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Déscolarisation des jeunes filles au Mali : Ces cas qui interpellent !

Originaires de différentes régions du Mali (Koulikoro, Ségou et San), elles ont vécu presque le même parcours de la vie pour être hors de l’école à moins de 18 ans. Mamans, responsables d’écoles, décideurs, spécialistes… se prononcent sur les conditions socioculturelles occasionnant la déscolarisation des jeunes filles au Mali.

Mama Koumaré, âgée de 17 ans, a abandonné ses études à cause d’une grossesse non désirée survenue en classe de 8ème année en 2021. « Malgré que j’ai un enfant aujourd’hui, j’ai envie de retourner à l’école », dit-elle.

Kayo est une petite bourgade à l’entrée de la ville de Koulikoro en venant de Bamako. Au bord de la route, une vendeuse de médicaments traditionnels, bien connue dans la contrée. Garantigi Coulibaly, la quarantaine, qui se culpabilise de la déscolarisation de sa fille, Aminata Diarra, il y a 3 ans.

« Je l’ai surchargée de tâches. Je pars chaque jeudi en brousse récolter les plantes pour aller les vendre à Bamako. Ce jour, je la chargeais des travaux domestiques, au point qu’elle était obligée de sécher les cours. Elle finit par être expulsée, faute de résultats », regrette-t-elle. « C’est en ce moment que je me suis rendue compte de ma responsabilité. J’ai été à l’école présenter mes excuses, mais, rien n’y fit », ajoute la tradi-thérapeute. Sa fille, Aminata Diarra, aujourd’hui mariée, mère de famille, ajoute : « maintenant, je veux entreprendre un métier, sinon plus question de retourner à l’école ».

Selon le coordinateur de l’école de Kayo, Soriba Cissé, appuyé par le Comité de gestion scolaire (CGS) et l’Association des parents d’élèves (APE), il y a beaucoup d’abandon scolaire de la part des filles et les raisons sont toujours en lien avec les mariages et grossesses précoces.

 

En 2021-2022, selon le coordinateur, l’école fondamentale de Kayo A avait un effectif de 376 élèves dont 177 garçons et 199 filles. Kayo B, 142 garçons et 171 filles. L’unique second cycle du village comptait 77 garçons et 69 filles. Le constat général est que, si les filles sont en grand nombre au primaire, la courbe s’inverse au profit des garçons au fur et à mesure qu’on monte dans le système scolaire.

Sitan Founê Djiré est de Ségou. Son père n’a pas d’emploi fixe et se débrouille au jour-le-jour. Sa mère mendie sa pitance quotidienne auprès des âmes charitables. Sitan Founê Djiré est venue à Bamako pour se constituer son trousseau de mariage. Elle a abandonné l’école en classe de 6è et n’espère plus retourner à l’école.

« Je les ai encadrés avec son frère au primaire. Ils venaient régulièrement en retard. Après mes vérifications, j’ai su que leur domicile était très loin. Étant l’aîné de sa famille, toutes les tâches domestiques lui incombaient », explique Dramane Kida, enseignant, parlant de Sitan. Déjà, elle est tombée en grossesse en classe de 4è année. « Une fois mariée, j’ai décidé d’arrêter à cause de la distance. En plus, j’avais honte de me présenter en classe avec le bébé et surtout que j’étais la plus âgée », dit-elle.

Selon Mme Aminata Coulibaly, coordinatrice de l’école Fa Keita, à Pelengana, dans la région de Ségou, les filles sont mariées en pleine année scolaire et celles-ci tombent enceintes abandonnant les études. Elle confirme avoir constaté des cas en 2022, dont l’une a été mariée pour rester auprès de sa belle-mère souffrante.

Seydou Loua Bérété, sociologue, pense que la déscolarisation des jeunes filles peut freiner leur développement personnel. « Sans diplôme, elles tombent dans la précarité, dépendent de l’homme, ne s’occupent pas correctement de la santé des enfants et les naissances ne sont pas espacées ».

Quant à Sitan Founê Djiré, elle ne s’imagine plus sur le chemin de l’école à cause de ses 5 enfants et de l’opposition de son époux. Le commerce est désormais son ambition.

Sa maman Sata Koumaré voit en l’école un moyen de soustraire les enfants des cercles vicieux. Elle regrette la déscolarisation de sa fille aînée par manque de moyen de son mari. « Au niveau du premier cycle, plusieurs filles chôment leurs cours pour vendre des condiments au marché à la demande de leur maman », déclare la coordinatrice de Fa Keita.

