Les difficultés de la tenue d’élections législatives (pour élire 147 députés) le 29 mars prochain, dans un pays en crise sécuritaire aggravée sont réelles. Mais, le Mali est dans une situation où tenir ce scrutin (avant le 2 mai prochain), peut concour4ir à résoudre la crise.
Il est évident que ce scrutin se tiendra dans un contexte de tension, du moins dans certaines zones du pays. Et aller aux urnes (dans ces conditions) est une exigence forte du Dialogue national inclusif.
Or, la donne sécuritaire est toujours très préoccupante. Les braises des attaques terroristes de Sokolo (cercle de Niono), de Dioungani (cercle de Koro) voire d’Indelimane, Tabankort et d’ailleurs sont à peine éteintes. Et des zones entières du territoire national échappent encore au contrôle de l’Administration, malgré les efforts du gouvernement.
Pendant ce temps, l’on assiste à la montée en puissance des groupes terroristes qui écument le territoire national. C’est au point qu’après leur récente attaque à Sokolo, ces hordes de criminels ont eu le culot de revenir sur les lieux de leurs odieux crimes pour occuper le camp de la localité en terrain conquis avant d’y être chassé par des renforts. Non sans avoir fait des victimes.
Le Mali est donc résolument en guerre, comme aime à le répéter le chef de l’Etat ces derniers mois. Comment sortir de cette guerre par la voix pacifique et démocratique, celle des élections pour assurer plus de légitimité aux représentants des populations que sont les députés ? Ceux-ci devant légiférer et conduire à résoudre la crise. C’est là toute la problématique de cette guerre imposée au pays.
Comment donc gagner le pari d’élections législatives transparentes et apaisées dans des zones où l’accès est difficile voire impossible aux administrateurs et éventuels délégués des partis politiques ?
En effet, en dehors des régions de Koulikoro, Dioïla, Bougouni, Sikasso et Kayes, presque toutes les autres régions comportent des localités en proie à des attaques terroristes, à des mines, à des gîtes de jihadistes ou d’extrémistes armés. Comment les populations pourront-elles se rendre aux urnes dans ces conditions ? Quelles campagnes électorales peuvent-elles s’y tenir ?
L’opposition et certains partis politiques de la majorité présidentielle avaient, au lendemain de la présidentielle 2018, dénoncé des bourrages d’urnes à maints endroits du territoire. « Des zones où les populations n’ont pas pu voter, mais dont l’Administration a pu donner des résultats », disait un opposant. Et ces récriminations avaient donné lieu à de houleuses contestations et des marches et meetings de protestations dans les rues. Il est hautement souhaitable d’éviter un bis repetita de cette crise post-électorale qui peut fragiliser davantage les institutions de la République.
Du fait que le président IBK est à son dernier et ultime mandat, nombre d’acteurs politiques pourraient s’affranchir de toute retenue pour pousser des ailes dans une éventuelle crise post-électorale. Surtout que la physionomie de la future Assemblée Nationale devrait influencer l’issue de l’élection présidentielle 2023. Scrutin (de dernière chance pour certains ténors) durant lequel de nombreux leaders politiques jetteront toutes leurs forces dans la bataille pour la conquête du pouvoir.
Par ailleurs, la question du financement du scrutin peut se poser dans la mesure où l’Etat traverse une grave crise de trésorerie. Trouver les 12 à 14 milliards F CFA nécessaires pour tenir ces élections n’est pas acquis d’avance.
Il urge donc pour le Gouvernement, en particulier le Premier ministre Boubou Cissé, ministre de l’Economie et des finances, et le ministre de l’Administration territoriale, Boubacar Alpha Bah, de prendre toutes les dispositions idoines pour bénéficier d’un appui conséquent des partenaires du pays pour réduire les risques de contestation de ces élections. Pour ne pas aller à des élections qui ouvriraient une boite à Pandore pour le pays, déjà suffisamment éprouvé par les difficultés du moment.
Bruno Djito SEGBEDJI
Mali Horizon