La marche de l’opposition et de la société civile du 2 juin 2018, interdite par le gouverneur du district de Bamako; a tourné aux affrontements entre les forces de sécurité et les manifestants. Ceux-ci empêchés de se regrouper aux points de départ retenus par les organisateurs, se sont repliés au siège de l’ADP Maliba. Bilan : plusieurs manifestants et un policier blessés.
Les leaders de l’opposition et de la société civile ayant appelé à cette marche dénoncent des dérives intolérables et dictatoriales de la part du pouvoir en ciblant le Président Ibrahim Boubacar Kéïta et son Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga. Le Ministère de la sécurité et de la protection civile a annoncé dans un communiqué que les forces de l’ordre ont investi les lieux pour empêcher tout trouble à l’ordre public.
Dans la mesure où les forces de sécurité ont réussi à boucler la place de la liberté, la Bourse du travail, le monument de l’indépendance et la devanture du cinéma Babemba, était-il opportun d’assiéger le bâtiment qui abrite l’ADP Maliba et de l’arroser par une pluie de gaz lacrymogène ? La répression peut-elle régler les problèmes politiques ? Quelle lecture les uns et les autres font des articles 16 et 17 de la loi n°05-047 du 18 août 2005 portant charte des partis politiques dans un contexte d’état d’urgence ? Les rédacteurs de cette loi adoptée par l’Assemblée Nationale sous la présidence d’Ibrahim Boubacar Kéïta ont-ils ignoré la notion d’état d’urgence ? Quels étaient leurs objectifs en légiférant que « les marches ou meetings de protestation ou de soutien des partis politiques ne sont pas soumis à une autorisation préalable » ? N’est-il pas facile de se cacher derrière l’état d’urgence pour tenter de semer une certaine panique au sein de l’opinion ? Ces manifestations visent-elles à pousser davantage l’équipe du Président IBK à la faute afin de semer le chaos à Bamako pour mieux diviser le Mali ? Voilà autant de questions qui demeurent sans réponses.
Les affrontements découlant de l’interdiction de cette marche créent des tensions inutiles et envoient une image très négative du Mali à l’étranger. Que diront donc les soi-disant partenaires qui ne cherchent que des erreurs de ce genre pour accélérer le projet de dislocation du pays ? Des tensions inutiles. Des énergies gaspillées pour rien. On crée des tensions inutiles à Bamako au moment où des menaces graves planent sur l’existence de la République du Mali, au moment où les conflits communautaires au centre risquent de basculer le pays dans une guerre civile. Des tensions inutiles au moment où des juges, militaires, administrateurs dont le désir est de servir les citoyens sont pris en otage ou empêchés de regagner leurs postes, au moment où la majorité des populations des régions de Kidal, de Tombouctou, de Gao et de Ménaka; ne peuvent pas vaquer à leurs occupations sans se faire braquer par des bandits.
Ce qui s’est passé ce 2 juin ne présage rien de bon dans un contexte préélectoral très tendu et marqué par des soupçons de tripatouillage pesant sur le camp du président candidat. Ces événements n’honorent pas le Mali, un pays sous tutelle internationale. Cette lutte féroce et sans pitié pour la reconquête ou la conquête du pouvoir suprême temporel a déjà relégué au second plan la défense des intérêts supérieurs de la nation. Il ne faut pas se faire d’illusions. Les jours sombres sont devant nous si les uns et les autres ne font pas preuve de responsabilité en posant des actes allant dans le sens de l’apaisement.
Si les événements de 2012 ont été une tragédie post-indépendance pour l’ex-Soudan français, un éventuel chaos, en ces moments d’incertitudes et d’interrogations, amputera le Mali et lui imposera le fédéralisme. Sachons raison garder ! Que Dieu sauve le Mali !
Par Chiaka Doumbia
Source: lechallenger