COLÈRE DANS LE MILIEU ENSEIGNANT
Des syndicats fustigent les propos d’Ibrahim Ikassa Maïga
En affirmant, dans son discours prononcé le mardi 24 mai 2022, à l’occasion de la cérémonie de lancement du Système Intégré de Gestion des Ressources humaines (SIGRH) des Fonctions publiques de l’Etat et des collectivités territoriales, que « plus de 400 enseignants fictifs qui percevaient indûment plus d’un milliard de FCFA chaque année » ont été détectés ; le ministre de la Refondation de l’Etat a suscité une réaction de colère chez les enseignants. Notamment chez les syndicats de l’Education signataires du 15 octobre 2016 qui voient dans la parole ministérielle une stigmatisation du corps enseignant.
Ils crient à la stigmatisation. Les syndicats de l’Education signataires du 15 octobre 2016 ne cachent pas leur fort agacement quant aux propos tenus par le ministre de la Refondation de l’Etat, chargé des Relations avec les Institutions.
Bref rappel des faits. Le mardi 24mai 2022, Le Président de la transition, Assimi Goïta, a donné le top départ de ce qui s’annonce comme la grande opération de filtrage au sein des fonctionnaires. Le chef de l’Etat a lancé le Système Intégré de Gestion des Ressources humaines des Fonctions publiques de l’Etat et des collectivités territoriales. Au cours de cette cérémonie, Ibrahim Ikassa Maïga a affirmé, dans son discours, que « plus de 400 enseignants fictifs qui percevaient indûment plus d’un milliard de FCFA chaque année » ont été détectés. Ce constat, selon le ministre, a été fait lors de la transposition qui a suivi l’adoption de la loi n°2018-007 du 16 janvier 2018, portant Statut du personnel enseignant de l’enseignement secondaire, de l’enseignement fondamental et de l’Education préscolaire et spéciale.
Une saillie ministérielle qui n’a pas du tout été du goût des syndicats qui dénoncent dans les mots du ministre la mise à l’index du corps enseignant. « Les syndicats de l’Education signataires du 15 octobre 2016 estiment que la cérémonie de lancement d’un projet dont les résultats seront communiqués et qui prendront en compte l’ensemble des fonctionnaires, ne doit pas être un lieu de porter du discrédit sur un Corps », ont martelé les syndicalistes dans un communiqué publié le 30 mai. Manifestement en émoi et en colère profonde, les syndicats ne se sont pas privés de fustiger la démarche du ministre. Ils ont écrit qu’ils dénonçaient et condamnaient le comportement « négatif » du ministre « envers le corps enseignant ». Et ils ont invité le ministre mis en cause par eux à « publier les statistiques relatives aux autres fonctionnaires, car le monde éducatif n’est pas le seul concerné par cette question, ou de présenter ses excuses en attendant les conclusions dudit projet. » Poussant leur mécontentement jusqu’à l’indignation, les syndicats ont dit ne pas comprendre « pourquoi les mauvais exemples sont pris sur les enseignants alors que les dignes et valeureux enseignants accomplissent dans des conditions extrêmement difficiles les tâches et les missions qui leur sont assignées au quotidien. »
Le ministre Maïga a-t-il commis un impair ? A-t-il commis par sa déclaration une faute professionnelle en pointant le curseur sur le cas spécifique des enseignants ? « Oui, sans conteste », clament beaucoup d’enseignants (une dizaine) que nous avons interrogés et qui s’estiment avoir été « extrêmement vexés » par les phrases du ministre.
Que va faire le ministre Maïga, et, en plus de lui, le gouvernement ? Se fendre d’une déclaration de regret ou de clarification pour tenter de calmer le courroux des syndicats ? Ou bien laisser à la colère enseignante le temps de s’apaiser d’elle-même ? On ne peut émettre aucune hypothèse pour le moment.
Mais il est clair que le raté du discours du ministre (il s’agit bien d’un gros raté) vient ternir quelque peu les premiers pas d’une initiative qui aurait pu démarrer sous de meilleurs auspices. Les couacs et les aspects mal calibrés émaillent très souvent la communication de beaucoup de membres du gouvernement Choguel. Après cet épisode, au ministre Maïga et à ses collègues de marcher sur des œufs, chaque fois qu’ils parlent publiquement, et de mesurer le poids de chaque mot. Cela leur évitera bien des faux pas qui, par les temps de passions qui courent, peuvent alimenter le feu de la crispation des positions.
Mamadou Komina et Mohamed Meba TEMBELY
Source: Les Échos- Mali