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François Hollande sur RFI: dans l’affaire Dupont-Verlon, «tout doit être connu»

Il y a cinq ans, le 2 novembre 2013, nos confrères de RFI Ghislaine Dupont et Claude Verlon, en mission à Kidal au nord du Mali, étaient enlevés et tués. Cinq ans après, la lumière n’a toujours pas été faite sur les circonstances précises de leur assassinat, ni sur le mobile de leur enlèvement. Deux enquêtes sont ouvertes, une en France et une au Mali. Mais les avancées sont maigres et ne permettent toujours pas de répondre aux questions que les familles se posent. François Hollande était président au moment des faits. Dans un livre publié en avril dernier, il évoque le souvenir de nos collègues. Page 59, il écrit : « La raison d’Etat pèse peu en face de la détresse. Mon devoir était de répondre à l’une, dans le respect de l’autre ». L’ancien chef de l’Etat répond aux questions de RFI.

RFI : Cela fait cinq ans que nos deux collègues de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon, ont été assassinés. Quel souvenir gardez-vous de ce 2 novembre 2013 ?

François Hollande D’abord, j’ai le souvenir de leur enlèvement. Je suis prévenu comme président de la République dès qu’il se produit. Et très vite, nous faisons tout pour qu’ils puissent être retrouvés. Mais également très vite, nous avons, hélas !, la triste nouvelle qu’ils ont été assassinés. Et pour nous, c’est une douleur, parce que déjà, une prise d’otages, c’est forcément risque de vie, mais là, nous avons deux journalistes qui sont tués par des preneurs d’otages. J’ai aussi un second souvenir qui est celui de l’arrivée des deux corps à l’aéroport en présence des familles.

Je vois encore la mère de Ghislaine, la fille de Claude, au milieu des proches, posant des questions, mais surtout étant submergées de douleur, et s’interrogeant sur les raisons d’un tel crime et sur les conditions dans lesquelles il y a eu cette prise d’otages et ce dénouement tragique. Alors, moi j’ai voulu, comme président, que toutes les informations, celles dont on pouvait disposer, puissent être données. Mais il y a encore, forcément, des zones d’ombre qui, forcément aussi, empêchent les familles de faire complètement leur deuil. Et je comprends.

Est-ce que vous estimez cinq ans après que tout a été mis en œuvre pour faire la lumière sur cette affaire ?

Du côté de la France, oui. Chaque fois que j’ai été sollicité, ou chaque fois que le ministre de la Défense l’a été, nous avons fourni tout ce que nous pouvions connaître de ce drame. Après, il y a la question de la justice, la justice malienne, la justice française, qui travaillent à rechercher ceux qui ont commis ces crimes, les ont commandités et aussi à pouvoir connaître exactement le déroulement des faits.

De nombreux documents classés défense et déclassifiés sont « caviardés », comme on dit, c’est-à-dire coupés de certains passages. Est-ce que cela ne risque pas d’entretenir le soupçon, les questions ?

Je pense que tout doit être fait pour donner les informations sans mettre en cause les soldats. C’est ça, le sujet. Il ne doit pas y avoir de noms qui puissent être donnés et qui pourraient être pour nos ennemis et les terroristes un élément qui puisse mettre en danger les militaires français. C’est la seule raison qui puisse justifier qu’une information ne puisse être donnée.

Qu’est-ce qui a pu provoquer leur disparition ? Les familles, cinq ans après, se posent la question. Elles se disent, en gros : qu’est-ce qui a pu provoquer leur mort ? Elles tentent de faire leur deuil, comme la rédaction de RFI. Pour vous, qu’est-ce qui a pu provoquer ces disparitions ?

Deux journalistes, de RFI, pour les terroristes, c’est à la fois une cible, frapper la France, et c’est un gain possible, essayer d’obtenir par l’enlèvement une rançon. Voilà les mobiles et les motifs de ces terroristes qui veulent frapper la France, qui veulent frapper des journalistes parce que justement, ils font leur travail au nom de la liberté de la presse, et qui veulent en plus, si c’est possible, obtenir un gain avec le versement d’une éventuelle rançon. Mais comme ils sont pris de panique, ils tuent ces deux journalistes, Ghislaine et Claude.

