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Constitution : Viol collectif

Au fil des débats, qui ont le mérite d’exister dans cette marre boueuse de la crise actuelle, il est fait procès de la caducité de la Constitution de 1992. C’est un lieu commun qui ne mérite pas qu’on s’y attarde. Cependant, il paraît à la lumière, de plus en plus, que durant près de 30 ans de pratique, la Constitution malienne a été, consensuellement, mise de côté pour gérer nombre de situations politiques complexes.

Les historiens du droit s’accordent pour dire que la Constitution est le fruit, sans aucun doute, d’un consensus et donc d’un compromis. Celle du 25 février 1992 reflète, dans le processus de son adoption, cette volonté commune de s’affirmer à travers la Constitution.

Du juriste au politique en passant par le représentant de la société civile, cette Constitution a reçu les « inputs » de tous, lors de la Conférence nationale (tenue du 29 juillet au 12 août 1991 et a réuni 1086 participants), avant de recevoir l’approbation démocratique du peuple lors du référendum de 92.

Cette démocratie naissante avait tout pour réussir. Mais, selon Pr. Amadou Keita, le Mali a vite fait de plonger dans une « démocratie minimale consubstantielle de notre sous-développement politique ». Si le spécialiste du droit, pour préciser sa pensée, évoque la faible institutionnalisation et des « caractéristiques du système démocratique pouvant être assimilées à des résurgences du système politique combattu en 1991 », force est de reconnaître que la trajectoire empruntée par la troisième République n’a pas toujours épargné la Constitution.

Le manteau du compromis politique (Alpha Oumar Konaré) et du consensus politique (Amadou Toumani Touré) à la malienne, ont vite fait de mettre entre parenthèse le fondement même des acquis démocratiques issus de la révolution de mars 1991, au nom d’une stabilité à garantir.

En 2012, le coup d’état militaire, qui se résume vulgairement aujourd’hui à la démission du Président Amadou Toumani Touré, est l’expression singulière du viol collectif de la Constitution malienne.

La parade de la démission du Président aura permis à la CEDEAO et aux acteurs politiques maliens d’installer une transition et de s’excuser de la disposition constitutionnelle qui faisait du coup d’état « un crime imprescriptible ».

Au nom du retour à l’ordre constitutionnel, notre texte fondamental a été mis au piédestal de l’Accord cadre de Ouagadougou, pour ne servir que de béquilles aux manquements dudit accord.

Au sortir de l’élection présidentielle de 2013, des exemples étayent les arrangements politiques qui ont conduit au maintien des députés, malgré leur fin de mandat. À ce jeu, la Cour constitutionnelle, sortant de son rôle de garante, se trouve au cœur de la critique. Celle-là même qui l’accuse d’avoir refusé de dire sereinement le droit lors des législatives d’avril-mai 2020.

Ainsi, la crise politique actuelle met en exergue cette longue histoire du viol de la Constitution au nom de la realpolitik et appelle déjà, à en juger par les propositions de sortie de crise, à un nouvel effort collectif pour mettre en parenthèse, ou du moins utiliser partiellement, la Constitution pour revenir à un ordre constitutionnel d’amorce de résolution de la crise.

Il va sans dire que tous les acteurs présents sur l’échiquier actuel, ont, à un moment ou un autre, accepté que le texte fondamental du Mali soit violé pour le bien commun. Partant, il ne serait qu’un moindre mal de trouver les ressorts dans cette pratique du compromis où encore du consensus pour gérer, que politiquement, cette crise aux ramifications lourdes et insoupçonnées.

En tous les cas, retenons de la leçon du Pr. Amadou Keita que Schumpeter proposait de considérer la démocratie comme « un arrangement institutionnel pour parvenir à des décisions politiques permettant aux individus d’acquérir le pouvoir de décider par le biais d’une lutte compétitive pour le vote du peuple. ».

La balle est donc dans le camp des politiques pour doter le Mali de véritables institutions qui mettront fin au viol collectif de la Constitution malienne.

Y.KEBE

Source: Bamakonews

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