Entre crainte des effets secondaires, précarité, poids des traditions, de nombreuses femmes en âge de procréer recourent aux méthodes de contraception traditionnelle pour espacer les naissances au Mali. Un choix qui a fait déchanter plus d’une femme.

« Je ne voulais pas tomber enceinte avant 5 ans », regrette Bassan, jeune mère de trois enfants, qui vient de mettre au monde son dernier enfant il y a quelques mois. Cette autre grossesse rapprochée met à rude épreuve la scolarité de la jeune femme et remet en cause le recours aux méthodes traditionnelles de contraception notamment, le tafo, une ceinture de cotonnade mystique, censée espacer les naissances.

Malgré les mises en garde, Bassan croyait à l’efficacité des gris-gris venus tout droit du village. Mais le tafo va la « trahir ». « Mon beau-frère nous a apporté des amulettes du village : une pour sa femme et une pour moi. A notre grande surprise, quelques mois après, sa femme et moi sommes tombé enceintes. Nous avons accouché à un mois d’intervalle », raconte-t-elle.

Interdits à respecter

Comme Bassan, beaucoup d’autres femmes ont recours à ces amulettes qui ne coûtent presque rien : « Une pièce de 5 francs CFA et un coq. » Ce sont les recettes pour préparer une amulette de contraception, explique Moussa Koné, tradipraticien basé à Kolokani, une ville située à une centaine de kilomètres de Bamako, dont les services sont destinés principalement aux femmes mariées.

Portés autour de la hanche ou du bras, ces gris-gris sont censés espacer les naissances. « La femme qui utilise cette méthode ne tombe enceinte que lorsqu’elle l’enlève au moment souhaité ou lorsqu’elle viole les interdits du tafo », commente le septuagénaire, qui croit fermement à la fiabilité de son produit et conteste toute idée contraire. Cependant, Moussa précise qu’il y a des interdits à respecter. « La femme qui porte un tafo (amulette) ne doit pas s’assoir à moins d’un mettre d’un homme autre que son mari », explique-t-il.

Peur des effets secondaires

Selon Dr Hawa Guindo, point focal planification familiale à l’Office national de la santé de la reproduction (ONASR), ce phénomène est surtout lié à la méconnaissance, aux rumeurs et préjugés qui circulent sur les méthodes modernes. « Il y a le poids de la religion, l’opposition des maris à l’adoption d’une méthode moderne », analyse la spécialiste. Elle poursuit en formulant un plaidoyer : « Nous demandons à l’État de mettre l’accent sur la gratuité de la prestation des services et des produits. Parfois, c’est le coût élevé qui pousse les femmes vers la méthode traditionnelle. »

Pour sa part, Dr Lala Fatoumata Traoré, enseignante-chercheuse au département santé publique à la Faculté de médecine et d’odontostomatologie de Bamako, s’interroge : « Les femmes doivent choisir des méthodes de planification familiale qui ont fait leurs preuves à hauteur de souhait. Cependant, il ne faut pas omettre d’aller à la source du problème.  Est-ce un problème d’acceptabilité culturelle ? Est-ce un manque de moyen financier ou de résistance face aux effets secondaires ? »

En effet, la plupart des femmes interrogées affirment qu’elles voulaient éviter les effets secondaires causés par les méthodes de contraception modernes. « Pourtant, ces méthodes ne sont que des hormones synthétisées de la femme. Elles sont utilisées pour empêcher la survenue de la grossesse ou pour remédier aux problèmes d’hormones chez certaines femmes », rassure Dr Hawa Guindo.

Réduire les besoins non satisfaits

Le recours aux méthodes traditionnelles de contraception perdure au Mali, en dépit des doutes et interrogations quant à leur efficacité. Les plus fervents défenseurs des méthodes traditionnelles sont les hommes. Ils sont 33% à plébisciter les gris-gris comme meilleur contraceptif, selon l’Enquête démographique de la santé au Mali (EDS-Mali). Du reste, dans la société malienne, les hommes ont un poids énorme dans le choix de natalité du couple.

En 2019, le Mali s’est doté d’un plan d’action national budgétisé de planification familiale. Ce plan quinquennal (2019-2023) vise à réduire les besoins non satisfaits en méthodes modernes de contraception. En 2018, la prévalence contraceptive moderne était estimée à environ 24% chez les femmes en âge de procréer. L’objectif du PANB2 est d’atteindre 30% de prévalence contraceptive moderne d’ici 2023.

Les nombreuses campagnes d’information, de sensibilisation sur la fiabilité des méthodes modernes de contraception et le bénéfice qu’elles procurent à la santé de la femme et de l’enfant n’ont pas dissipé les résistances. Le taux de prévalence est en dessous des atteintes. Tandis que l’utilisation d’autres moyens non conventionnels à des fins contraceptives persiste, avec toutes les conséquences imaginables.

Au cours de ma collecte d’informations, Tenin, une amie, a confié qu’elle avait un tafo autour du bassin, depuis trois mois environ. Selon elle, il n’y a rien à craindre, car le sien provient du village de son mari. Nous en reparlerons dans une année.

Source : Benbere