Mahamadou Koné, né le 21 décembre 1970 à Tingréla (RCI) est inspecteur du trésor et trésorier-payeur général domicilié à Baco-Djicoroni-ACI. Souleymane Kansaye, né le 25 décembre 1958 à Bamako est inspecteur du trésor domicilié à Djicoroni. Vital Robert Diop, né le 6 février 1979 à Bamako est le directeur général du PMU-Mali domicilié à Sébénikoro. Aguibou Macky Tall, né le 27 juin 1980 à Washington, est gestionnaire domicilié à Sébénikoro.
Mohamed Youssouf Bathily, né en novembre 1973 à Bamako est journaliste domicilié à Lafiabougou. Ils étaient tous inculpés de complot contre le gouvernement, association de malfaiteurs, outrage à la personne du chef de l’Etat et complicité dont ils viennent d’en sortir victorieux.
Il résulte de l’information les faits suivants : Courant décembre 2020 à Bamako, la direction générale de la Sécurité d’Etat (DGSE), suite à des renseignements qu’elle aurait eu relativement à un projet de déstabilisation des institutions de la transition muri par certaines personnes ayant à leur tête l’ex premier ministre Boubou Cissé, procède à l’interpellation de certains responsables de l’Etat et d’un chroniqueur-radio en l’occurrence les nommés Mahamadou Koné, trésorier payeur général, Vital Robert Diop, directeur général du PMU-Mali, Souleymane Kansaye, receveur général du district de Bamako, Sékou Traoré, secrétaire général à la présidence de la République, et le chroniqueur Mohamed Youssouf Bathily et Boubou Cissé n’ayant pas été retrouvé.
Le 23 décembre 2020, la DGSE dénonce ces présumés faits d’atteinte à la sureté intérieur de l’Etat au procureur de la République près du Tribunal de grande instance de la Commune III du district de Bamako.
Le 24 décembre 2020, le procureur saisit le service d’investigation judiciaire de la gendarmerie nationale pour procéder à une enquête sur les faits à lui dénoncés.
A l’issue du procès-verbal d’enquête préliminaire établi par le service d’investigation judiciaire, le procureur de la République engage des poursuites contre les sus nommés et tous autres co-auteurs ou complices des chefs d’infractions sus visées et requiert l’ouverture d’une information judiciaire au début de laquelle les cinq personnes sus nommées ont été inculpées et placées sous mandat de dépôt.
Les conseils des accusés ont demandé une mise en liberté provisoire de leurs clients qui a été rejetée par le juge d’instruction et ces conseils ont relevé appel des ordonnances n°31, 32,33, 34 et 35 du 28 janvier 2021 du juge d’instruction du 4e Cabinet du Tribunal de grande instance de la Commune III du district de Bamako.
Au soutien de leur appel, ils ont excipé qu’une précédente demande de mise en liberté a été rejeté au motif que l’information n’avait pas suffisamment avancé et que les motifs qui ont prévalu au rejet de la première demande restent valables. A ce jour, le dossier de la procédure n’a connu aucune évolution pouvant justifier la mesure sollicitée et le maintien des inculpés en détention est nécessaire pour éviter des concertations frauduleuses, des pressions sur les témoins et le dépérissement des éléments de preuve. Il s’agit de préserver l’ordre public du trouble causé par l’infraction, prévenir le renouvellement de l’infraction et protéger les inculpés.
Le collectif des avocats assistant les inculpés a fait savoir qu’aucun de ces motifs ne résiste à l’analyse des faits et de la procédure et ne saurait échapper à la censure de la Chambre d’accusation. Ces mêmes motifs ont été repris par le réquisitoire du procureur général qui doit être déclaré irrecevable pour avoir été déposé hors délai de 48 h prescrit par l’article 198 du code de procédure pénal.
Le substitut général dans son réquisitoire aux fins de saisine de la chambre d’accusation en date du 5 février 2021 requiert qu’il plaise à la chambre d’accusation de recevoir la requête de nullité de procédure introduite par les conseils des inculpés et de déclarer au fond ladite requête mal fondée.
Par rapport au motif de décision, il est constant tel qu’il ressort du dossier d’enquête préliminaire du service d’investigations judiciaires de la gendarmerie nationale que les nommés Vital Robert Diop, directeur général du PMU-Mali, Sékou Traoré, magistrat, secrétaire général de la Présidence, Mahamadou Koné, inspecteur du trésor, Souleymane Kansaye, receveur général du trésor public tous soupçonnés de complot contre le gouvernement ont été conduits devant ce service le 23 décembre 2020 à 19 h par une mission de la direction générale de la sécurité d’Etat (message n°0973/2 GRM-SIJ du 24 décembre 2020 du chef de service d’investigations judiciaires de la gendarmerie nationale.
Ce message précise qu’à l’exception de Sékou Traoré, les trois autres ont été gardés à vue. Il ressort dudit message n°0975/2 GRM-SIJ du 25 décembre 2020 que les nommés Mohamed Youssouf Bathily, chroniqueur et Aguibou Tall, directeur de l’agence de gestion des fonds d’accès universel (AGEFAU), tous deux soupçonnés de complot contre le gouvernement ont été conduits le 25 décembre 2020 à 16h45 devant le service d’investigations judiciaires de la gendarmerie par une mission de la direction générale de la Sécurité d’Etat et placés en garde à vue.
