C’est dans la grande salle pleine à craquer du Centre International de Conférences de Bamako (CICB) que le Président de l’Union pour la Démocratie et l’Alternance (UDA) M. Cheick Kéïta a été investi candidat à la présidentielle de 2013. Ils étaient nombreux, femmes et hommes de plusieurs régions du Mali ainsi que les représentants des partis amis à braver hier dimanche la pluie pour marquer de leur présence cette importante cérémonie.
Le programme, riche en couleurs, a été dévoilé par le célèbre Maître de cérémonie Ibrahim Diombélé, avec au menu les prestations de la diva Babani Koné dite Sirani, d’un groupe de rapers et des griots, l’intervention du Secrétaire Général, de la Présidente des femmes, du Président des jeunes, des partis amis (URD, CARE, RDS et RPM). Alors place fut donnée au discours historique de Cheick Kéïta que nous vous proposons intégralement.
Discours prononcé par M. Cheick Keita à l’occasion de son investiture à l’élection présidentielle du 28 juillet 2013 en qualité de candidat de l’Union pour la Démocratie et l’Alternance
Mesdames, messieurs les membres du Gouvernement,
Honorables députés à l’Assemblée Nationale du Mali,
Chers invités et représentants des partis amis et frères
Militantes et militants de l’Union pour la Démocratie et l’Alternance
Mesdames et messieurs,
Chers compatriotes,
On m’a appris en famille depuis ma tendre enfance que celui qui ne sait pas dire merci aux hommes, ne sait pas dire merci à Dieu lui-même.
Plus tard dans une conversation détendue avec une de mes maîtresses d’école, j’ai nommé Madame Sangaré Korian Camara j’ai appris que : crime et merci s’écrivent en français avec les mêmes lettres. Quant à oublier de dire souvent le second, il faut donc craindre de commettre le premier.
Je dis merci à Allah Le Tout Puissant pour nous avoir permis de vivre ce jour.
Je dis merci à vous tous d’être venus nombreux à cette cérémonie et hausser par votre présence son niveau d’éclat.
Je dis merci à tous les partis politiques qui ont eu l’amabilité de nous accompagner aujourd’hui, nous faisant ainsi une force dans la famille politique et il m’a été délectable d’entendre le cri de leur courtoisie.
La charge émotionnelle du moment est forte pour l’aspirant politique que je suis. Ainsi vous demanderai-je quelque indulgence à mon égard car c’est un redoutable honneur que d’être investi candidat à l’élection présidentielle d’un parti qui plus est tout jeune. Cet honneur, je l’accepte avec humilité et fierté, assuré que je suis sûr de vous trouver à mes côtés, car il s’agit de remettre le Mali debout, de redonner espoir à notre peuple après de dures épreuves vécues et de nombreuses souffrances subies. Il s’agit de retrouver notre vraie place et notre rôle sur la scène internationale.
Après une année chaotique parsemée de tragédies de tous ordres, de drames individuels et collectifs et surtout une année marquée par l’effondrement de l’État et l’occupation de notre territoire par des mouvements armés, nous voilà, maliennes et maliens, jeunes et vieux, à nouveau interpellés par notre destin et par l’histoire. Nous avons en effet l’impérieux devoir et l’ardente obligation de remettre le Mali débout, de redonner espoir à notre peuple après tant d’épreuves vécues et tant de souffrances subies, de retrouver notre place et notre rôle sur la scène internationale.
Si l’élection présidentielle de cette année ne ressemble à nulle autre, c’est bien à cause de l’ampleur et de la multiplicité des défis auxquels nous sommes désormais confrontés. Ces défis appellent des réponses concrètes, fortes et collectives en lieu et place des habituels discours creux, des promesses électorales sans lendemain, des positionnements partisans et des prises de position dictées par des considérations opportunistes.
J’ai répondu favorablement à l’appel que beaucoup d’entre vous m’ont lancé pour briguer la magistrature suprême de notre pays parce que j’estime être en mesure d’apporter des réponses concrètes et pertinentes à l’ensemble de ces défis.
J’y ai surtout répondu avec enthousiasme parce que j’éprouve un attachement viscéral envers ce pays que j’ai parcouru de long en large, du sud au nord, d’ouest en ouest, ce pays formidable dont au cours de ma carrière professionnelle j’ai eu à connaître les populations, toutes les populations, Blancs comme Noirs, Musulmans comme chrétiens. C’est cet amour profond et sans calcul pour le Mali et pour les Maliens qui justifient ma candidature à la présidence de la République.
J’ai enfin répondu avec ferveur à cet appel parce que j’ai une conscience aigue des enjeux qui se profilent derrière l’élection de cette année, qui se tiendra en un moment où le monde est attentif à nos moindres faits et gestes, un moment où notre jeunesse s’interroge sur l’avenir et où nos certitudes et nos repères se sont brutalement effondrés, un moment où l’horizon de nos espoirs s’est dangereusement rétréci. Je crois en effet, et en toute humilité, avoir les atouts et les qualités qu’il faut réunir pour conduire à bon port le bateau Mali.
