Au Mali, les évènements sociaux, précisément les mariages et baptêmes, constituent des moments intenses et d’effervescence pour les femmes. Ces cérémonies regroupent toutes les proches de la femme. Notamment les parents, les amis, les collègues. Elles se plient en quatre, faisant fi de leurs possibilités financières et leurs conditions économiques, pour pouvoir apporter le ou les cadeaux. … Pour exprimer leur considération pour le parent, l’ami, ces proches offrent des cadeaux à la femme. Des cadeaux empoisonnés ? En tout cas, des présents qui ne sont pas gratuits ou, du moins, non dénués d’arrière-pensées.
De nos jours, on établit une liste, durant ces cérémonies, de ce qu’on donne aujourd’hui pour le récupérer demain. « Quand on me donne un wax ‘’itarget’’, en guise de remboursement, j’offre, en plus du wax, 2.500 à 5000 Fcfa. Sinon, j’entendrai, partout, en ville, des commérages me concernant », détaille une ménagère de Sirakoro Méguetana, Mme Ouattara Sira Mariko. « Ce n’est, donc, plus du social ou une tradition culturelle d’entraide mais, plutôt, un système de remboursement, de donnant-donnant », ajoute-t-elle.
La vendeuse de Sélingué, de passage à Banankoro, Mme Traoré Tenin Coulibaly, explique sa philosophie du refus du système. « Je n’entre pas dans le carcan du remboursement. Si j’ai de l’argent, je donne. Dans le cas contraire, je ne fais pas de cadeau. Quand j’aurai de l’argent, j’offrirai mon cadeau même si cela trouve que l’enfant à grandi. Je ne m’occupe pas de ce que pense la personne ou les autres », raconte-t-elle. A l’en croire, sa position découle du cas de son intime amie. Aminata Diarra, c’est son nom, a été victime du remboursement de cadeaux. Elle a dû soutirer de l’argent à un copain pour pouvoir offrir de gros cadeaux à son amie, la boutiquière. Résultat : Quelques mois après, elle a contracté une grossesse. Heureusement, l’homme a reconnu être l’auteur de la grossesse. Par finir, il l’a épousée.
La lavandière de Sénou Dougoukoroni, Mme Coulibaly Baloko Traoré, explique son désarroi. Elle soutient que lorsque son amie a accouché, elle lui a offert deux habits pour enfant et de la soupe. En retour, son amie ne lui a rien donné. « En tout cas, je ne lui donnerai plus jamais de cadeau tant qu’elle ne me remboursera pas », affirme-t-elle, ajoutant qu’elle a été obligée de demander de l’aide à son grand frère pour pouvoir offrir ce cadeau à son amie.
Aïchata Sika Diabaté est sage-femme au Centre de santé communautaire (CSCOM) de Ouayerma I de Sikasso. Elle estime qu’en matière de cadeau, on reçoit ce qu’on donne. « Si tu ne donnes rien, tu ne recevras rien », précise-t-elle, arguant que la pratique, qui est devenue une habitude de nos temps modernes et dans notre société, constitue une bonne initiative car elle témoigne de la solidarité des femmes.
DIVERGENCE D’OPINIONS –« Personnellement, je suis contre le don de présents lors des cérémonies », indique la chargée d’écriture d’une tontine « samedini » de Yirimadjo. Mme Traoré Mariam Haïdara, c’est son nom, affirme avoir abandonné la pratique lors de la naissance de son dernier enfant. Elle soutient qu’elle a énormément eu de cadeaux lors de ce baptême. « Je n’ai invité personne, à part la famille. Mais j’ai eu, environ un million de Francs Cfa durant le baptême », a-t-elle affirmé. Par ailleurs, Mme Traoré a ajouté qu’il est très difficile de bannir la pratique dans la société malienne car les femmes y sont accrochées a l’obsession.
Mme Bagayogo Mariam Diarra est ménagère à Kalakan Coura. Elle, tout comme notre précédente interlocutrice, s’oppose à la pratique. « Actuellement, j’ai quatre enfants. Bien avant d’avoir mon quatrième enfant, une connaissance, qui avait l’habitude de m’offrir des cadeaux, parlait mal de moi. Elle disait que j’aime trop faire des enfants, Elle avait peur de m’offrir davantage de cadeaux.
Mme Bagayogo se rappelle encore de l’accouchement de son deuxième enfant. « Une dame du voisinage est venue m’offrir du tô (Pâte traditionnelle à base de céréales). Sur place, elle envoya quelqu’un apporter des cadeaux (à rembourser) pour mon bébé. Je l’ai stoppée net. Je lui ai dit que je n’avais pas besoin de cadeaux. Je fais des cérémonies, en tenant compte de mes moyens. C’est à partir de ce jour que j’ai eu le dégoût de la pratique », a-t-elle dit.
Mme Diabaté Mariam Diarassouba tient un kiosque de transfert d’argent à Niamakoro, nous relate un cas. Une bonne dame, quelques jours après son baptême, a rendu l’âme. Un jour, son mari, de leur chambre, a entendu les paroles de femmes sur la route du marché. « Le décès de cette dame a été un choc. Elle est partit avec de nombreux cadeaux reçus. La question : Comment se feront les remboursements? n’a pas pu être répondue ». C’était le sujet des commérages des femmes qui partaient au marché et que l’époux de la malheureuse a entendus. Le veuf, très choqué, a invité toutes les femmes qui ont assisté au baptême de son enfant. Il a fait sortir tous les cadeaux. Il leur a demandé, à chacune, de reprendre son cadeau. Ce fut chose faite… A la suite de cette triste histoire, Mme Diabaté estime que le don de ces cadeaux est loin d’être un signe de solidarité.
« Le remboursement des cadeaux constituent un réalité des temps présents », affirme Mme Arama Bernadette Dakouo, une assistante de direction qui habite Missira, à Bamako. Elle pense que la pratique est une extravagance, une déviation de l’esprit de solidarité. Elle s’oppose à la pratique. Elle sollicite un changement de comportement des femmes.
En fait, les Maliennes sont, de plus en plus, conscientes des conséquences du remboursement de cadeaux. Certaines se sont retirées de la pratique mais les « gros bonnets » ou les « foulards larges » continuent…
MFD/MD
(AMAP)