Il faut signaler que ni ces messages, ni les procès-verbaux d’audition des inculpés ne précise les circonstances, ni les conditions d’interpellation des inculpés par la mission de la direction de la sécurité d’Etat et qu’elle n’a aucune qualité pour interpeler d’éventuels suspects.
En effet, aux termes de la loi n°89-18 AN-RM portant création de la direction générale de la sécurité d’Etat, la DGSE a pour mission la protection des institutions de la République du Mali, notamment par la surveillance de toutes les activités qui s’y déroulent et par la collecte de tous les renseignements sur la vie politique, économique, sociale, culturelle, militaire et scientifique du pays.
Les fonctionnaires de la DGSE n’ont pas qualité d’officiers de police judiciaire ou d’agents de police judiciaire limitativement énumérés par les articles 33 à 46 du code de procédure pénale et seuls habitués à procéder à des interpellations dans le cadre d’une enquête préliminaire.
L’illégalité de l’interpellation des inculpés est de nature à entacher de nullité la procédure subséquente et les procès-verbaux d’audition des inculpés.
En outre, lesdits procès-verbaux ne portent pas toutes les mentions permettant à la chambre d’accusation de contrôler le respect des droits de la défense relativement à l’information du procureur de la république du début de la mesure de garde à vue, à la durée de celle-ci et à la notification aux inculpé de leurs droits.
Il a été jugé que si aucun élément de la procédure n’établit une circonstance insurmontable justifiant la décision de différer tant la notification de ses droits à l’intéressé que l’information du procureur de la République, un délai d’une demi-heure à trois quarts d’heure entre le placement de la personne en garde à vue et le respect de ces formalités est excessif et justifie l’annulation de la garde à vue et de la procédure subséquente (Crim 24 mai 2016 n°16-80-564 P : D actu. 17 juin 2016).
L’absence de la mention de la notification de la fin de garde à vue aux inculpés laisse présumer le déplacement du délai légal de la garde à vue fixé à 48 h par l’article 76 alinéa 1 du code de procédure pénale. L’alinéa 2 dudit article dispose : “S’il existe contre une personne des indices graves et concordants de nature à motiver son inculpation, le délai de 48 h peut être prolongé de 24 h par autorisation écrite du procureur de la République ou du juge d’instruction”.
L’absence de notification de la prolongation de la garde-à-vue à l’intéressé constitue une cause de nullité (Crim 30janvier 2001 n°00-87. 155. P) et le dépassement du délai légal de garde à vue porte nécessairement atteinte aux intérêts de l’inculpé, une cause de nullité de la procédure (Crim 17 mars 2004 n°1003-87-739-P).
Il incombe à la chambre de l’instruction de contrôler que la mesure de garde à vue remplit toutes les exigences légales (Crim 28 mars 2017 n°16-85.018 P D actu 11 mai 2017). L’article 206 du code de procédure pénale dispose : “La chambre d’accusation examine la régularité des procédures qui lui soumises. Si elle découvre une cause de nullité, elle prononce la nullité de l’acte qui en est entaché et s’il échet, celle de tout ou partie de la procédure ultérieure”.
Par ailleurs, les conseils des inculpés dans leur mémoire additif et leurs observations ainsi que l’avocat général dans son réquisitoire oral lors des débats demandent de déclarer encore la nullité de la procédure en application des dispositions de l’article 613 du code de procédure pénale qui dispose : “Les ministres susceptibles d’être inculpés à raison des faits qualifiés de crimes ou délits commis dans l’exercice de leurs fonctions ainsi que leurs complices en cas de complot contre la sûreté intérieure de l’Etat sont justiciables de la Haute Cour de Justice dans les formes et conditions définies par la loi fixant la composition, les règles de fonctionnement de la Haute Cour de Justice et la procédure suivie devant elle”.
Les faits reprochés à Sékou Traoré et qualifiés de crimes de complot contre la sûreté de l’Etat dans le réquisitoire introductif du procureur de la République ont été commis dans l’exercice de ses fonctions de ministre secrétaire général de la présidence. Dès lors, la procédure le concernant ainsi que ses co-inculpés de complot contre la sûreté intérieure de l’Etat devait être orientée conformément aux dispositions légales précitées.
Me Kassoum Tapo à travers ses sorties médiatiques a fait comprendre à l’opinion nationale et internationale que ce dossier est vide.
Du début de cette affaire jusqu’à la décision de la Chambre criminelle de la Cour suprême, le Bâtonnier Kassoum Tapo a fait preuve de courage et d’engagement et de détermination.
Après la libération de Mohamed Youssouf Bathily et co-accusés, Me Tapo dit ceci : “La justice malienne vient de prouver son indépendance, sa crédibilité et son sérieux”.
Marie Dembélé
Source: Aujourd’hui-Mali