Kafo-Jiginew a bien réussi, malgré le contexte difficile, une modernisation et une digitalisation de son système d’information. Une vision qui a été salvatrice et qui commence à donner des fruits. Le directeur général de Kafo-Jiginew, Ibrahima Kéita, tire les premières leçons et trace les perspectives avec l’annonce du lancement “Bank To Walet” entre Kafo Jiginew et Sama Money. Entretien.
Mali-Tribune : Quels sont les principaux indicateurs de performance financière de Kafo-Jiginew pour l’année 2023 ?
Ibrahima Kéita : Kafo-Jiginew, à l’instar de toutes les autres institutions financières et de toutes les entreprises, a traversé l’année 2023 dans une situation de récession économique mondiale, certes, mais aussi dans un contexte de difficulté économique particulière pour le Mali, principalement due à la double crise sécuritaire et politique, aux effets de l’embargo et aux effets reportés de Covid-19. Mais qu’à cela ne tienne, l’institution a vu en tout cas sa marge commerciale se prospérer.
Le nombre de guichets est resté intact : 153 guichets, malgré la délocalisation de 17 guichets dans des zones beaucoup plus sécurisées. Le nombre de membership a progressé avec une croissance annuelle de plus de 9 400 nouveaux membres pour atteindre plus de 468 membres en fin 2023. Donc, la performance commerciale et la confiance sont restées intactes.
Le montant des dépôts a légèrement fléchi à un peu plus d’un milliard. C’est Par contre, les versements de crédits ont assez baissé en 2023 avec quelques difficultés de remboursements. Malgré toutes ces difficultés, l’institution a pu maintenir un niveau de rentabilité de plus de 700 millions F CFA en 2023, même si cette rentabilité est en baisse par rapport à 2022.
Mali-Tribune : Quelle a été l’impact de la digitalisation sur les opérations de la caisse en 2023 ?
I K. : La digitalisation, qui a été amorcée timidement depuis 2023 à travers la modernisation du système d’information et la migration vers un nouveau système beaucoup plus intégré qui a été amorcé depuis début 2021 et s’est vue achever vers début 2024 avec le lancement officiel de nos produits digitaux le 15 janvier 2024 sous le haut parrainage du ministre de l’Industrie et du Commerce Moussa Alassane Diallo.
2023 a été mis à profit, pour démarrer certains produits digitaux, qui ont en tout cas connu une certaine prospérité et qui ont beaucoup soulagé les membres, mais aussi qui ont participé à l’élaboration de cette rentabilité.
Mali-Tribune : Vous venez de recevoir deux trophées à Dakar, au Sénégal. Quelle est la symbolique de ces prix et qu’est-ce que ça représente pour Kafo-Jiginew ? IK. : Le Bureau d’information crédit (Bic-Uémoa) est une centrale de risques que toutes les institutions financières, banques, établissements financiers et institutions de microfinance de grande taille de l’Uémoa utilisent. Cette centrale de risque a été créée depuis 2015. Elle est un véritable outil d’aide à la décision du crédit avec une facilité de la connaissance par les institutions financières de la solvabilité de l’emprunteur dans l’espace Uémoa.
La direction générale de Créditinfo West Africa à Abidjan pour la gestion de cette centrale de risque du Bic-Uémoa, a eu l’initiative de mettre en place une plateforme qui s’appelle Alerting. Cette plateforme permet de souscrire des clients membres et à chaque opération de ces clients membres, l’institution est alertée.
C’est un véritable outil d’aide à la décision, mais aussi à moindre coût par rapport à son utilité. Lors de la sixième rencontre annuelle de cette centrale de risque, qui est sous-régionale, qui se tiendra à Dakar très prochainement, le 26 septembre 2024, Kafo-Jiginew a eu deux distinctions. La première distinction, est le prix du premier utilisateur de l’outil Alerting dans l’espace Uémoa.
Et le second prix est vraiment un trophée spécial de “l’agilité” de l’utilisation du Bic-Uémoa. Tous ces deux prix sont sous-régionaux, commun à l’espace Uémoa. C’est pourquoi nous disons que ces deux prix honorent tout l’écosystème financier malien et de notre espace commun Uémoa de façon générale.
