’est pas Malien !
Par Bertin DAKOUO
Source: info-matin