J’ai une vision que j’ai de l’avenir de notre pays. Cette vision, c’est celle d’un pays apaisé et sécurisé, dont les fils enfin réconciliés se retrouveront autour d’une ambition : celle de construire dans les prochaines années un pays émergent par son niveau de développement économique, culturel et social. C’est aussi celle de la consolidation de la démocratie et de la bonne gouvernance, avec des institutions politiques qui intègrent les valeurs culturelles positives de nos populations dans leur fonctionnement quotidien et nos langues nationales promues à leur juste valeur au niveau national et sous – régional.
Mon parcours professionnel, qui m’a permis de mesurer l’importance des ressources financières pour le succès de la mise en œuvre des politiques publiques dans tous les domaines, me prédispose en effet à mettre en place des systèmes performants de recouvrement et de gestion efficiente et transparente des finances publiques. Les urgences auxquelles notre pays est confronté tout comme l’ampleur des tâches de reconstruction exigent que parallèlement la gestion des ressources destinées à la reconstruction nationale soit à la fois exemplaire et performante. Les mêmes impératifs exigent qu’à la tête de l’État soit élu un homme ou une femme d’expérience, un homme ou une femme dont la compétence financière est avérée, sachant fixer les priorités en termes d’affectation des ressources publiques et ayant une vision panoramique des sources de financement.
Mon vécu social constitue enfin un atout important que je compte mettre au service de mon pays. Je suis en effet issu d’une famille nombreuse et profondément enracinée dans la culture de notre pays. En son sein, j’ai appris à cultiver les qualités d’humilité, d’ouverture envers l’autre et tous les autres, d’écoute et de tolérance. Aussi, fort de cette éducation et de cette culture, j’ai toujours cultivé l’amitié, la solidarité, l’entraide et le partage. J’ai surtout appris qu’il n’y a pas et qu’il ne saurait y avoir de réussite individuelle. Toute vraie réussite ne peut être que collective et je compte œuvrer, si les Maliens m’apportent leurs suffrages, pour que l’observance de ces valeurs humanistes permette à notre pays de réussir collectivement et de lutter contre la pauvreté et les inégalités qu’il connaît aujourd’hui.
Chers compatriotes,
Je le disais tantôt, si j’ai décidé d’être candidat à l’élection du 28 juillet, c’est parce que j’estime que notre peuple doit se doter d’un nouveau leadership pour relever victorieusement les graves et redoutables défis de l’heure.
Parmi ces défis, il y a d’abord et avant tout celui de la sécurité. Les conséquences de la guerre livrée à partir de janvier 2012 à notre pays par le MNLA, le MUJAO et alliés sont encore présentes dans tous les esprits et visibles à l’œil nu. Les succès que nous avons enregistrés depuis le 11 avril 2013 sur les groupes jihadistes et la récupération de la presque totalité de notre territoire national grâce à l’intervention de la France et de nos alliés ne doivent pas nous faire perdre de vue l’étendue des faiblesses et des insuffisances constatées en matière de défense et de sécurité.
Pour que plus jamais ce qui s’est passé ne se reproduise nous devons accepter de nous remettre en cause; nous devons surtout avoir le courage d’établir un diagnostic sans complaisance de nos forces et faiblesses. Pour y parvenir, nous devons initier une véritable réflexion stratégique associant tous les acteurs et toutes les autorités concernées : responsables politiques et administratifs, parlementaires, représentant des forces de défense et de sécurité. A l’issue de ce forum, le Président élu doit présenter une loi de programmation militaire avec l’indication chiffrée des besoins en formation et d’équipement de nos forces.
Nous devons surtout veiller à ce que notre pays, dont les frontières sont poreuses et le territoire immense, ne devienne plus un sanctuaire pour le terrorisme et le narcotrafic.
Nous devons surtout intégrer le fait que la sécurité est la première des libertés, et que sans sécurité toute politique de développement, qu’elle soit économique, sociale ou même institutionnelle, est vouée à l’échec. Cette préoccupation doit être prise en compte dans les l’élaboration des politiques publiques dans tous les secteurs d’activités. Je m’y engage solennellement.
L’expérience a également montré que seule une coopération efficace et multiforme avec nos voisins immédiats et avec les grands pays engagés dans la lutte contre le terrorisme permet d’endiguer durablement le fléau. Il me plait à cet égard d’exprimer ma profonde gratitude à la France, aux États membres de la CEDEAO et au Gouvernement du Tchad pour leur intervention décisive aux côtés du Mali pour bouter hors de notre pays les mouvements armés qui, sous le prétexte d’y établir un État islamique, ont commis les pires crimes contre des populations désarmées.