Nous dédions ces prix d’abord aux dirigeants de Kafo-Jiginew, ensuite aux techniciens et principalement les deux points focaux, la direction des systèmes d’information et la direction du crédit et des engagements. Mais aussi les techniciens dans le processus de gestion du crédit qui n’ont ménagé aucun effort pour en arriver à ces prix, qui ont utilisé leur téléphone pour exploiter les données du BIC et à l’envoi des rapports via WhatsApp. Donc tout ça a été innovant pour Kafo-Jiginew, pour que les responsables de cette centrale de risques au niveau l’Uémoa a décernent ces deux prix à Kafo-Jiginew, qui est le prix pour tous les maliens, mais aussi qui est le prix de l’écosystème financier Malien. Nos remerciements vont aussi à la directrice Mali du Créditinfo West Africa avec toute son équipe pour leur assistance constante. Aussi, les remerciements bien mérités à l’adresse du directeur national de la Bcéao pour le Mali et son équipe pour leurs conseils et appuis constants.
Pour ma part, je suis très ému avec une immense joie de recevoir ces deux distinctions très honorifiques.
Mali-Tribune : Quelles sont vos perspectives pour 2024 et au-delà en matière de croissance et d’innovation ?
I K. : Les perspectives sont très prometteuses parce que notre système d’information et de gestion, très moderne aujourd’hui, nous offre une large opportunité d’inter-phasage appelée “Bank To Walet” avec d’autres plateformes digitales et principalement celles des “Funteck” émettrices de monnaies électroniques et les cartes magnétiques des banques.
Ainsi, avec nos moyens sont limités (et ça je le dis sans complaisance), mais avec intelligence nous allons aller en partenariat avec ceux qui ont les gros moyens pour que nos membres puissent en toute sécurité et en tout temps, à travers notre plateforme Jigiya Taamana, qui est une plateforme digitale, puissent être interfacée avec les autres plateformes de monnaie électronique pour la quelle Kafo-Jiginew n’a même pas d’agrément.
Mais en toute intelligence, les gros moyens des sociétés de téléphonie, mais aussi des “Finteck” tels que Sama Money, Orange Money à qui nous avons déjà signé une convention et qui sont des “Finteck” de droit malien, émettrice de monnaie électronique.
Et bien d’autres sont en perspective avec les cartes Gim-Uémoa à travers le partenariat avec certaines banques telles que la BNDA et notre banque sous-régionale qui est la Finao. Aussi, l’institution est déjà en partenariat avec le groupe “Yara Oil” ou nos membres peuvent acheter directement du carburant avec “Jiginew Tamana”. Et prochainement avec biens d’autres partenaires.
Ces projets futurs vont permettre aux plus de 468 000 membres de se servir de leur compte via ces monnaies électroniques de ces sociétés “Finteck” mais aussi via les cartes bancaires de ces grandes banques.
Une date historique à retenir, le vendredi 27 septembre 2024 à partir de 15 h à l’hôtel “Radisson Collection” se fera le lancement de “Bank to Walet” entre “Jiginew Tamana” de Kafo Jiginew et “Sama money”.
Mali-Tribune : Quels défis avez-vous rencontrés lors de la transition vers des services numériques ?
I K. : Les défis ont été nombreux. Vous en savez. Il y a eu beaucoup de perturbations d’activités qui aujourd’hui commencent à s’estomper même s’il y a encore quelques réglages à faire.
Permettez-moi de remercier et de saluer à ce stade, le courage des dirigeants de Kafo-Jiginew, l’engagement et la détermination de son personnel mais aussi la fidélité des membres clients de Kafo-Jiginew. Malgré les perturbations d’activités, ils ont accepté pour qu’on aille ensemble de l’avant. C’est pourquoi notre plan d’affaires 2024-2028 a été articulé en trois axes.
– Le principal axe prioritaire, c’est d’achever la stabilisation de notre modernisation.
Cela veut dire qu’il y a encore du travail à faire pour satisfaire les membres avec la modernisation.
– Le deuxième axe fort, c’est d’adapter notre organisation à ce nouvel environnement et renforcer la capacité humaine. Il faut comprendre que c’est un nouvel environnement assez risqué, non seulement sur le plan opérationnel mais aussi sur le plan informatique.
Il faut s’adapter pour atténuer ces risques opérationnels et informatiques.
– Le troisième axe fort, qui n’est pas le moindre, c’est la mise à disposition de nos membres des services financiers et non financiers digitaux à moindre coût.
