La communication est l’horizon de toute société démocratique. Son efficacité et sa pertinence sont des éléments incontournables de stabilité sociopolitique. Mais, pour un responsable politique, communiquer peut équivaloir à marcher sur des œufs. C’est donc un art car son usage abusé ou mal dosé voire inopportun peut produire l’effet contraire, donc causer des préjudices. C’est pourquoi l’actuel Premier ministre du Mali doit être très prudent dans ses déclarations par rapport à certaines situations sensibles du pays.
«J’ai besoin d’accalmie pour pouvoir travailler. Ne rentrez pas dans le jeu politique ou syndicaliste. Discutons en toute franchise pour pouvoir trouver une solution à des problèmes rapidement», aurait souhaité le Premier ministre Boubou Cissé lors de sa rencontre avec le «Collectif Sirako» le lundi 26 août 2019 à la Primature. Un vœu non exaucé ce jour puisque la réunion n’a pas abouti à un compromis pour lever le blocus, surtout au niveau de Kati.
Il a fallu l’implication du Directeur Général de la Sécurité d’Etat (DGSE), Général Moussa Diawara pour apaiser la tension. Un désaveu pour Dr Boubou Cissé ? «Sans doute», diront de nombreux observateurs ainsi que des détracteurs du chef du gouvernement.
Toutefois, à son actif, son refus d’accéder à la demande des jeunes de Kati et Kayes qui exigeaient la démission du ministre des Infrastructures et de l’Equipement. A ce niveau, il a fait preuve de maturité et surtout de responsabilité car céder à une telle pression aurait été un précédent dangereux dans un pays où la manipulation politicienne bloque le plus souvent les initiatives plus pertinentes (circulation alternée par exemple) et porteuses d’espoir en termes de résultats. Et s’il avait accepté de livrer la «tête» de Traoré Seynabou Diop, le PM devait se sentir condamné alors puisque c’est la tienne qui aurait pu être réclamée par la suite.
Le PM a fait aussi une sortie moins réussie avec des propos tenus le samedi 24 août 2019 à l’ouverture des assises de l’Alliance Ensemble pour le Mali (EPM, majorité présidentielle) à l’hôtel Orpheus Dream de Missabougou. «Certains pensaient transformer l’EPM en un grand parti. Mais malheureusement en politique tout ne se passe pas comme on le pense». Pour de nombreux observateurs, il s’agit d’une attaque à peine voilée visant son prédécesseur à la Primature : Soumeylou Boubèye Maïga !
On se rappelle en effet que, lors du dernier congrès de l’ASMA-Cfp, ce dernier avait annoncé une éventuelle fusion de certaines grandes formations politiques (Adema, le RPM, l’UDD, l’URD, ASMA…) afin de créer une chapelle forte. Ce qui est d’ailleurs souhaitable dans la situation actuelle du Mali où la multiplication des partis est loin d’être un atout ou une vitalité démocratique.
«Si après avoir vidé la Primature de presque tous les hommes de mains de son successeur, Boubou Cissé tient un tel discours, on peut désormais et aisément mesurer le fossé qui s’est très vite créé entre SBM et la famille présidentielle ainsi que le chef de l’exécutif en place», a pertinemment commenté un jeune confrère.
Et pourtant Boubou court à sa perte en déclarant la guerre au «Tigre» de Badala qui a jusque-là survécu à toutes les tentatives visant à le neutraliser politiquement, à anéantir ses ambitions politiques.
Ceux qui le conseillent dans ce sens le poussent sur un terrain extrêmement glissant d’autant plus qu’il a la réputation d’être un bon technocrate et non un politicien. Il a donc peu de chance de remporter une bataille face à un gourou politique comme SBM.
Le Premier ministre, s’il veut rester longtemps dans le fauteuil de la Primature, il a tout intérêt à se tenir à l’écart des règlements de comptes politiques. Le blocage prolongé de la RN1 et à Kati et l’échec de sa rencontre avec les jeunes à l’origine de cette situation est sans doute un premier avertissement sans frais qu’il doit savoir décrypter. Il sait sans doute qu’un Premier ministre n’est qu’un fusible et qu’il est le 6e qu’IBK utilise presqu’en autant d’années.
Hamady Tamba
Source : Le Matin