Les histoires des Pays, des Peuples et des Nations sont toujours écrites, soit par les vainqueurs, soit par celui qui parle en premier lieu.
Depuis le 18 août 2020, la Communauté internationale, que nous respectons beaucoup, avec son lot de condamnations, parle de “coup d’Etat, de mutinerie, de coup de force etc., pour “qualifier la victoire du peuple Malien “sur un Président du “système” démocratiquement élu.
Non, nous rejetons cette “appellation” qui nous paraisse inappropriée et réductrice de l’effort et du prix payé par le peuple malien pour obtenir la démission du Président IBK. Parler de simple coup d’Etat ou de coup de force, est une insulte en la mémoire des dizaines de morts sur toute l’étendue du territoire, des milliers de personnes aspergées d’eau chaude et de gaz lacrymogènes et de la diaspora malienne.
C’est une “insurrection populaire” brillamment réussie du peuple qui a été rejoint par l’armée, une armée elle-aussi victime des exactions du pouvoir, pour mettre fin définitivement fin, sans effusion de sang, à un régime qui ne savait plus où donner de la tête.
Pour bien édifier le public, nous examinons ici les notions de coup d’Etat militaire, de coup d’Etat constitutionnel, de révolte, de révolution et d’insurrection.
I – LE “NID” DE TOUS LES MOUVEMENTS SOCIAUX : LES INJUSTICES.
“La meilleure façon d’abroger une loi, c’est de l’appliquer correctement à tout le monde” disait Abraham Lincoln, ancien Président des Etats-Unis. La meilleure façon de mettre fin à un régime, que le peuple se soulève. Pourquoi le peuple se va-t-il se soulever ?
Il ne fait aucun doute que le vent de démocratie qui a mis fin au régime militaire du général Moussa Traoré s’est vite transformé en injustice indescriptible.
Première injustice sociale : la corruption et les inégalités sociales.
Savez-vous quelles sont les personnes les plus riches au Mali ? Chacun peut donner sa réponse, mais en tout cas, certainement pas les entreprises dont la vocation première est la création de richesse.
Il est vrai que la corruption est un phénomène planétaire, mais quand elle atteint certaines proportions dans un pays comme le Mali, elle déstabilise la paix sociale, et le pays devient une poudrière qui peut exploser à tout moment. En, raison de la corruption, le Mali souffre de médiocres prestations dans tous les services publics : l’école, la santé, la sécurité, etc.
Quant à l’économie, ce sont les dirigeants eux-mêmes qui deviennent des Chefs d’entreprises, en violation des dispositions de l’article 58 de la Constitution qui les frappe d’interdiction d’exercer toute activité économique lucrative directement ou par personne interposée.
Deuxième injustice sociale : l’injustice devant les tribunaux.
Sans défense et presque dépourvues de toute protection, les Maliens ne cessent de prier, pour ne jamais avoir à faire à la justice de leur pays. Ce qui est totalement impossible, à moins que l’on ne fasse aucune activité économique. Quand l’Etat lui-même à travers ses agents, piétine les droits des citoyens, où et à qui, peuvent-ils aller demander la protection ?
Une des solutions qu’elles ont trouvées, c’est de rendre soi-même justice. On assiste au saccage de commissariat de police, au tabassage à mort de juge, de malfaiteurs, etc.
Troisième injustice sociale : les fraudes électorales.
A partir de certains faits, l’on se demande s’il y a effectivement des élections au Mali. A titre d’illustration, en 2018, lors des élections présidentielles, on apprend à la télévision, que le candidat du Cnid, Me Mountaga Tall, n’a pas eu une seule voie dans le bureau où lui et sa famille ont voté. Quelle insulte à la démocratie ?
II – MONTEE DE LA GROGNE SOCIALE : LES SOULEVEMENTS.
Les situations des uns et des autres deviennent insoutenables, la situation sociale est explosive, des grèves éclatent de partout :
- les enseignants, la grève est quasiment permanente,
- le personnel de la santé a plus de trois mois,
- le personnel de la justice,
- les administrations des finances et du matériel des ministères,
- le personnel des impôts,
Les élections de 2018 donnent lieu à des contestations. Des marches rassemblent des milliers de personnes pendant environ quatre semaines dans tout le pays. Au Mali, on ne résout pas les problèmes, on les gère. Des artifices “d’accords politiques” arrivent à calmer certaines situations.
Dans une publication parue dans les “Echos Hebdo N°152” du 07 décembre 2018, nous écrivions que la situation du pays nécessite une intervention solennelle du Président de la République. Pourquoi ?
“D’abord, parce que, il a prêté serment suivant les dispositions de l’article 37 de la Constitution, pour protéger les populations et pour garantir l’unité nationale”.
Ensuite, la fonction présidentielle, dans notre Constitution, est dotée de ce pouvoir important assorti de moyens, de cette spécificité ou ce “mythe” que le Président de la République est le premier magistrat du pays, le Chef suprême des armées, le premier “commandeur” de l’ordre national.
En tant que premier magistrat du pays, quand il veille à l’impartialité de la justice, à la distribution équitable des décisions prononcées par les Cours et Tribunaux, le droit et la justice ne peuvent que fonctionner correctement pour le bonheur des justiciables, instaurant ainsi la paix sociale.
En tant que Chef Suprême des Armées et des Forces de sécurité, quand il enfile le “costume de chef de guerre”, dans des situations de conflits, le Président de la République galvanise les troupes et mobilise tout un peuple uni derrière lui, pour la défense de la patrie. Jugez-en vous-mêmes, avec la forte mobilisation du peuple malien autour du ” fonds effort de guerre”.
