Le porte-parole de la Coordination des mouvements de l’Azawad (CMA), Mossa Ag Attaher ; Dr Choguel Kokalla Maiga, président du Mouvement patriotique pour le renouveau (MPR); Fahd Ag Al Mahmoud, secrétaire général du Gatia, Moussa Ag Acharatoumane, fondateur du Mouvement pour le salut de l’Azawad étaient les invités du « Débat politik » de l’Africable télévision. Le thème : « Faut-il relire l’Accord d’Alger ? » a été largement débattu. L’occasion a été, d’ailleurs, pour Dr Choguel Kokalla Maiga, de demander au représentant de la CMA ce qui a été ajouté à l’Accord le 20 juin 2015. Une question dont le gouvernement et la CMA cachent certainement la réponse aux Maliens.
Jamais d’un tel débat édifiant, franc et ouvert n’a été tenu autour de l’Accord d’Alger depuis sa signature en 2015. Robert Dissa a amené les différents acteurs de l’Accord à révéler des vérités qu’ignorent pas mal de Maliens sur le document.
Les sentiments au sortir des négociations à Alger
L’Accord d’Alger a, au moment de sa signature, donné espoir à beaucoup de Maliens pour un retour de la paix. 4 ans après sa signature, cet espoir a été brisé. Tous les débatteurs sont convaincus de ce désespoir des Maliens. Selon Moussa Ag Acharatoumane du MSA, à l’époque de la signature de l’Accord, c’était un grand soulagement pour toutes les populations maliennes. Mais il déplore que de 2015 à nos jours, la paix ne soit pas totalement revenue ; la crise soit enflée et ait même dépassé les frontières maliennes. « Il y a un sentiment d’une entreprise inachevée des raisons multiples », regrette-t-il.
Dr Choguel Kokalla Maiga aborde la question dans le même sens. Il estime que les Maliens espéraient beaucoup au moment de la signature de l’Accord. « Lorsque cet accord a été signé, il a suscité l’espoir, même de ceux qui n’y croyaient pas beaucoup. Tellement les Maliens voulaient la paix que tout le monde a espéré que cet Accord va amener la paix. Mais il faut dire que dès ce moment, il y a une bonne partie de la classe politique qui n’était pas d’accord parce qu’on ne comprenait pas exactement qu’est-ce qui a été signé », a-t-il laissé entendre.
Pour Fahd Al Mahmoud, il y avait un sentiment de réticence depuis la signature de l’Accord. « Au sortir des négociations de l’Accord à Alger, chaque partie avait des réserves sur l’Accord, lui-même », a-t-il laissé entendre.
Le représentant de la CMA soutient, quant à lui, que les négociations ont commencé dans un contexte de manque de confiance entre les parties maliennes. Aussi, affirme-t-il que l’Accord dont la dernière signature a été faite en 2015 est le fruit d’un consensus.
L’incompréhension de l’Accord, 4 ans après sa signature, les parties n’ont pas joué leurs rôles !
Le porte-parole de la CMA, Mossa Ag Attaher, reconnait qu’une des tares de l’Accord est de ne pas vivre le résultat de l’accord 4 ans après sa signature.
« J’ai compris que la majorité des populations n’ont pas compris le contenu de l’accord pour des raisons multiples. La responsabilité de cela aussi est partagée entre toutes les parties signataires », déclare le président du Mouvement pour le salut de l’Azawad, Moussa Ag Acharatoumane. Selon lui, l’Accord pour la paix et la réconciliation issue du processus d’Alger n’est pas expliqué à la majorité des Maliens. « On doit expliquer l’accord dans toutes les langues au niveau de tous les villages, toutes les communes, tous les cercles », a-t-il proposé.
À ce sujet, le secrétaire général du Gatia va plus loin, il affirme que les différents acteurs de l’accord n’ont pas dit leurs engagements réels à leurs bases. « C’est ce qui fait qu’aujourd’hui qu’ils se comportent comme s’il n’y a pas un accord qui reconnait l’unité du Mali, son caractère laïc, son caractère républicain et sa forme démocratique », laisse-t-il entendre comme pour taquiner la CMA. Il a, par la suite, invité les signataires de l’accord à dire leurs engagements à leurs bases.
L’ancien ministre de l’Économie numérique et de la Communication, Choguel Kokalla Maiga, refuse de croire que l’inapplication de l’accord soit due à son incompréhension par la population. « Le fait que l’accord n’est pas appliqué n’est pas le fait de l’incompréhension », a-t-il précisé. Pour lui, les populations n’ont posé aucun acte empêchant l’application de l’Accord. Il estime que ce sont les signataires de l’accord qui sont responsables de la non-application de cet accord. « Il n’y a eu aucune séance de restitution, ni par le gouvernement, ni au niveau de l’Assemblée nationale, ni au niveau du haut conseil des collectivités, ni au niveau d’aucune institution », dit-il avant d’ajouter : « Aucun des acteurs signataires de l’accord n’est allé expliquer le document aux populations ».
