Les difficultés de la gouvernance poussent les uns et les autres, non des moindres, à cracher leurs « vérités ». Quitte à émouvoir les susceptibilités…
Choqué et visiblement exaspéré par la recrudescence de la crise sécuritaire et, en particulier les récents événements de Dioura, le président IBK, chef suprême des Armées, vient de cracher ses quatre vérités aux chefs militaires vérités : « Nous sommes en guerre… aucune négligence ne saurait plus être tolérée ». Et d’enfoncer le clou : «C’est nous qui devons apporter dorénavant la peur ailleurs, pas qu’on nous l’apporte à nous…». Et IBK vient de limoger les chefs militaires et dissoudre l’association « Dan Na Ambassagou ».
Au même moment, une partie de la population de Nioro du Sahel, constituée de femmes et d’enfants de militaires, clame sa « vérité » au chef d’Etat major de l’Armée de terre, le général de Brigade Baby et au ministre de la Défense en leur refusant l’accès au camp de la ville. Pour motif de mécontentement du fait de la mort de leurs parents militaires dans l’attaque de Dioura. Une scène similaire a failli se produire à Kati, à Ségou pour ces drôles de manières d’exprimer des « vérités ». Blaise Pascal n’avait-il pas raison dans son assertion « Vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà » ?
Vérité des amis déçus ?
Il faut donc déduire qu’au fur et à mesure que la gouvernance IBK se poursuit et s’approche, petit à petit, de sa fin, 2023, les amis et alliés politiques du président, quelque peu insatisfaits, commencent à dire leurs «vérités»…
Le moins qu’on puisse dire en guise d’appréciation de la gouvernance IBK est qu’elle est confrontée à d’énormes difficultés. Surtout ces derniers mois : rareté de l’argent ou tension de trésorerie, grèves dans plusieurs secteurs, recrudescence de la crise sécuritaire, dialogue politique ayant du plomb dans l’aile, grogne des alliés politiques… Cela conduit même les amis, proches et alliés du président de la République à se décider de lui dires « la vérité » ou « les vérités ». Lesquelles ?
Dans une lettre ouverte rendue publique la semaine dernière, l’ex-chargé de mission de l’ex-ministre des Maliens de l’Extérieur, Abdrahamane Sylla, Dramane Ic Mallé est sorti de sa réserve d’RPMiste convaincu et non de la 25ème heure. Il dira, « en toute vérité » au président fondateur du parti du tisserand qu’il urge de procéder à une redistribution des cartes et mieux responsabiliser son parti dans la gestion du pouvoir. En français facile, Dramane Mallé, qui a tout donné au parti vert et or, tant en commune IV de Bamako qu’à Koutiala, d’où il originaire, plaide pour que IBK fasse appel aux cadres du parti qui ont vécu à ses côtés la traversée du désert, de 2002 à 2012. C’est-à-dire que le président rétribue les Bokary Tréta, Abdrahamane Sylla, Nancoman Kéita, Baber Gano et autres, réputés militants de première heure du RPM. « Comment peut-on comprendre, que le rôle des cadres de votre parti se résume essentiellement, à ne faire que des photos de famille avec vous à Koulouba lors de rencontres occasionnelles ?
Je refuse de voir ce nombre important de vos premiers compagnons politiques de route qui rasent les murs, vous tournent le dos pour cacher leur peine et se ternir péniblement droit pour marcher seul, alors que leur expertise peut bien servir le pays dans la situation actuelle; ils sont conscients des enjeux et vous aiment plus que n’importe qui. Méfiez-vous de ceux qui vous flattent de trop et souvenez-vous qu’on caresse l’âne ou le cheval dans le sens du poil, avant de monter dessus », écrit-t-il sur sa page facebook, dans sa Lettre ouverte intitulée « En toute vérité ».
Et dire qu’après avoir publié cette lettre ouverte sur les réseaux sociaux, M. Mallé ne cessait de recevoir de nombreuses félicitations des cadres et militants du parti du tisserand. Ce qui démontre que l’ancien assistant parlementaire d’Abdrahamane Sylla, alors vice-président de l’Assemblée Nationale, n’a fait qu’exprimer tout haut ce que la majorité des cadres et militants du RPM pensent tout bas. Un sentiment de frustration qui se fait sentir dans d’autres cercles des proches et alliés du patron de la colline du pouvoir.
Soutenir et dire la vérité
C’est ainsi qu’au cours d’un récent point de presse de lancement de sa nouvelle formation politique, le parti malien pour la démocratie sociale (PMDS), l’ex-ministre Maouloud Ben Kattra est sorti de son silence. « Notre soutien à IBK n’exclut pas que nous disons la vérité », déclare ce cadre connu comme l’un des plus fervents soutiens du locataire de Koulouba. Il rappelle, du reste, à cette occasion, avoir fait salle pleine au Palais de la Culture, le 1er juillet 2018 pour appeler solennellement à un second mandat pour IBK à la tête du pays. Cet ancien cadre du RPM, ami personnel de Me Baber Gano, lui aussi ex-ministre et secrétaire général du parti présidentiel, semble aussi déçu par la méthode de gestion du pouvoir par le kankélétigui. Et d’insister lors de cette sortie : « Aujourd’hui, nous le (IBK) soutenons et nous l’aiderons à réaliser son programme présidentiel, mais nous allons dire nos vérités ».
Il nous revient que le sentiment est quasiment le même dans d’autres états-majors politiques comme l’ADEMA-PASJ, l’UM-RDA, l’UDD, etc, où l’on n’hésite pas à murmurer, à voix haute, les déceptions par rapport à la gestion du pouvoir. Et l’un des vice-présidents de l’ADEMA-PASJ, l’ex-ministre Moustapha Dicko, déclarait, la semaine dernière, dans un entretien au confrère Info-sept ceci : « Moi, je me rappelle d’un certain Ibrahim Boubacar Keita qui était allé à Gao au moment où c’était extrêmement chaud. Le Gandakoye venait de naitre et tout Gao était pro-Gandakoye, il a dit NON ! C’est l’Etat qui va assurer la sécurité. Où est cet homme aujourd’hui ? » Une autre question qui traduit aussi une « vérité ».
. Bruno D. SEGBEDJI
Source: Mali Horizon