Comme annoncé dans le communiqué du ministre de la Défense, le Colonel qui a ravi la célébrité aux 5 autres en quelques heures serait déjà aux arrêts. Il s’agit d’Alpha Yaya Sangaré, auteur d’un livre naguère hissé au firmament avant de se retrouver brusquement au cœur de la controverse. Un certain communiqué du département en charge de la défense est passé par-là. En plus de dénoncer le contenu de la publication, la hiérarchie administrative de l’auteur s’en désolidarise au même communiqué lu dans les médias d’Etat a coups de reproches d’être passés entre les mailles des censures appropriés.
Quelques jours auparavant l’ouvrage «Mali : Le défi du terrorisme en Afrique» était pourtant présenté comme le livre de référence pour tous ceux qui sont désireux d’appréhender les contours du phénomène terroriste sur le continent. La production du colonel de gendarmerie Alpha Yaya Sangaré faisait l’objet d’une publicité tel qu’une œuvre livresque en a rarement bénéficié sur les canaux étatiques et ses confrères se bousculaient au portillon pour associer leur nom au best-seller. C’est le cas du ministre d’Etat en charge de l’administration et de bien d’autres qui partageait à peine le privilège de présider la cérémonie de dédicace de l’ouvrage où les invités de marque ont rivalisé de propos dithyrambique sur les qualités de l’auteur et les vertus du joyau. Un chef-d’œuvre sur le terrorisme pour certains, un document de référence pour chercheurs sur le phénomène terroriste pour d’autre, etc. La salve d’éloges a dû peser si favorablement dans la balance des ventes que certains commendataires sur les réseaux se délectaient de la fluidité avec laquelle le lectorat se l’arrachait en dépit d’un prix au-dessus de la capacité du plus grand nombre parmi les victimes du terrorisme au Mali. Comme par un tour de magie l’heure glorieuse des fantasmes est subitement revenu en cauchemar pour l’auteur qui, naguère encore, faisait sans doute figure de fierté d’une classe militaire de plus en plus désireuse de disputer aux civils certaines aptitudes intellectuelles. Mais il a suffi que les autorités s’entichent de réserves pour les encenseurs et flatteurs les plus inconditionnels s’en lavent aussitôt les mains à la Ponce Pilate et fuient l’ouvrage comme la peste. À travers un désaveu officiel du département qu’il dirige, le parrain de la cérémonie de dédicace en est devenu le pourfendeur le plus déclaré et n’a trouvé pour seule excuse que d’avoir trempé dans une affaire dont il ignorait jusqu’alors la portée. En cause, des passages du livre où l’auteur commet l’imprudence d’effleurer une sensibilité à laquelle les partenaires les plus précieux n’ont pu résister aux autorités de transitions. Il s’agit des exactions imputées à l’armée malienne que l’officier supérieur n’a pourtant abordé qu’avec parcimonie et un laborieux effort de distanciation, en tentant autant que faire se peut d’attribuer les atrocités décrites à leurs sources originelles. Y figurent des témoignages de tortures, de traitements infra-humains, de détentions arbitraires, etc. Autant de pratiques souvent consignées dans les rapports de la Minusma et qui sont à l’origine de la brouille à laquelle la mission onusienne n’a pas survécu au Mali. Et lorsqu’un officier supérieur en fait une référence dans un livre, il va sans dire qu’elles jouissent de plus de crédit que les dénonciations d’instrumentalisation de la question des Droits de l’Homme que les autorités maliennes n’ont eu de cesse de brandir sur les tribunes de l’ONU. L’auteur de l’ouvrage a aussi brisé des tabous, pour qui se souvient que la disgrâce du régime d’IBK est survenue au lendemain de la publication d’un rapport onusien avec de graves présomptions passibles de poursuites à international.
A KEÏTA