Au regard des tiraillements et judos verbaux entre les membres du Comité stratégique du Mouvement du Juin-Rassemblement des Forces patriotiques (M5-RFP), l’on peut affirmer que les militaires profiteront de ce terrain fertile pour installer un Premier de leur choix.
Si les membres du Comité stratégique du M5-RFP continuent à se lancer des piques mortelles dans la culture de l’instabilité, le mouvement court le risque systématique de perdre la Primature.
L’on se rappelle, le jour même de l’investiture du président de la Transition Assimi Goïta, le président du MPR, Choguel Kokalla Maïga a été nommé Premier ministre. Bien avant cette nomination, il avait bénéficié des bénédictions des autres membres du mouvement. Ils l’ont choisi pour occuper le fauteuil.
Mais les dernières nouvelles provenant du M5-RFP ne sont pas bonnes. Dans un passé récent, des chargés de missions de la Primature ont été surpris de voir leur décret de nomination abrogé. Comme cela ne suffisait pas, des ténors du M5-RFP ont été suspendus par le patron de l’Administration. C’est le point de départ d’un duel à distance. Ces membres suspendus, pas les moindres dont Me Mountaga Tall, Oumourou Diarra et Jeamille Bittar ne sont pas restés les bras croisés.
Si Choguel ne tarit pas de critiques envers eux à lors de ses sortis, ils ne ratent pas d’occasion pour le rappeler à l’ordre. Ainsi, lors de la conférence de presse, l’imam de la Place de l’indépendance, Oumarou Diarra, ancien ministre, a dénoncé l’attitude séparatiste de Choguel Kokalla Maïga au sein du mouvement. Pour illustrer ses propos, des proverbes n’ont pas manqué. Selon lui, « le chien ne change jamais sa façon de s’asseoir ».
Même son de cloche chez le grand soutien de la transition non moins président du Cnid-Faso Yiriwa Ton, Mountaga Tall. Il avait dans un premier temps demandé de revenir sur la décision de suspension dans un délai de 48 heures. Très indigné par l’attitude de son camarade Maïga, au cours de la conférence de presse du samedi 2 mars 2024 à la Maison de la presse, il a donné un ultimatum à Choguel pour une clarification de sa position. Sans quoi, ils procéderont à sa destitution dans les 72 heures qui suivent.
Prenant la parole Me Tall remonte à la gouvernance de Choguel au ministère de la Communication. « J’ai pris fonction à la place de Choguel au ministère de la Communication et de l’Information numérique. Lorsque je suis arrivé, j’ai constaté certaines choses et entendu d’autres. J’ai été poussé à le dénoncer, mais j’ai demandé que la question soit gérée différemment, d’où le remboursement des montants en question suite à des malversations détectées. Il a remboursé une partie de l’argent et on se demande pourquoi une personne rembourse de l’argent qu’elle n’a pas pris ? », s’est-il interrogé.
Selon lui, ils ont convenu de le nommer à la tête du M5-RFP avec tous les honneurs, mais, dit-il, lorsqu’il s’est agi de former le gouvernement, ils n’ont proposé aucun nom, lui laissant le libre choix puisqu’il connaissait tous les acteurs du M5-RFP. Poursuivant, l’orateur du jour fera savoir qu’à la grande surprise de tous, il a choisi une personne qui n’était pas membre du M5-RFP et il les a nargués en affirmant que c’était les militaires qui lui avaient imposé ce choix, tout en disant aux militaires que le M5-RFP avait proposé cette personne pour le poste de ministre.
Si l’on en croit Me Tall, ils lui ont demandé d’arrêter de mentir, de diviser, d’insulter et de rabaisser les autres lors de ses déclarations. « Il semble trouver du plaisir dans ce jeu. Nous l’avons désigné président du M5-RFP, mais s’il ne clarifie pas sa position d’ici 72 heures, nous le destituerons », a-t-il menacé.
A noter que les amis d’hier sont en train de devenir de vrais ennemis. Ils étaient ensemble pour déstabiliser le régime d’Ibrahim Boubacar Kéita en 2020. En 2024, un climat de méfiance se renforce davantage entre eux. Donc quand la branche politique de la transition s’affaiblit, le treillis prendra sa responsabilité pour installer le Mali dans une gouvernance cent pour cent militaire. Le M5-RFP est en passe de rejouer le scénario qui a abouti au coup d’Etat de 2020. Mais, cette fois-ci, il se trouve dans la position du régime déchu. Le mouvement résistera-t-il à ce jeu de ping-pong qui a cours en son sein ?
Bazoumana KANE
L’Alerte