Alea jacta est ! (Le sort en est jeté !), diront les latinistes à propos de l’arrêt de la Cour suprême confirmant la condamnation de Moov Africa Malitel et d’Orange-Mali à payer la rondelette somme de 177 milliards de F CFA, dont 53 milliards de F CFA pour Moov Africa Malitel, au Réseau malien des consommateurs des télécommunications (Remacotem) dirigé par un certain Adama Traoré. Depuis, c’est la stupeur ! Ici et ailleurs.
Condamnés à payer l’astronomique montant de 177 milliards de F CFA par la Cour d’appel du Mali courant novembre 2021, les opérateurs de téléphonie mobile Moov Africa Malitel et Orange-Mali, ont vu leurs derniers espoirs s’envoler ce lundi 13 mars 2023 après que la Cour suprême, ultime recours en la matière au Mali, ait confirmé les dispositifs du jugement querellé.
La Cour “en la forme reçoit le pourvoi ; au fond le rejette comme étant mal fondé ; ordonne la confiscation de l’amende de consignation ; met les dépens à la charge des demandeurs”. Telle est la teneur de l’arrêt de la Cour suprême prononcé en son audience du 13 mars 2023, dans l’affaire opposant le Réseau des consommateurs maliens de téléphonie mobile (Recomatem) à Moov Africa Malitel (anciennement Sotelma/Malitel) et Orange-Mali.
L’affaire oppose donc le Réseau malien des consommateurs des télécommunications (Remacotem) à Moov Africa Malitel, d’une part, et le Recomatem à Orange-Mali, d’autre part. Elle a éclaté il y a plus d’une décennie. Le Réseau reproche la facturation du répondeur aux opérateurs.
Malgré tous les avis favorables de l’Union internationale des télécommunications (UIT), de l’Autorité malienne de régulation des télécommunications, des postes et Tic (AMRTP), et d’experts indépendants qui démontrent qu’il n’y a pas lieu de poursuivre les opérateurs incriminés parce que la plainte ne peut prospérer que pour les appels internationaux, la justice malienne a finalement tranché en faveur du Réseau.
Des interrogations
Notre but n’est certes pas de contester l’autorité de la chose jugée. Mais, cet arrêt de la Cour suprême risque d’avoir beaucoup de répercussions. Tout d’abord, le Remacotem est une organisation pour le moins nébuleuse, dirigée par un seul individu qui ne peut réellement pas produire la liste de ses adhérents. La manne va tomber dans quelle escarcelle dans ce cas-là ?
Deuxièmement, est-ce qu’on a réellement tenu compte de l’intérêt des milliers de personnes qui travaillent pour le compte de ces deux entreprises et qui vont indubitablement faire les frais de cette lourde condamnation ?
Que dire du manque à gagner qui serait ainsi occasionné pour les caisses publiques si les entreprises venaient à être poussées à la banqueroute ?
Sponsors du sport malien, Moov Africa Malitel (partenaire du Comité national olympique et sportif du Mali) et Orange-Mali (pour le basket-ball et football d’élite) sont aussi engagées à fond dans la R esponsabilité sociétale d’entreprise (RSE), qui font d’elles de véritables agents du développement humain durable dans notre pays.
Malgré tous les arguments avancés par les conseils des deux opérateurs de téléphonie mobile, la Cour suprême a confirmé le jugement de la Cour d’appel alors même qu’en première instance le Remacotem avait été débouté de sa plainte par deux fois.
Il reste un dernier recours pour Moov Africa Malitel et Orange-Mali, c’est l’arbitrage de la Cour de justice de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uémoa) ou de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao) qui est censée connaître des affaires de telle nature. Ce qui prouve que l’espoir n’est pas tout à fait perdu pour les milliers de travailleurs de ces deux sociétés qui, aujourd’hui plus que jamais, scrutent l’horizon avec beaucoup d’inquiétude.
En tout état de cause, ce procès ressemble à s’y méprendre à celui des investissements étrangers au Mali. Autrement dit, les potentiels investisseurs étrangers vont dorénavant réfléchir par deux fois avant d’opter pour la destination Mali. Ce qui ne serait pas à l’avantage de notre pays. Loin s’en faut.
El hadj A. B. HAIDARA
Orange-Mali sur les traces d’Orange Niger ?
Si l’on ne prend pas garde, Orange-Mali risque de connaître très bientôt le même sort que la filiale nigérienne de l’entreprise française, qui a dû se sauver en 2019 pour échapper au diktat du fisc nigérien. En 2018, Orange Niger, en délicatesse avec le service des impôts du Niger qui était allé jusqu’à fermer ses locaux pendant plus d’un mois, a finalement jeté l’éponge.
Deux actionnaires minoritaires historiques d’Orange Niger, des hommes d’affaires nigérien et malien, ont annoncé le vendredi 22 novembre 2019 avoir racheté la filiale du groupe de télécoms français Orange, en difficultés, pour un montant non précisé.
Auparavant, Orange Niger avait qualifié de “contestable” sa fermeture par le fisc, consécutive à un redressement fiscal de 22 milliards de F CFA qui représentait “près de 50 % (de son) chiffre d’affaires” annuel.
Que dire alors des 124 milliards de F CFA qu’Orange-Mali devra payer au Remacotem sous les coups de boutoir de la justice malienne ? Il n’y a manifestement pas photo entre les deux affaires. Cette condamnation va naturellement mettre en très grande difficulté le groupe de télécoms français qui pourrait vendre sa filiale malienne. Tout ceci n’est visiblement pas de bon augure pour les milliers de travailleurs et les communautés qui bénéficient indirectement de l’apport de cette entreprise en termes d’accès aux services sociaux de base comme l’école, les soins de santé, l’accès à l’eau potable, etc.
El hadj A. B. HAIDARA
Source: Aujourd’hui-Mali