Je pense sérieusement que la dissolution de l’Association des élèves et étudiants du Mali (Aeem) est un bon coup de balai dans la grande cour de l’Éducation nationale.
Avant d’en arriver à ce que le Conseil des Ministres donne comme éléments de justification à savoir l’usage de la violence et des affrontements ayant conduit à des morts ainsi que la propagation d’armes et de drogues en milieu scolaire, nous avons tous assisté à la montée des dérives de cette association depuis plusieurs décennies devenant une sorte de monstre qui ne se contrôlait plus.
Gérer désormais l’Education nationale de façon responsable
Je me rappelle entre 1997 et 2002 pendant que je dispensais mes cours avoir été, à plusieurs fois, interrompu par des supposés responsables de l’Aeem pour demander la libération des étudiants afin de leur permettre de prendre part aux Assemblées générales. La seule motivation de ces AG était d’annoncer des suspensions de cours pour 72 ou 96 heures. Ceci se passait dans l’impuissance totale à la fois des enseignants, des autorités scolaires, des parents d’élèves avec, je le soutenais à l’époque, la complicité des autorités en place. Chaque bureau Aeem avait accès à des fonds dont la provenance n’était qu’un secret de polichinelle car l’Aeem, nos enfants, étaient utilisés comme arme politique pour se livrer à toutes sortes de trafics dans l’anarchie qu’on parvenait à faire instaurer par ces jeunes inconscients des conséquences à long terme de leur action. On en était arrivé à se demander comment dans un pays sérieux on peut laisser cela prospérer sur au moins trois décennies. C’est vrai que plusieurs voix se sont levées pour dénoncer l’instrumentalisation de l’école à des fins politiques sans succès. Au contraire, ceci a permis à ceux qui étaient à la « périphérie » de mieux s’incruster et de réclamer aussi leur part dans la construction de l’anarchie espérant en tirer un quelconque bénéfice politique. Quelle mentalité !
C’est vrai que cette association a évolué et s’est adaptée à son environnement caractérisé par l’irresponsabilité collective, la course vers le m’a-tu-vu, le gain et l’argent faciles tout cela sur fonds de trafic d’influence facilité par la démission générale. La jeunesse étant par excellence la tranche d’âge des excès et de l’audace, le monstre qu’était devenu l’Aeem s’est cru tout permis et agissait ainsi avec fanfaronnades et les moyens disponibles sur l’espace public.
Et après ça ?
Bonne chose ou pas cette dissolution, le vrai débat se situe dans ce que les différents partenaires de l’école vont faire à partir de maintenant pour se «responsabiliser» pour le seul bénéfice de l’éducation nationale. Mais il faut le dire tout net, plusieurs années, décennies de chienlit laisse des traces et de grosses plaies. Les récentes arrestations de certains responsables de l’Aeem, suite à des affrontements sur la colline de Badalabougou, n’est que la face visible de l’iceberg immergée. Il faut nettoyer de fonds en comble dans tous les services relevant du Ministère à toutes les échelles, dans l’administration scolaire dans les écoles, dans les syndicats enseignants, dans le milieu des parents d’élèves. Toute la question est de savoir comment avec les vieilles habitudes des acteurs encore en place réussir la mutation vers l’idéal ?
Il ne faut surtout pas penser et cela ne pourrait être que la dissolution de l’Aeem soit synonyme de bon débarras de la voix des élèves et étudiants dans le débat sur l’avenir et les conditions de l’éducation nationale. C’est surtout, je crois, l’occasion d’imaginer et faire éclore le nouvel ordre scolaire avec des élèves et étudiants plus conscients des enjeux de l’école et de sa finalité. L’occasion de rappeler les autres acteurs dans leur responsabilité que chacun avait déléguée dans l’impuissance de l’action responsable. Défendre l’école est une obligation pour chacun. Ne sommes-nous pas tous des parents d’enfants ?
Sidi COULIBALY
Source : L’Aube