Le régime d’Ibrahim Boubacar Keita s’est encore fait avoir par les rebelles de la Coordination des mouvements armés, à travers l’organisation du forum de Kidal. De l’orage dans l’air!
Initialement prévu pour démarrer dimanche dernier, le forum de Kidal s’est finalement ouvert le lendemain. L’on a déploré les absences du gouvernement malien, de certains partenaires étrangers de l’Etat et du Groupe d’autodéfense touareg imghad et alliés (Gatia), un mouvement armé proche de Bamako. C’est donc presqu’à un « One man show » des rebelles séparatistes de la Coordination des mouvements armés (CMA) qu’on a assisté. Un scenario fort prévisible vus les précédents fâcheux. L’Etat s’est encore fait rouler dans la farine face à des personnes dont les objectifs sont pourtant connus de tous. Faudrait-il continuer avec les mêmes procédés défaillants, au nom d’un hypothétique retour de la paix? La question mérite d’être posée en ce sens que la non-participation du gouvernement au forum de Kidal constitue un autre camouflet après la débâcle militaire de Mai 2014. Depuis l’investiture d’Ibrahim Boubacar Keita à la magistrature suprême, l’on s’interroge sur le poids réel du pouvoir devant des groupuscules d’individus égarés. Le régime a beau clamer tenir le bon bout dans ce processus de paix, l’enchainement des évènements n’inspire pas confiance chez les Maliens. Les mises en scène de la CMA, qui donne encore raison aux sceptiques, ne peuvent que mettre à nu la mauvaise lecture de la situation des autorités maliennes résolument engagées dans la quête de la paix et de l’unité du pays.
Le président IBK a été une fois de plus pris au dépourvu par les rebelles de la CMA. Le 27 février dernier, lors d’une séance de travail à Koulouba avec les parties signataires de l’Accord pour la paix et la réconciliation, le chef de l’Etat réitérait son optimisme pour l’aboutissement du processus de paix. « Je vous assure combien est significative votre présence autour de moi ce soir, pour manifester le Mali nouveau, le Mali de toujours. Il peut y avoir des moments d’incompréhensions entre les fils d’un même pays, mais il n’y a pas de raison qu’elles ne soient dépassées », avait déclaré un IBK au sommet de son art. La solennité du discours présidentiel et l’attitude bienveillante des responsables politiques et militaires de la CMA présents à la rencontre avaient convaincu nos compatriotes que la conjoncture actuelle était en passe d’être un mauvais souvenir.
Supercherie
Cependant, c’était compter sans la ruse des sécessionnistes, qui, après avoir empoché 400 millions de FCFA pour l’organisation du forum, ont renoué avec leur sport favori : la dilation. Non seulement la CMA a rejeté la demande de report du forum du gouvernement, mais elle a aussi traité ce dernier avec mépris. Le réveil fut brutal pour IBK. Le forum de Kidal qui devait clôturer le processus d’Anefis et baliser le terrain pour les autres étapes de la mise en œuvre de l’Accord pour la paix et la réconciliation a, vraisemblablement, été celui de la révélation du manque de sincérité et des divergences entre les différentes parties.
L’hypocrisie de certains partenaires du Mali dessert le gouvernement. Le forum de Kidal a été une énième illustration de cette tartuferie. Selon des sources crédibles, des représentants de structures internationales qui sont au cœur du processus de paix, ont participé à la rencontre de Kidal. Celles-ci auraient tenu à témoigner leur sympathie à la CMA et à cautionner de passage la randonnée solitaire des indépendantistes. Il serait intéressant de voir la réaction de l’Etat, qui, dans un passé récent, avait vigoureusement protesté contre des actes similaires « d’amis » étrangers. Si certains parmi ces derniers ont pris part au forum, d’autres, catholiques, n’ont pas voulu s’associer à toute œuvre préjudiciable au processus de paix. Toutefois, ces mêmes partenaires étrangers, en dépit de leur influence sur la CMA, n’ont rien fait pour dissuader les rebelles d’organiser un forum exclusif. Chef de fil de la médiation, l’Algérie a récemment brillé par son absence. L’on se demande comment un médiateur choisit le silence radio, en lieu et place d’initiatives visant à dissuader une partie en faute dans une crise. Déterminés à tenir le forum à la période indiquée, les rebelles n’ont visiblement senti aucune pression.
Les fourberies de certains partenaires étrangers auraient moins d’effets si la classe politique, notamment la majorité présidentielle agissait à l’unisson face à la crise du septentrion. Suite au forum de Kidal, les langues continuent de se délier. L’apparition du président du parti Sadi, Dr. Oumar Mariko aux côtés des leaders de la CMA à Kidal est des plus compromettantes. Spécialiste des situations inédites, Dr. Mariko a certainement ses raisons. Lui, qui s’en est ouvertement pris aux gouvernants dans des propos relayés par une radio de la place. Quoi qu’il en soit, le Mali ne profite en rien des professions de foi devant les séparatistes, qui se font malheureusement aduler par des hommes politiques aux desseins obscurs.
Ogopémo Ouologuem
Source: lesechos