Pouvez-vous certifier, François Hollande, que ni l’armée, ni les services, ni la DGSE n’ont commis d’erreur dans cette affaire ?

Toutes les informations qui m’ont été données comme président de la République me convainquent que l’armée française a fait tout ce qu’elle pouvait faire et a fait son devoir.

Dans le livre que vous avez publié en avril 2018 sur l’exercice du pouvoir, Les leçons du Pouvoir, vous parlez à un moment donné de nos deux collègues sans toutefois jamais les nommer. Pourquoi ?

Parce que moi, je ne veux pas mettre encore des souvenirs cruels pour les familles et je pense que l’anonymat en l’occurrence pour le lecteur était la meilleure façon. Mais c’est l’anniversaire aujourd’hui, et j’ai une pensée pour Ghislaine et Claude et pour leur entourage et leur famille, que je veux ici saluer à travers vous, et aussi à tous les journalistes de RFI qui ont vécu très douloureusement ce qu’il s’est produit et la perte de leurs deux collègues.

Expliquez-nous quand même cette phrase, parce qu’elle a provoqué pas mal de questionnements au sein des familles et au sein de la rédaction de RFI ; quand vous parlez de cette « raison d’Etat », est-ce que dans cette affaire, il y a des choses à cacher ? Est-ce que cela veut dire qu’on ne connaîtra jamais le fin mot de l’histoire ?

Il faudra connaître, et c’est le travail de la justice de le faire – justice malienne et justice française. Mais ce que je veux dire aux familles, c’est qu’il n’y a pas eu de raison d’Etat, il n’y a pas eu de volonté. Et pourquoi, d’ailleurs, y aurait-il eu cette intention de cacher quoi que ce soit ? Tout doit être donné, tout doit être transparent, tout doit être connu. Et l’armée française a fait son devoir à la fois pour essayer de retrouver Ghislaine et Claude, et ensuite pour retrouver les assassins, c’est-à-dire les terroristes.

DECRYPTAGE
Par Pierre Firtion

L’entretien s’est bien déroulé, même si François Hollande n’avait pas beaucoup de temps à nous consacrer. Mais son idée était surtout de rendre un hommage à nos deux collègues et pas forcément d’aller plus loin et de parler du fond de l’affaire. Du coup, chaque question que l’on posait était susceptible d’être la dernière, car à tout moment on craignait qu’il ne mette fin à l’entretien.

C’est pour ça qu’on a choisi de ne pas le relancer sur certains de ses propos, même si ce n’était pas l’envie qui manquait… Mais c’était trop compliqué de le faire. Il aurait été évidemment logique qu’on lui demande de préciser à certains moments sa pensée. Un premier exemple : il semble justifier les déclassifications très partielles par le souci de protection des militaires. Or, l’argument est peut-être un peu court car rappelons que dans ce dossier, 40% des documents classés « secret défense » demandés par le juge n’ont pas été déclassifiés et que parmi les documents qui l’ont été, il y a eu beaucoup de caviardage, c’est-à-dire que des passages entiers ont été coupés. Ce ne sont pas seulement des noms qui ont été effacés.

Deuxième exemple : cette réponse étrange à une question de Marie-Pierre Olphand qui lui demande de certifier que ni l’armée ni les services ni la DGSE n’ont commis d’erreur dans cette affaire. A cela, l’ancien président répond d’abord ceci : « toutes les informations qui m’ont été données comme président de la République ». Un début de phrase qui interroge : François Hollande sous-entend-t-il par là qu’on lui a peut-être caché des choses ?

La deuxième partie de sa réponse interpelle également : « l’armée française a fait tout ce qu’elle pouvait faire et a fait son devoir. » Vous noterez que dans sa réponse, François Hollande ne parle à aucun moment de la DGSE ni des services alors que la question de Marie-Pierre Olphand portait pourtant sur ce point…

RFI

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