Azawad, une cuvette dans la zone de Taoudéni
Le débat politik de l’Africable télévision du dimanche dernier est une école. L’histoire de l’Azawad a été longuement débattue. Même si notre ami de la CMA s’y oppose, les autres débatteurs affirment que l’Azawad est une cuvette dans la zone de Taoudéni. « Géographiquement, Azawad est une cuvette dans la zone de Taoudéni », a expliqué Dr Choguel Kokalla Maiga. Selon lui, ce concept a été conçu par les théoriciens du « séparatisme » pour créer un mythe fédérateur. « Ils avaient trois objectifs qui ont été déterminés depuis 1990 : présenter les communautés touarègues et arabes comme des victimes, réaffirmer leur identité culturelle, imposer une autonomie », a soutenu Choguel Kokalla Maiga. Fahd Al Mamoud partage la définition donnée par le ministre Choguel. Selon lui, ce sont même les revendications politico-identitaires propres aux touaregs et aux Arabes qui ont enclenché un rejet systématique du mot Azawad par les autres communautés du nord. Il va loin en allant jusqu’à l’origine du mot. Il affirme qu’un des acteurs de la rébellion a découvert ce nom sur une carte à Paris. « Le mot, en lui-même, ne couvre pas l’entièreté des régions du nord », laisse-t-il entendre.
Le porte-parole rejette la définition du DR Choguel et confirmée par les deux autres débatteurs. Il estime que la définition de l’Azawad donnée par ceux-ci est réductrice et ne « repose pas sur des faits historiques réels ».
Pourquoi ne pas faire un autre accord ?
Beaucoup sont ces Maliens qui réclament la relecture de l’accord même si d’autres le rejettent en bloc. M. Achatoumane trouve que le document doit être révisé s’il n’est pas bon. « Aujourd’hui, on ne doit pas faire de l’accord d’Alger la bible ou le coran qui ne peut être changé. Pour moi, l’accord qui a été signé en 2015 et la crise que connait le Mali, il y a une grande différence », a-t-il soutenu.
Le président du MPR reste strict sur sa position. Il trouve que l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger doit être révisé. Il trouve qu’il devrait y avoir une entente sur certains concepts et définitions dès le départ. La question de l’Azawad devrait, selon lui, être clarifiée dès le départ. «Il faut sortir du fétichisme de l’accord. Ce n’est pas le coran ni la bible. IL faut le revoir », a-t-il déclaré. L’intégration des nordistes dans les services centraux de l’État sont des points dans l’accord qui dérangent le ministre Maiga. « On inscrit dans l’accord une discrimination qui va amener d’autres problèmes », déplore-t-il.
Là aussi, le représentant de la CMA n’est pas d’accord. Il soutient plutôt la mise en œuvre du document en l’état actuel.
Pour sa part, le secrétaire général du Gatia met la balle dans le camp du gouvernement. La non-application de cet accord est selon lui, la faute au gouvernement du Mali. Par rapport au mot Azawad, il propose un referendum pour son adoption ou rejet.
Le statut de Kidal !
Le statut de Kidal pose problème depuis des années. C’est dans cette ville que le Mali est fréquemment insulté, le drapeau malien brulé, les symboles de la République du Mali détruits. Comme responsables de ces actes peu orthodoxes, beaucoup pointent du doigt la Cma. Mais lors de ce débat d’Africable télévision, Mossa Ag Attaher affirme que rien n’empêche le gouvernement du Mali d’exercer sa souveraineté à Kidal. « Personne n’est en train de demander l’indépendance ; personne ne demande la séparation du pays. Ce qui s’est passé à Kidal est un incident », a-t-il soutenu avant de préciser que l’Etat est responsable de son absence à Kidal.
Le fondateur du MSA tacle les responsables de la CMA. Il affirme que l’incident de Kidal prouve que les responsables de la CMA n’ont pas expliqué leurs engagements à leur base. « On ne peut pas comprendre que la ville de Kidal soit gérée par des responsables de la CMA, qu’il y ait des femmes et des enfants qui se comportent de la sorte. Ça ne se comprend pas, ça ne se justifie pas », a-t-il laissé entendre.
Sur la question de Kidal, M. Fahd Al Mahamoud estime que les amis du Mali n’ont pas joué leurs rôles. Aussi, a-t-il fustigé le laxisme de l’État. « Le gouverneur ne gouverne pas à Kidal », a-t-il déclaré.
Qu’est ce qui a été ajouté au document l’accord le 20 juin 2015 ? Cette question de Choguel à laquelle Mossa Ag Attaher ne répondra pas
Le président du MPR connait certainement le point faible des enfants gâtés de la République. « Qu’est-ce qui a été ajouté le 20 juin au document ? », c’est la question qu’il a posé, à trois reprises, au représentant de la CMA. Mais le grand orateur, très rapide dans la réplique quand un responsable de la CMA est attaqué, notre ami Mossa Ag Attaher a gardé le silence du sourd. Cette question n’a pas eu de réponse. Le gars tournait, se défendait, mais ne touchait pas à la question de l’enfant de Gao. Mossa renforce ainsi le doute des Maliens sur la CMA.
Face à l’incapacité ou la mauvaise volonté du représentant de la CMA de répondre à la question du DR Choguel, Fahd Al Mahmoud s’est chargé d’édifier les Maliens. « Ce qui a été ajouté à l’accord le 2O juin est le relevé des conclusions. Nous (GATIA°) n’avons pas voulu signer ce document estimant que c’est anti républicain, car il disait une armée reconstituée majoritairement redéployée au nord », a-t-il déclaré.
La CMA et le gouvernement du Mali cachent-ils donc quelque chose aux Maliens ? En tout cas c’est ce qui démontre le silence de Mossa Ag Attaher sur les questions du Dr Choguel Kokalla Maiga.
Boureima Guindo
Source : Le Pays