Introduit au Mali dans le cadre du projet WAAPP financé par la Banque Mondiale qui en a même fait une conditionnalité de l’appui budgétaire sectoriel, E-VOUCHER est un système électronique de gestion de la distribution des engrais aux exploitants agricoles. Ce nouveau mécanisme qui vise, selon le gouvernement et les Partenaires Techniques et Financiers (PTF) à lutter efficacement contre les malversations dans la distribution des engrais, est loin d’être apprécié ni par les paysans ni par l’encadrement technique.
Et pour cause, selon la quasi-totalité des producteurs de l’Office du Niger : « la saison pluvieuse n’attend pas, le système E-voucher ne leur permet pas d’avoir leurs engrais à temps. La plupart d’entre nous ne sachant ni lire ni écrire ». Ainsi, les paysans sont catégoriques : « Nous ne voulons plus d’E-voucher ». Et, ils ne sont pas les seuls à avoir des griefs contre cette révolution numérique. Le personnel d’encadrement des producteurs émet beaucoup de réserves, même s’il confirme que le mécanisme d’E-voucher permet d’améliorer l’efficience du système de distribution des intrants agricoles subventionnés aux exploitants, notamment les engrais. Selon les techniciens, « le système fait l’objet de vives contestations à cause du retard dans la réception des messages dû le plus souvent à la mauvaise qualité du réseau de la téléphonie mobile ».
Le gouvernement du Dr Boubou Cissé, à travers le ministre de l’Agriculture M. Moulaye Ahmed Boubacar, semble comprendre la préoccupation des paysans et du personnel d’encadrement. C’est pourquoi, il a décidé, de façon objective, d’ajourner l’application du « fameux mécanisme », pour le reste de la campagne agricole 2019-2020 en cours. La décision permet de ne pas compromettre davantage une moisson déjà confrontée, dans beaucoup de zones de production, à des inondations dues à un réchauffement climatique qui frappe de plein fouet l’agriculture et menace, par ricochet, le développement de nos pays.
L’annonce de surseoir à l’application du mécanisme d’E-voucher pour la campagne agricole en cours faite par le ministre de l’Agriculture, Moulaye Ahmed Boubacar, dans la salle de conférence de l’Office du Niger, le 17 septembre dernier, a suscité un vrai soulagement chez tous les exploitants. Les techniciens vont ainsi pouvoir lancer immédiatement la distribution du reste des engrais subventionnés en utilisant l’ancienne méthode de délivrance des autorisations d’achat appelés cautions techniques.
Mais que se passera-t-il lors de la campagne agricole prochaine ? Les mêmes causes reproduiront les mêmes effets car le bon usage du système exige des préalables qui ne seront pas remplis de si tôt comme la capacité à lire et écrire des paysans ou la qualité de la couverture téléphonique ou plus prosaïquement la possession d’un téléphone.
La sagesse voudrait que l’introduction d’E-Voucher fasse l’objet de test dans des bassins agricoles choisis en fonction de caractéristiques techniques rationnelles (alphabétisation, couverture et pénétration du téléphone). Cette étude permettrait de fixer des seuils garantissant la réussite d’une telle innovation.
En attendant, il apparaît prudent d’éviter une méthode dont le mérite est incontestable – rationnaliser la gestion des engrais subventionnés – mais dont les conséquences indirectes sur le développement des cultures et le niveau des récoltes pourraient être potentiellement graves.
Alassane DIARRA
Source: L’Enquêteur