En marge du sommet de l’Union africaine s’est tenue une rencontre entre les chefs d’État du G5 Sahel (la Mauritanie, le Tchad, le Niger, le Mali et le Burkina Faso) et Emmanuel Macron. Au programme, la visite du Collège de défense du G5 Sahel. Cette école doit accueillir dès la rentrée prochaine la première promotion d’officiers, cadres pour cette force multinationale créée sous l’égide de la France. Également, des discussions autour des objectifs et du déploiement de cette force, dans un contexte sécuritaire alourdi par les attentats contre le centre de commandement du G5 Sahel à Sévaré ce 29 juin, et l’attentat contre la force Barkhane le 1er juillet à Gao. L’argent reste le nerf de la guerre et celle menée contre le terrorisme dans cette zone immense du Sahel ne fait pas exception. Certes 414 millions d’euros ont pu être réunis lors de la conférence des donateurs en février dernier à Bruxelles, somme à laquelle ont contribué l’Arabie saoudite, le Qatar et l’Union européenne. Mais les cinq pays du G5 Sahel plaident désormais pour un financement « pérenne ». Entretien sur le déploiement de la force G5 Sahel, mais également l’intégration économique continentale et la question migratoire.
Le Point Afrique : quelle est votre réaction après l’attentat de Sévaré au Mali ?
Mahamadou Issoufou : Je condamne évidemment cet attentat contre l’état-major de la force conjointe du G5 Sahel logé à Sévaré. Mais cet attentat terroriste ne va pas faire faiblir notre détermination. Au contraire, cela la renforce pour poursuivre la lutte contre le terrorisme sur l’ensemble du Sahel. Non seulement contre le terrorisme, mais aussi contre les autres menaces, comme la menace des organisations criminelles, le trafic de drogue. Nous avons mis en place la force conjointe pour faire face à ces menaces de manière coordonnée en mutualisant nos capacités opérationnelles et nos capacités de renseignements. Il y a des opérations qui ont déjà été entreprises au niveau de la force conjointe en particulier dans la région du Gourma. Cette région est commune au Niger, au Burkina Faso et au Mali. Ces opérations ont été menées sur financements propres de tous les États du G5 Sahel en attendant que les ressources promises pour ces opérations du G5 Sahel soient mises à notre disposition. Vous savez que lors d’une réunion de février dernier à Bruxelles, 414 millions d’euros ont été réunis pour le financement de la force conjointe pour la première année. Désormais nous essayons de travailler à une solution pérenne de financement, car la lutte contre le terrorisme va prendre plus d’un an. Nous regardons notamment vers les sources multilatérales, notamment vers les Nations unies. Voilà pourquoi nous allons continuer le plaidoyer sur ce sujet afin que la force conjointe soit placée sous le chapitre 7 de la charte des Nations unies [chapitre intitulé « Action en cas de menace contre la paix, de rupture de la paix et d’acte d’agression », et qui permet l’entrée en guerre, NDLR]. La lutte contre le terrorisme n’est pas que militaire. C’est aussi une question de développement, notamment aux zones frontalières et qui restent sous la menace du terrorisme. Pour cela, nous avons prévu un programme d’investissement prioritaire pour ces zones fragiles. Ce programme fera l’objet d’une table ronde en décembre prochain, toujours à Nouakchott.
Est-ce que l’attentat aura des répercussions sur les directions qui ont été prises, sur la stratégie du G5 Sahel ?
La stratégie ne change pas. Ce n’est pas un attentat qui va venir changer notre approche et notre stratégie. Cela renforcera notre détermination à pouvoir continuer ce combat contre le terrorisme qui n’est pas seulement un combat pour le Sahel mais aussi pour l’Europe. La sécurité est un bien public mondial. Voilà pourquoi nous souhaitons que les autres parties du monde ne se désintéressent pas de la question sécuritaire à laquelle nous faisons face au Sahel. D’autres attaques, d’autres affrontements ont eu lieu depuis des mois entre nos forces et les terroristes, tel l’attentat de Ouagadougou, souvenez-vous, au cours duquel l’ambassade de France avait été attaquée. Ces attentats ne vont pas nous amener à changer de stratégie. Notre stratégie est claire. Nous continuerons à la mettre en œuvre.
L’attaque du QG du G5 Sahel est venue rappeler que, malgré les engagements, la force n’est pas véritablement opérationnelle. Pensez-vous mettre en place un calendrier pour son opérationnalisation effective ?
Notre force est répartie sur trois fuseaux. Il y a le fuseau est qui comprend le Tchad et le Niger. Le fuseau centre, avec le Mali, le Burkina Faso et le Niger. Et le fuseau ouest avec la Mauritanie et le Mali. Il est vrai que tous les fuseaux ne sont pas au même niveau d’opérationnalisation. Le fuseau centre est plus avancé que les autres. Les pays de ce fuseau mènent déjà des opérations sur le terrain. La seule chose que nous attendons, c’est que les promesses qui ont été faites par nos partenaires soient tenues en matière de financement.
Est-ce que le G5 Sahel, tel que vous venez de le décrire, est un groupe qui aura vocation à s’élargir à d’autres pays de la région ?
Une organisation n’est jamais fermée. Mais pour l’instant nous avons décidé de rester une organisation à cinq parce que nous partageons les mêmes menaces, les mêmes problèmes de développement. Il est donc normal que nous mutualisions nos faibles moyens pour pouvoir avancer ensemble. Dans tous les cas, l’élargissement n’est pas encore à l’ordre du jour et nous n’avons encore reçu aucune demande d’adhésion au G5 Sahel. Pour le moment, nous nous concentrons sur deux points : faire le point sur l’opérationnalisation de la force conjointe du G5 Sahel et la question du programme d’investissement prioritaire qui fera l’objet d’une table ronde en décembre prochain en Mauritanie.