Suivez-nous sur Facebook pour ne rien rater de l'actualité malienne

Comment expliquer le retour des tensions en Crimée entre la Russie et l’Ukraine ?

S’il subsistait un doute quant à l’état de tension extrême régnant entre la Russie et l’Ukraine, l’annonce par l’armée russe, vendredi 12 août, du déploiement en Crimée de systèmes de défense antiaérienne et antimissile S-400, lève toute ambiguïté. Vladimir Poutine a engagé un bras de fer et fait étalage de sa force. L’arrivée de ces missiles dernier cri avait déjà été évoquée par le Kremlin en juillet, mais cette nouvelle annonce est faite alors que la péninsule criméenne, annexée par Moscou en 2014, est au centre d’une escalade inquiétante entre les deux voisins.

Piotr Porochenko president ukraine vladimir poutine russie

Le 10 août, les services de renseignement russes (FSB) avaient accusé leurs homologues ukrainiens d’avoir planifié des attentats contre des « objectifs vitaux » du territoire criméen, notamment des infrastructures routières et touristiques. Moscou assurait alors avoir repoussé, au cours du week-end des 6 et 7 août, des tentatives d’incursion d’hommes armés venus du côté ukrainien de la « frontière ». A cette occasion, selon la version présentée par les services russes, deux officiers russes – l’un du FSB et l’autre de l’armée – auraient été tués et plusieurs agents ukrainiens capturés.

Ces accusations graves et inédites de « terrorisme » ont poussé M. Poutine àannoncer un « renforcement de la sécurité » dans la péninsule, jeudi. La veille, il avait prévenu que la Russie ne laisserait pas ces actions sans réponse. Vendredi, c’est son premier ministre, Dmitri Medvedev, qui a haussé le ton en dénonçant un« crime contre la Russie et le peuple russe » et menacé d’une rupture des relations diplomatiques avec l’Ukraine.

A Kiev, où les accusations russes sont jugées « absurdes et cyniques », le président Petro Porochenko a ordonné la mise en état d’alerte maximale des unités militaires stationnées à proximité de la Crimée. Les capitales occidentales, qui ont aussi exprimé leur scepticisme vis-à-vis des allégations russes, appellent à la retenue, mais la crainte d’un embrasement est réelle. D’autant que d’importants mouvements de troupes russes, qui avaient débuté avant les incidents du week-end, se poursuivaient vendredi, tant à l’intérieur de la Crimée qu’avec l’acheminement de nouvelles unités de Russie.

Dans ce climat volatil, la situation peut très bien se calmer aussi vite qu’elle s’est échauffée, mais le simple fait que la Crimée, et non les provinces en guerre du Donbass, soit à la source de ces nouvelles tensions, est en soi une donnée nouvelle et inquiétante, alors même que l’annexion du territoire, en mars 2014, avait été menée presque sans violence.

Des incidents confus

La situation et les motivations des acteurs sont d’autant plus illisibles que les incidents du week-end sont eux-mêmes particulièrement confus. Rien ne permet d’affirmer que les services ukrainiens n’ont pas réellement entrepris des actions en territoire criméen. Les services de renseignement ukrainiens (SBU) ont certes fait valoir que « l’Ukraine n’a aucunement l’ambition de récupérer par la force les territoires qui lui ont été pris », mais Kiev lutte désespérément pour que l’annexion de 2014, passée par pertes et profits dans les négociations entre Moscou et les Occidentaux, ne soit pas totalement oubliée.

La version présentée par les services russes comporte de sérieuses zones d’ombre, qui laissent fortement supposer que l’affaire a été, sinon inventée de toutes pièces, au minimum montée en épingle. Cette version russe fait état de bombardements à l’artillerie venus du territoire ukrainien, dont aucun témoin, sur les réseaux sociaux ou ailleurs, n’a vu la trace ou entendu les échos. Elle attribue l’opération au renseignement militaire ukrainien, mais Moscou n’a été en mesure de présenter qu’un seul de ces agents présumés : un dénommé Evgueni Panov, chauffeur routier dans la région de Zaporijia, dont on sait seulement qu’il fut un temps engagé volontaire dans l’armée ukrainienne, et dont la famille clame qu’il a été enlevé.

L’empressement inhabituel avec lequel Vladimir Poutine s’est exprimé, annonçant derechef son intention de suspendre les négociations de paix avec les Occidentaux sur le Donbass, montre aussi la détermination du Kremlin à exploiterl’épisode.

Offensives militaires « olympiques »

De quelle façon, et avec quel objectif ? La grande crainte ukrainienne, régulièrement exprimée depuis deux ans, est celle de voir la Russie tenter deconquérir la bande de terre reliant la Crimée à la partie du Donbass tenue par les séparatistes prorusses. Ces craintes font écho à la passion supposée de M. Poutine pour les offensives militaires dites « olympiques » (guerre en Géorgiependant les Jeux de Pékin en 2008 et annexion de la Crimée lancée au moment de ceux de Sotchi en 2014), mais surtout à la situation dans l’Est ukrainien, qui reste tendue, notamment autour de Marioupol, justement sur cette côte de la mer d’Azov, qui serait convoitée. Cette version maximaliste constitue l’hypothèse haute pour expliquer les troubles actuels – très haute, même, tant le coût militaire et politique d’un tel scénario serait élevé pour Moscou.

Mais elle a au moins pour vertu de rappeler que la péninsule est fortement handicapée par son nouvel isolement. Si la majorité de la population criméenne reste sans doute favorable au rattachement avec la Russie, celle-ci a eu le temps de constater, depuis deux ans, que sa situation ne s’était guère améliorée, tout cela au cœur d’une saison touristique morose. S’agirait-il alors de rappeler aux Criméens la précarité de leur situation et la valeur de la « protection » russe ?

L’hypothèse est valable pour la Russie entière. Pour nombre d’observateurs, Vladimir Poutine chercherait à détourner l’attention des Russes de la situation économique difficile du pays. Et ce, alors que l’ennemi préféré des autorités et desmédias russes ces derniers mois, le Turc Recep Tayyip Erdogan, s’est évaporé à la faveur de la réconciliation russo-turque.

Moscou peut aussi vouloir obtenir des concessions des Européens sur le Donbass, où la situation – autant du fait des Russes que des Ukrainiens – a viré depuis plusieurs mois au bourbier. En faisant soudainement monter les enjeux sur la Crimée, Vladimir Poutine se retrouverait ainsi dans la position, confortable, de celui dont dépend un éventuel apaisement. La situation de quasi-vacance politiqueaux Etats-Unis, engagés en campagne électorale, favoriserait cette stratégie.

Dernière hypothèse, en quelque sorte la plus basse, Moscou chercherait simplement à effacer les traces d’incidents qui ont échappé à son contrôle. C’est l’une des opinions qui s’expriment notamment au sein du ministère de l’intérieur ukrainien, où l’on attribue la mort des deux Russes à des échanges de tirs avec des déserteurs de l’armée russe désireux de passer en Ukraine. Là encore, il ne s’agirait que de détourner l’attention.

 

Source: lemonde

Leave a Reply

Your email address will not be published. Required fields are marked *

Suivez-nous sur Facebook pour ne rien rater de l'actualité malienne
Ecoutez les radios du Mali sur vos mobiles et tablettes
ORTM en direct Finance