En matière économique et financière, quand il enfile “le costume de chef d’entreprise”, la gestion des finances publiques est des plus saines, le patriotisme économique est fort, les indicateurs macroéconomiques sont au vert, le pays fait des progrès. Pendant les moments de turbulences économiques, il fait monter le “baromètre” de l’économie, en créant un environnement propice aux affaires marqué par une forte éthique des acteurs et un cadre macroéconomique stable, toutes choses qui attirent les investisseurs, boostant l’économie et réduisant ainsi le chômage et la pauvreté.
En tant que Commandeur de l’ordre national, quand il est à l’écoute des populations et de la demande sociale, des revendications des travailleurs, il devient le “sapeur-pompier” qui éteint les feux avant que les incendies sociaux ne soient déclenchés.
Elu brillamment dans l’espoir de ramener la sécurité, les tueries de populations innocentes dans les régions de Kidal, Gao, Tombouctou, Ménaka, Mopti, et de Ségou ne cessent d’augmenter. Les populations sont exaspérées.
En février 2020, la première marche organisée par l’Imam Mahmoud DICKO rassemble plus d’un million de personnes affirment certaines statistiques. Des artifices de « Dialogue National Inclusif » arrivent à éteindre certains foyers de tensions.
Dans un pays pauvre comme le Mali, les deniers publics ne sont pas préservés, des scandales de “détournements” des fonds destinés à l’acquisition d’équipements militaires éclatent : des “hélicoptères pourris”, des “blindés en cartons”, etc.
Des scandales sur des “détournements” de rémunérations des militaires, qui paient le plus lourd tribut de la crise sécuritaire depuis 2012, éclatent.
Des scandales dans la gestion des fonds de la lutte contre le Covid-19.
Des promesses non tenues s’accumulent, et chaque jour apporte son lot de scandales, des brèches sont allumées partout, la situation est explosive. Et elle va exploser avec la publication des résultats des élections législatives de 2020
Les marches et contestations se succèdent. Les répressions à Bamako, Sikasso, Kayes, font au total plus de trente morts.
L’armée républicaine rejoint les manifestations, le Président de la République démissionne, avec son Gouvernement et l’Assemblée nationale, le Mardi 18 août 2020. Cette démission est qualifiée de “coup d’Etat“ par la Communauté internationale.
Qu’est-ce qu’un coup d’Etat militaire ? Qu’est-ce qu’un coup d’Etat constitutionnel ? Qu’est-ce qu’une révolte ? Qu’est-ce qu’une révolution, qu’est-ce qu’une insurrection ?
Avec l’œil d’un non spécialiste, nous essayons de comprendre les définitions de ces notions pour connaitre la qualification appropriée à la démission du 18 août 2020 du Président de la République.
Le coup d’Etat : “Prise du pouvoir par les moyens illégaux (en général par recours à la force armée), ou tentative en ce sens, agissement incriminé par la loi pénale quand il se traduit par des actes de violence, sous le nom d’attentat….”.Gérard Cornu, Vocabulaire juridique PUF, 7ème édition page 244.
De nos jours, on parle de coup d’Etat constitutionnel, pour qualifier des Institutions de la République qui piétineraient sciemment la Loi fondamentale pour atteindre certains objectifs.
La révolte : “Se dit communément d’un acte de résistance, avec violences et voies de fait aux prescriptions de l’autorité publique ou d’un supérieur hiérarchique (V rébellion, mutinerie, révolution, résistance à l’oppression). ….” Gérard Cornu, Vocabulaire juridique PUF, 7ème édition page 818. On peut parler de révolte militaire.
La révolution : “Changement complet de l’ordre constitutionnel, opéré en général, de façon brusque et violente, mais toujours par rupture avec l’ordonnancement juridique antérieur (Comp déconstitutionnaliser, rébellion, révolte, résistance à l’oppression)”. Gérard Cornu, Vocabulaire juridique PUF, 7ème édition page 819.
L’insurrection : “Mouvement populaire, action collective tendant à renverser par l’emploi de la violence, le pouvoir établi…”.
La question que l’on est en droit de se poser : pourquoi la Communauté internationale retient systématiquement la définition du “coup d’Etat militaire”, donc le changement négatif de l’ordre constitutionnel, pour qualifier la démission du 18 août 2020 ?
Le peuple, armé de ses seules “mains nues”, ne peut jamais renverser un régime lourdement armé qui réprime impitoyablement, sans un revirement de l’armée en sa faveur.
Heureusement que la Communauté internationale est très lucide pour trouver le qualificatif approprié aux diverses situations comme les cas du Soudan, du Burkina Faso, de l’Egypte où l’armée a renversé un Président démocratiquement élu, Mohamed MORSI et surtout les cas de Côte d’Ivoire et de Panama où des armées étrangères sont intervenues pour bombarder les palais présidentiels et arrêtés les Présidents Laurent Bagbo et Manuel Noriega.
A défaut d’une révolution, le peuple malien réussit une insurrection qui a emporté le Président de la République
Au lieu de menacer le Mali de sanctions qui vont encore aggraver les souffrances des populations, si la Communauté internationale pouvait se fâcher, prendre son courage et plier ses bagages en négociant les conditions de son départ, le 18 août 2020 serait une seconde date d’indépendance pour le Mali. /
Siné DIARRA
Expert-Comptable
Enseignant de Comptabilité de finances et d’Audit
Site : www.finauditsarl.ml