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Espace d’interpellation démocratique : L’AMDH tance le gouvernement pour le non-respect des libertés publiques

L’Association malienne des droits de l’homme n’a pas été tendre avec le gouvernement lors de la 23e session de l’Espace d’interpellation démocratique (EID) sur la violation des libertés publiques. Après avoir fait état d’une situation peu reluisante de violation des libertés publiques et d’une mauvaise distribution de la justice, l’Amdh a invité le gouvernement à assumer ses responsabilités pour le respect des droits de l’homme au Mali.

La 23e session de l’Espace d’interpellation démocratique a été tenue lundi 10 décembre au Palais de la culture Amadou Hampâté Ba. Cet espace a été une tribune d’expression démocratique pour l’Association malienne des droits de l’homme pour partager avec les décideurs nationaux ses préoccupations et recommandations en faveur de la promotion et la protection des droits humains au Mali.

«Nos inquiétudes et réflexions sur des problématiques sont liées entre autres à la justice et à l’impunité, l’insécurité galopante, les atteintes aux libertés d’expression et de manifestation et l’inégalité d’accès aux médias d’État», indique Brahima Konaté, membre du bureau de l’Amdh.

Pour la lutte contre l’impunité, l’Amdh, qui s’était réjouie à la même tribune en décembre 2017 des avancées enregistrées, dit regretter de constater que l’année 2018 a été marquée par peu ou pas de progrès notables en matière de lutte contre l’impunité. «Nous constatons avec consternation des initiatives allant dans le sens de la promotion de l’impunité au Mali. Je voudrais en l’occurrence citer l’initiative de la loi dite d’entente nationale qui risquerait d’anéantir tous les efforts consentis par l’État lui-même, ses partenaires et la société civile en matière de justice, de paix et de réconciliation nationale. Si elle venait à être votée par les députés le 13 décembre 2018, elle renforcera davantage la mésentente en République du Mali…» indique M. Konaté.

Pour l’Amdh, cette loi prévoit l’exonération des poursuites pénales contre les personnes ayant commis des crimes et délits punis par le code pénal et les conventions internationales ratifiées par le Mali. «Bien que les crimes de guerre, les crimes contre l’humanité et le viol soient apparemment exclus de son champ d’application, le projet de loi contient des mécanismes inadéquats qui garantiraient l’impunité aux personnes responsables de ces crimes et d’autres graves violations des droits de l’homme et du droit international humanitaire perpétrées pendant la crise de 2012. Les mécanismes qui seront mis en place par ce projet sont flous et portent des dangers pour les victimes. D’où notre crainte qu’en l’absence d’enquêtes fiables et impartiales abouties au Mali, qu’une loi d’entente nationale prévoyant des amnisties ne conduise à exonérer les principaux responsables à répondre de leurs actes devant les cours, les tribunaux et la Nation», s’inquiète l’Amdh.

Et d’ajouter : «Les organisations de défense de droits humains tiennent à préciser toutefois que nous ne nous opposons pas à une loi d’entente nationale. Mais nous nous opposons à ce projet de loi en l’état élaboré sans consultation d’aucune des victimes et les organisations de défense de droits humains. Nous estimons également qu’une loi d’entente n’est pas opportune en l’état actuel de la situation du Mali puisque la crise est encore en cours et que la commission vérité justice et réconciliation (CVJR) et la Commission d’enquête internationale sont encore en train de travailler pour établir la vérité sur les événements passés…»

En conséquence, l’Amdh estime qu’il est impératif que ce texte ne soit pas adopté, parce qu’il représente une grave menace à l’État de droit et aux droits des victimes et risque de mettre à mal les efforts déployés par le gouvernement, la société civile et les partenaires afin d’atteindre une véritable réconciliation au Mali.

S’agissant des libertés d’expression et de manifestation consacrées à l’article 5 de la Constitution du Mali, l’Amdh attire l’attention sur des atteintes régulières à ces libertés sous le couvert de l’État d’urgence appliqué parfois de façon discriminatoire et sélective. «Les tendances actuelles des pouvoirs à porter atteinte aux droits constitutionnels garantis sont de nature à mettre en péril notre démocratie chèrement acquise. En témoigne, le récent arrêté du gouverneur qui foule aux pieds la Constitution et les traités internationaux sous le fallacieux prétexte de l’état d’urgence», explique le porte-parole de l’Amdh.

Par rapport au droit à l’information et à l’égal accès aux médias d’État, l’Amdh a également alerté les plus hautes autorités sur des restrictions flagrantes à ces droits fondamentaux.

L’Amdh interpelle particulièrement les autorités sur le «traitement sélectif et discriminatoire et des censures répétées et injustifiées de l’Office de radiodiffusion télévision du Mali (Ortm), notre fierté d’antan.» «Nous invitons le ministre de l’Economie numérique et de la Communication à faire un sondage auprès de l’opinion nationale sur l’audience de l’Ortm. Aujourd’hui, peu de Maliens suivent l’Ortm. Vous savez pourquoi monsieur le Ministre ? Pour informer, s’informer ou éclairer l’opinion, les Maliens sont obligés de se focaliser sur les télés et radios privées, nationales ou internationales, heureusement qu’elles existent…»

Zan Diarra

Soleil Hebdo

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