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Éditorial: La France fait-elle chanter IBK ?

Avec IBK, la presse française n’use pas de gants veloutés. Apparemment, elle se soucie peu que l’intéressé adore le latin et soit, de surcroît, versé dans les livres sacrés. Ainsi, en mars 2014, le journal français Le Mondepublie un article intitulé : « La justice sur la piste du parrain des parrains ». L’article cite le président malien parmi une foule de chefs d’Etat africains qui entretiendraient des liens d’affaires avec Tomi Michel, un célèbre parrain des milieux mafieux corses.

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Le 22 mai 2015, le site français mediapart.fr en remet une couche en publiant un article intitulé« Deux présidents africains écoutés par la justice française ». A en croire ce texte de cinq longues pages sous-tendu par des messages téléphoniques interceptés par les juges français (Hervé Robert et Serge Tournaire), IBK aurait depuis longtemps fait l’objet d’un mandat d’arrêt français s’il n’avait pas été protégé par son statut de chef d’un Etat souverain: Tomi Michel l’aurait inondé de cadeaux et de services au point de mériter des poursuites judiciaires pour « corruption d’agents publics étrangers ».

 

Ligne de défense présidentielle

En réaction à ces publications renversantes, l’entourage d’IBK dénonce une cabale néocoloniale destinée à soumettre, par des moyens déloyaux, un président nationaliste dont l’action patriotique entraverait les intérêts de la France. Cette ligne de défense ne manque pas de pertinence. En effet,  les deux publications ont coïncidé avec des périodes de friction entre la diplomatie française et celle du Mali. L’article du Monde est paru au moment où, à la surprise de la France qui avait misé sur l’élection d’IBK, celui-ci traînait à engager des négociations avec les groupes armés du nord-Mali. Au grand dam des Français, IBK ne cessait de marteler qu’il ne se mettrait « à la hauteur d’aucun groiuype armé »; qu’il ne concéderait « ni fédéralisme, ni autonomie, ni indépendance »; qu’il ne négocierait pas le couteau sdous la gorge et qu’il exigeait, avant tout dialogue, le désarmement et le cantonnement des rebelles. Pas tout à fait de quoi réjouir la France pressée d’offrir aux rebelles touaregs la patrie azawadienne qu’elle leur avait promise !

Le second article, celui de mediapart.fr, paraît juste une semaine après la violente diatribe lancée, le 15 mai 2015, par IBK contre la communauté internationale, France et ONU en tête. Lors de la signature de l’Accord d’Alger à Bamako, l’hôte de Koulouba, piqué au vif par le message d’Hervé Ladsous qui recommandait de poursuivre les négociations avec les groupes armés non-signataires, a vertement accusé l’ONU de « partialité » et même de félonie pouvoir renier sa promesse de combattre ceux, parmi les rebelles, qui refuseraient de signer l’Accord. Le propos, parfaitement fondé, a suscité un réplioque immédiate de la MINUSMA qui, à travers un communiqué rageur, a déploré l’ingratitude du Mali qui ne reconnaîtrrait à leur juste dimension les sacrifices humains et matériels consacrés par l’ONU à la sauvegarde de ce pays.

On ne peut donc, en définitive, donner tort à ceux qui, comme les proches d’IBK, estiment que la presse française est utilisée, manipulée pour faire plier un président africain hostile à la division de son pays. Au demeurant, avant IBK, tous les dirigeants africains qui ont défié la communauté internationale ou contrarié les intérêts des grands de ce monde l’ont payé de leur vie ou de leur pouvoir: du Congolais Patrice Lumumba au Ghanéen Kwamé Nkrumah, en passant par l’Ethiopien Hailé Selassié, cette loi d’airain n’a pas varié d’un iota.

 

Failles de la défense présidentielle

Mais le dispositf de défense d’IBK n’a pas la soliditité du roc. Tout d’abord, celui-ci ne fait pas la preuve de son innocence. Annoncée au tambour et à la trompette par le porte-parole du gouvernement d’alors, Mahamane Baby, la procédure de diffamation contre Le Monde n’a jamais été formellement initiée, bien qu’un avocat malien ait publié, par tweet, sa constitution par Koulouba. Rien ne permet de croire quemediapart.fr serait poursuivi, d’autant que ses allégations trouvent un large écho dans les rapports d’enquête de la Cour Suprême et du Vérificateur Général du Mali sur les marchés de l’avion présidentiel et des équiments militaires adjugés de gré à gré à des entreprises suspectes. Faut-il rappeler qu’IBK a publiquement assumé sa vieille « amitié » avec Tomi  Michel ?

Une autre faille du dispositif présidentiel tient au fait que, d’évidence, la France n’a nul besoin de passer par des médias pour façonner la politique du président malien. Non seulement IBK ne peut rien refuser à son ami socialiste François Hollande, mais en outre, le gouffre sécuritaire et l’insuffisance budgétaire où patauge le Mali le mettent à la merci de l’Hexagone. Qu’on n’oublie pas surtout pas que sans les troupes françaises, les jihadistes d’Iyad Ag Ghali auraient investi Bamako depuis janvier 2013 ! Dans ces conditions, pourquoi la France recourrait-elle, à ses risques et périls, à des médias pour obtenir ce qu’elle peut arracher d’un claquement de doigt ?

Enfin, Le Monde et Mediapart ont fait, depuis la nuit des temps, la preuve de leur indépendance. Fondé par Hubert Beuve-Méry en 1944, Le Monde est unanimement considéré comme « le quotidien français de référence » depuis des décennies; il est aussi le plus diffusé à l’étranger. Quant au site d’information Mediapart, créé en 2008, il a, entre autres, révélé en 2013 les dessous de l’affaire Woerth-Bettencourt, qui vaut des misères à Sarkozy,  et, en 2012, contraint à la démission Jerôme Cahuzac, ce ministre socialiste qui détenait un compte bancaire secret à l’étranger. Ce serait donc, à notre avis, une injure à ces médias indépendants de les prendre pour des marionnettes du pouvoir socialiste français.

 

Que faire ?

A présent, il importe de ne pas déstabiliser davantage le Mali en proie à des crises multiformes et menacé jusque dans son existence; trop broder autour de l’affaire Tomi éloignerait le débat de l’essentiel: la sauvegarde de l’unité nationale et de l’intégrité du territoire hérité de nos ancêtres. Pour autant, IBK devrait apprendre à se méfier de « son coeur » et à le « laisser parler » publiquement, sous peine de s’exposer aux pires déballages. Sa position de chef d’Etat doit le conduire à déléguer à ses ministres les tâches ingrates (insulter la communauté internationale, par exemple) afin de conserver son statut de recours ultime. En sautant les ministres, fusibles naturels de tout pouvoir démocratique, il expose sa personne, donc la République entière, à la vindicte adverse. Et ce n’est pas là la meilleure manière de gouverner!

 

Tiékorobani

 Source: Procès Verbal
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