Le deuxième défi, qui a un lien évident avec l’actualité immédiate de notre pays, c’est la reconstruction nationale. Je m’engage à faire de cette problématique une priorité nationale dans les cinq années à venir. Il nous faut en effet créer les conditions du retour à l’activité économique dans les régions anciennement sous occupation en réhabilitant les infrastructures touchées par la campagne destructrice des jihadistes. Un effort spécial sera engagé par le Gouvernement, si je suis élu, pour la reconstruction – réhabilitation des bâtiments administratifs, des routes, des installations aéronautiques, des écoles et des services de santé endommagés ou détruits ces derniers mois. Pour ce faire, il sera fait prioritairement appel aux entreprises nationales afin de les aider à sortir du marasme économique dans lequel elles ont été précipitées du fait des effets conjugués de la crise politique et de la crise sécuritaire. Je ferai en sorte que le chantier de la reconstruction soit également celui d’un emploi massif de nos jeunes, qu’ils soient diplômés ou non diplômés.
Je m’engage également à engager des reformes et à prendre des initiatives sur les problématiques de la bonne gouvernance et du leadership social et politique. C’est le troisième défi qu’il nous faut impérativement relever avec succès. La crise multiforme que nous vivons est en grande partie le résultat de la mauvaise gouvernance et des faiblesses du leadership politique et social dans notre pays. Cette crise interpelle en particulier la classe politique, qui doit en tirer toutes les leçons et se remettre en cause. En effet, la survenance du coup d’État du 22 mars 2012, l’instabilité politique et l’effondrement de l’État dans tous les domaines qui s’en sont suivi sont en mon sens le fruit d’une gouvernance caractérisée par une faible conscience de l’intérêt général, le clientélisme et l’absence d’une vraie pratique démocratique, toute chose qui favorise également la corruption morale et matérielle des citoyens.
Nous devons remettre au centre de l’action publique l’intérêt général et l’intérêt national et ériger en valeurs cardinales le patriotisme, le mérite et le dévouement au peuple. Pour réconcilier nos concitoyens avec la politique, favoriser la participation citoyenne à la vie publique et au vote, je m’engage à œuvrer pour l’émergence de nouvelles pratiques politiques fondées sur la promotion d’hommes et de femmes ayant fait la preuve de leur probité individuelle et de leur attachement à l’intérêt public d’une part, et sur la promotion du contrôle citoyen sur les affaires publiques, aussi bien locales que nationales.
Mesdames et messieurs,
Chers amis,
Chers invités,
Les autres défis auxquels nous aurons à faire face les cinq années sont essentiellement d’ordre économique et social. Pour poursuivre les progrès que nous avions enregistrés avant l’invasion de notre pays par les groupes terroristes au plan économique et social et pour que l’intégration sous – régionale profite à notre pays, nous devons emprunter à nouveau la voie de la croissance économique. L’atteinte de cet objectif passe par la poursuite des efforts que nous avons déjà engagés pour le désenclavement du pays, et pour le développement de l’agriculture. Je m’engage à cet égard à mettre en place des politiques ambitieuses de financement de l’agriculture, et de ses filières où notre pays a déjà fait les preuves de sa compétitivité. Il s’agit de celle du coton, du bétail, du poisson.
Parallèlement, je mettrai l’accent sur la préservation de l’environnement et des ressources naturelles de notre pays en dotant les services dédiés à ces missions des moyens et des ressources adéquats. Je ferai en sorte que les secteurs – sources de croissance soient de manière générale soutenus par l’État et les partenaires au développement afin que la croissance générée par elle permettre une redistribution des richesses telle que le pouvoir d’achat des populations s’en trouve renforcé. L’emploi des jeunes sera également au cœur de cette action dans la mesure où nous encouragerons sa participation dans les secteurs porteurs ainsi identifiés.
Le grand défi, celui de l’avenir, reste pour notre pays l’éducation. Il nous faut en effet, pour figurer dans le peloton de tête des gagnants de l’intégration économique sous – régionale, avoir des jeunes bien formés et compétitifs; des jeunes capables d’entreprendre et de prendre des marchés aussi bien au Mali que dans les pays voisins.
Je m’engage à maintenir les niveaux d’engagement budgétaire de l’Etat dans le secteur de l’État et à mettre en place des mécanismes d’une gestion plus rationnelle des ressources qui y sont affectées. Dans ce domaine comme dans les autres, je veillerai à ce qu’un partenariat crédible et sérieux s’instaure entre l’État et les organisations syndicales pour consolider le climat de paix permettant de créer un cadre propices à la mise en œuvre des politiques gouvernementales dans l’ensemble des secteurs d’activité.
Les secteurs de la santé, de la culture, de l’artisanat et du tourisme feront l’objet d’une attention particulière du gouvernement que je nommerai si je suis élu. Le détail de tous ces engagements sera décliné dans le projet de société que je défendrais tout au long de la campagne.
Je ne saurai terminer sans exprimer ma gratitude et mes remerciements aux militantes et militants de l’UDA; aux milliers de citoyens sans appartenance partisane qui dans tout le pays, soutiennent ma candidature. Je remercie les uns et les autres de partager l’ambition de bâtir un Mali nouveau, fort et respecté que j’ai pour mon pays.
Ndlr : Nous reviendrons sur cet important événement.
Bon vent à Cheick !
Mamadou DABO