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Délestage à Bamako : Les affaires au ralenti

Les coupures intempestives du courant ont fortement plombé les gains de certains acteurs du secteur informel qui étaient déjà éprouvés par les conséquences de la pandémie du coronavirus

 

La ville de Bamako enregistre ces derniers temps des coupures intempestives de courant. De jour comme de nuit, les abonnés de la société nationale d’électricité subissent les caprices d’un courant qui repart aussitôt revenu dans certains quartiers. Les habitants de la capitale sont affectés par les désagréments causés par cette situation au point qu’il y a eu des manifestations dans des quartiers populaires.
Le délestage, ce n’est pas que le spectacle d’une ville de Bamako plongée dans le noir. Encore moins ces rues et voies quasi désertes. C’est aussi le ralentissement de beaucoup d’activités économiques qui dépendent de l’électricité. Inutile de rappeler que dans un centre urbain comme Bamako, l’électricité est vitale pour la bonne marche des affaires. Vendeurs de glaces, coiffeurs, soudeurs métalliques, tous ces acteurs du secteur informel souffrent aujourd’hui des coupures intempestives du courant.

IMPOSSIBLE DE TRAVAILLER- C’est le cas du coiffeur Amadou Kanté qui nous a reçus dans son salon de coiffure, situé au marché de Djélibougou. Des photos de la mode capillaire ornent l’intérieur du local. Les clients sont présents dans le petit salon mais sans l’électricité Amadou ne peut pas travailler. «Le jeudi, je n’ai pas pu travailler. Vers 11 heures, j’ai reçu un client d’un certain âge. à peine avais-je commencé le travail que le courant est reparti. Le monsieur a été patient pendant environ une heure. Mais aucun signe n’annonçait le retour de l’électricité alors il a fini par perdre patience.

Furieux, il m’a dit de raser complètement sa tête avec une lame rasoir manuelle», témoigne-t-il, ajoutant que son gain journalier a considérablement baissé. Car, si tout se passe normalement, sans interruption de travail, Amadou peut récolter au minimum 3.000 à 5.000 Fcfa par jour. Les auto-écoles ne sont pas non plus épargnées par ce fléau qui s’apparente à un dégrèvement.

Le courant est vital pour leur bon fonctionnement. à Djélibougou, un jeune homme sous couvert de l’anonyme confirme. Voilà environ deux semaines qu’il s’est inscrit dans une auto-école de la place pour passer son permis de conduire. Les enseignements se passaient normalement, déclare-t-il. Mais, ces délestages ont chamboulé les programmes de sa formation.

Résultats : beaucoup de séances perdues. Car sans courant, les cours théoriques qui sont projetés sur l’écran ne sont pas possibles. Dans les salles devenues sombres, difficile d’interpréter les affiches signalétiques qui comportent les significations de certains panneaux relatifs au code de la circulation routière, explique-t-il. Sans compter la chaleur de four qui y règne et qui démotive apprenants et formateurs. Finalement, ajoute-t-il, les formateurs ont été obligés de prioriser la pratique au détriment de la théorie. Chose qu’il estime être un péril pour tout candidat au permis de conduire. D’autant plus que les évaluations portent aussi sur des questions théoriques.

PÉRIODE DE VACHES MAIGRES- Autre domaine éprouvé par le délestage: le commerce de glace. En cette période de grande chaleur, ce négoce est une activité très dynamique dans laquelle s’activent de nombreuses femmes. Bintou Daou est une habitante de Djélibougou. Teint noir, cette quadragénaire possède deux réfrigérateurs qui ravitaillent tout le voisinage en glace. C’est son aide-ménagère qui s’occupe de la vente. Mais chez Bintou aujourd’hui, les affaires tournent au ralenti.

Le court moment de l’électricité ne suffit pas pour congeler les sachets d’eau que contiennent les glacières. Conséquences : aucune glace ne se forme, donc aucune vente. «Je n’ai rien vendu aujourd’hui à cause du délestage», regrette-t-elle, avant d’ajouter que si elle avait les moyens, elle paierait un groupe électrogène pour l’essor de son commerce. Comme les vendeuses de glace, les soudeurs métalliques connaissent aussi des grincements de dents. Mamadou Coulibaly, accroupi, soumet une porte à des coups de marteau. Lunettes de soleil aux yeux, le soudeur trapu était visiblement en colère quand nous l’abordions.
«Le jeudi passé, je n’ai pas pu travailler.

Nous avons passé, dans ce quartier, plus de 16 heures sans électricité. J’avais beaucoup de commandes à livrer mais impossible de travailler», déplore-t-il. Pour lui, cette situation, en plus de diminuer ses revenus, crée une crise de confiance entre lui et leurs clients. «Si on vous paie pour faire tel travail, on attend des résultats mais pas des excuses. Vous le faites, c’est tout», argumente-t-il. Sur ces entrefaites, le jeune soudeur se saisit d’un clou pour l’enfoncer dans la serrure de la porte qu’il bat à nouveau à coup de marteau. Comme pour dire que chaque minute qui file est une perte de temps de trop.

Lassana NASSOKO

Source : L’ESSOR

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