Mali-Tribune : Quelles opportunités la digitalisation a-t-elle créées pour la caisse et pour vos clients ?
I K. : La digitalisation qui vient d’être amorcée à Kafo-Jiginew pleinement à travers le lancement le 15 janvier 2024, sous le haut parrainage du ministre de l’Industrie et du Commerce, Moussa Alassane Diallo, offre de bonnes perspectives et de bonnes orientations à Kafo-Jiginew, qui n’est pas aussi, en tout cas, tombé du ciel.
Nous avions élaboré depuis 2021 une stratégie de digitalisation avec nos partenaires nationaux aussi bien qu’internationaux. Cela me permet, de remercier et de féliciter tous ces partenaires, singulièrement le jeune cabinet africain GHA, dirigé par un Congolais, M. Hadley, et un Sénégalais, M. Gora. Mais aussi le cabinet malien Gallium Technologies, dirigé par une dame malienne, Mme Touré Assata Sidibé, qui nous a accompagnés sur le plan de la supervision des activités, mais aussi sur le plan performance globale de cette activité de modernisation et de digitalisation.
Le cabinet Cefim de Karim Coulibaly nous a accompagnés à l’élaboration de notre stratégie quinquennale, mais aussi sur beaucoup de formations. Aussi le cabinet GEC de Samba Sissoko et Koni Expert de Konimba Sidibé, etc. Si on n’était pas parti à la digitalisation, nous allions constater aujourd’hui, un grand manque à gagner pour l’institution. Je vous ai dit, nous avons 17 guichets délocalisés en moyenne à près de 30-50 kilomètres dans le Mali-Sud.
Et certains guichets ont près de 2 milliards F CFA d’actifs. Même pour avoir accès à 10 000 francs CFA dans ces guichets, s’il faut faire 50 kilomètres. C’est dire que cette situation ne pouvait perdurer. La digitalisation et la relation avec les Fintechs et les banques vont permettre à ces milliers de clients, dans ces guichets délocalisés, de ne plus faire 30-50 kilomètres pour avoir accès aux services financiers. C’est comme si nous sommes en train de contourner l’insécurité pour notre propre survie, aussi, la satisfaction des membres à moindre coût.
En plus, l’institution va tirer profit, parce qu’il s’agit de la rentabilité, malgré la situation économique et l’insécurité, l’institution va se maintenir de façon pérenne, mais aussi renouer avec la rentabilité.
Mali-Tribune : Quels sont les avantages de votre digitalisation en lien avec le paiement du coton ?
I K. : Kafo-Jiginew est essentiellement représenté en milieu rural du Mali-Sud. Les cotonculteurs sont les premiers propriétaires de cette institution, qui ont accepté sa vulgarisation aujourd’hui.
Les premiers textes sociaux de l’institution délimitaient sa zone d’intervention au Mali-Sud et exclusivement destiné aux activités des producteurs de coton. Nous y sommes restés 20 ans avant de nous déployer dans la capitale pour pouvoir atteindre les autres capitales régionales. Nous sommes un acteur incontournable dans le processus de la gestion globale du coton : du financement jusqu’à la commercialisation.
Aujourd’hui, plusieurs dizaines de milliards de paiements coton transitent par les guichets de Kafo-Jiginew dans le Mali-Sud. Avec l’insécurité, les procédures de paiements ont été la croix et la bannière, avec une souffrance aiguë des cotonculteurs et un risque probant de perte financière et même de vie humaine. Mais aujourd’hui, avec notre plateforme digitale et le partenariat avec les “Finteck” le calvaire pour le paiement des dizaines de recettes du coton ne sera plus qu’un mauvais souvenir.
C’est le lieu de féliciter la direction générale de la CMDT et toutes les directions régionales de la CMDT et tout son personnel d’encadrement, avec qui nous avons même fait une tournée pour expliquer aux cotonculteurs les produits digitaux de Kafo-Jiginew et principalement Jigiya Taamana, qui, lorsqu’il y aura un inter-phasage avec les fintechs pour les monnaies électroniques, Sama–monnaie, Orange–monnaie, les cartes bancaires ; va permettre aux paysans, de chez lui, d’accéder à sa recette coton sans se déplacer et d’en utiliser les moyens de paiement digitaux.
Il peut acheter les intrants, les herbicides sans se déplacer, en utilisant son compte via la monnaie électronique de nos partenaires.
Propos recueillis par
Alexis Kalambry