Le directeur du Cap de Ségou, M. Traoré Idrissa confirme que le taux de scolarisation des filles est très élevé au fondamental tandis qu’il baisse graduellement au second cycle et au lycée.

A San, la principale cause de la déscolarisation des filles Bomou est l’exode rural, même si cet exode est lié à la précarité du terroir. Elles affluent vers la capitale malienne ou la Côte d’Ivoire, comme bonnes à tout faire afin de rassembler leurs trousseaux de mariage.

A 30 kilomètres de San, se situe la Commune rurale de Somo. Ces 30 kilomètres ont fini par être obstacles à la poursuite de la scolarité de Bohannon Koné. Elle a fini par se marier, et dans ces contrées, il est inimaginable d’allier études et vie de famille pour une femme.

« J’ai quitté l’école à l’âge de 18 ans, en classe de 10ème TB à l’Institut de Formation professionnel (IFP) de la région de San. A cause de l’effectif pléthorique, il fallait une rotation. Je manque de temps et de moyens pour m’inscrire dans une nouvelle école. Maintenant je veux faire de la couture, mais j’ai beaucoup de tâches à accomplir chaque jour. J’ai une coépouse avec qui je cuisine, entretiens le jardin, fais la vaisselle, et transporte de l’eau. Je manque de personnes ressources sérieuses pour m’aider à étudier », dit-elle en ajoutant qu’à Bamako, elle enviait beaucoup les élèves sur le chemin de l’école.

« Chaque année, au second cycle, elles quittent l’école pour se marier à l’âge de 13 à 16 ans. En remarquant leur absence, nous demandons à leurs camarades où à leurs familles. Des associations nous appuient. Souvent nous arrivons à en maintenir certaines mais la plupart ne reviennent plus », révèle Mme Maïga Oumou Mahamane, directrice de l’école fondamentale de Médine ATT à San.

Une fille non instruite, selon elle, sera incapable de lire une simple ordonnance de son enfant. « Nous les marions avant l’âge normal par peur. Les filles se promènent beaucoup, elles sont fascinées par la révolution technologique, donc nous évitons les grossesses. En ce moment, nous ignorons les dangers du mariage précoce sur leur vie », explique Mme Wellé Mariam Sow, membre de l’Association des mères de l’école ATT de San. Mme Wellé regrette qu’aucune solution ne soit développée pour pallier le problème.

Fatoumata Diallo est une ancienne élève de l’école Babou Dioni C à San Médine. Son rêve était de devenir médecin après ses études. Son rêve sera stoppé en 7è année fondamentale à cause d’une grossesse à 15 ans. « Je regrette aujourd’hui, car j’ai affronté des difficultés morales et sociales. Dans ma famille, je ne m’entends presqu’avec personne. Tous ont désapprouvé ma grossesse ».

Fatoumata Konaté, ancienne élève du groupe scolaire ATT de San Médine qui a quitté en classe de 6ème année pour être fiancée, raconte son cas. « J’étais moins intelligente et je voulais me marier. Je suis encore chez mes parents avec mon enfant. Je regrette beaucoup d’avoir abandonné car j’ai perdu toutes mes notions et je ne fais plus rien sauf les tâches domestiques. J’ai mal sachant que je suis incapable de lire un seul paragraphe… ». Aujourd’hui, elle veut exercer la couture, la teinture ou le faufilage manuel. Elle souhaite que le mariage précoce se limite à sa génération et exhorte chaque fille à se battre pour un avenir meilleur.

« Aujourd’hui nos filles ont des difficultés. Certaines manquent de qualités d’épouse pour stabiliser leur foyer. Nous sensibilisons beaucoup les parents, les filles elles-mêmes lors de nos activités », explique Mme Aïssata Théra, membre de l’Association mère enfant.

Pour le sociologue, M. Bérété, les réalités socioculturelles sont très difficiles à combattre. La mentalité conservatrice, dit-il, continue à faire croire que la place de la femme est au foyer.

« Les abandons sont liés à l’exode rural. Certains partent en Côte d’ivoire, pour chercher leurs trousseaux de mariage. Les mamans sont chargées de l’éducation des filles car la plupart des pères ne s’en préoccupent pas », indique M. Viniman Traoré, maire de la Commune rurale de Somon dans le cercle de San.

Aujourd’hui, pour la scolarisation des filles surtout en milieux rural, l’accent doit être mis sur la sensibilisation des parents, des religieux, des dépositaires des coutumes et les filles.

 

Fatoumata Kané

Source: Mali Tribune

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