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Cameroun : tollé après le massacre de Ntumbo

REVUE DE PRESSE. L’attaque d’un village situé en zone anglophone, pour certains imputée à l’armée camerounaise, a suscité de vives réactions.

« Un malheureux accident, conséquence collatérale des opérations de sécurisation dans la région. » Voici comment l’armée camerounaise a justifié la mort des 23 civils, dont des enfants, survenue vendredi dans le village de Ntumbo. Ce lundi 17 février, le colonel Cyrille Atonfack Guemo, porte-parole de l’armée, a livré à l’AFP sa version de l’affaire. Selon lui, quatre militaires et deux gendarmes qui effectuaient une « reconnaissance nocturne à pied » près d’une habitation « transformée en camp fortifié » et en stock d’armes, ont essuyé des « tirs nourris ». « Sept terroristes » ont alors été mis « hors d’état de nuire » lors de cette opération. Toujours selon le colonel, « les combats vont se poursuivre jusqu’à l’explosion de plusieurs contenants de carburant, suivie d’un violent incendie qui va affecter quelques habitations voisines ». « Cet incendie a fait 5 victimes, dont une femme et 4 enfants, bien loin de ce qui est relayé dans les réseaux sociaux », a-t-il affirmé.

Une version qui contredit fortement celle de travailleurs humanitaires contactés par l’AFP, qui parlent, eux, d’une attaque de 40 à 50 hommes armés – pour certains masqués – et qui ont tué par balle et brûlé des habitants. Dimanche, un représentant de l’ONU dans la province avait assuré à l’AFP que 22 civils, dont 14 enfants, une femme enceinte et deux femmes portant des bébés, avaient été tués par là aussi par « des hommes armés ». D’autres sources évoquent un bilan mortel bien plus élevé : l’avocat et militant des droits de l’homme Agbor Felix Nkongho, parle de 32 civils tués. Un habitant, qui a requis l’anonymat, affirme que 35 corps ont été retrouvés et accuse l’armée, dans un entretien téléphonique avec l’AFP.

 

« Un mauvais scénario de série Z »

La réaction de l’armée, survenue plus de trois jours après le drame a immédiatement déclenché un tollé sur les réseaux sociaux. Des représentants de l’opposition, qui s’étaient déjà insurgés ce week-end contre les faits perpétrés, n’ont pas caché leur stupéfaction. Surtout que le contexte ne joue pas en la faveur de l’armée. Lundi était prévu le procès de sept militaires accusés d’avoir froidement exécuté en 2015 deux femmes et leurs bébés, dans le nord du Cameroun. À l’époque de ces assassinats, révélés par une vidéo, le gouvernement avait parlé de « fake news » et « d’horrible trucage »… avant de se rétracter et d’arrêter les sept militaires.

Pour l’opposante Édith Kah Walla, candidate à la présidentielle en 2011, la réaction des militaires est « incroyable ! ! ! ! ! ! ! ! ! ! Mais qui sont ces monstres ? ! ? ! ? Qui sont-ils ? ! ? ! ?, s’est-elle émue sur Twitter. Après avoir nié le massacre, voilà comment l’armée traite les vies humaines ». Pour le célèbre blogueur Florian Ngimbis « le déroulé des opérations tel que relaté fait plus penser à un mauvais scénario de série Z », écrit-il sur le réseau social, assénant : « Ce serait drôle si les circonstances n’étaient pas si dramatiques. » L’avocat et opposant Akere Muna a lui aussi partagé son désarroi sur Twitter, affirmant que « qualifier la perte de vie de “simple dommage collatéral” les tue une deuxième fois ».

Une vie perdue est une vie de trop. Il ne s’agit pas de chiffres mais d’. Qualifier la perte de vie de « simple dommage collatéral » les tue une deuxième fois. Mon cœur saigne, mais je sais que le peuple de se relèvera et il le fera encore 1000 fois.

 

Qui est coupable ?

Au-delà de l’émotion suscitée par l’attaque, la presse camerounaise s’interroge. Qui est vraiment le coupable de ce massacre ? Pour quelques titres nationaux, la réponse n’est pas si limpide. « D’après des sources locales, la confusion règne au sein de la population, révèle le journal en ligne Camer.be. Les habitants ne peuvent pas dire avec exactitude qui sont les auteurs de la tuerie. Les riverains ne savent pas si ce sont des séparatistes qui se sont déguisés en militaires pour orienter leur appréciation ou ce sont de vrais soldats. » Le site d’informations Actu Cameroun confirme : « un flou demeure sur les auteurs » de la tuerie.

Pour Le Messager en revanche, la réaction de l’armée est révélatrice de la responsabilité des autorités. « Le gouvernement plaide coupable », titre en effet le journal dans son édition du jour, tout en soulignant le décalage entre les chiffres du ministère de la Défense, « 5 victimes civiles », et ceux de l’ONU, « 22 morts ». Un avis partagé par Le Journal du Cameroun pour qui la justification de l’armée traduit de « son implication », « à demi-mot ». « Il aura fallu une flopée de photographies, l’indignation d’une partie de l’opinion, des chiffres des Nations unies ; pour que 72 heures plus tard, l’armée reconnaisse son implication dans le massacre de Ngarbuh », regrette le média en ligne.

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Une enquête indispensable pour déterminer les responsables

Afin de dissiper la controverse autour des responsables de la tuerie, plusieurs voix s’élèvent en faveur de l’ouverture d’une enquête. « C’est une obligation, avec des membres de la société civile, du gouvernement, et de l’opposition. On doit savoir qui a fait ça et trouver une solution à cette guerre inutile. Les civils sont les victimes », soutient l’avocat des droits de l’homme Félix Agbor Balla sur sa page Facebook. Un appel soutenu également par Cabral Libii, président du Parti pour la réconciliation nationale du Cameroun, et par l’ONU. Ce 18 février, l’institution, par la voix du Haut-Commissariat pour les droits de l’homme (HCDH), a en effet réclamé aux autorités camerounaises une enquête « indépendante, impartiale et complète ».

Le Social Democratic Front (SDF), parti d’opposition dont le fief électoral se situe justement dans les régions du Sud-Ouest et du Nord-Ouest, a annoncé quant à lui vouloir faire cavalier seul. Dans un communiqué, le SDF affirme en effet mener « actuellement sa propre enquête sur ces crimes horribles », sans toutefois désigner expressément l’armée comme l’auteur de ces « barbaries odieuses, lâches et arbitraires ».

Francois Bambou@Francois_Bambou

Le Social Democratic Front s’indigne du massacre de Ngarbuh et initie sa propre enquête pour établir les responsabilités

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Quoi qu’il en soit, pour Christian Penda Ekoka, ce massacre est celui de trop. L’ex-conseiller économique du président Paul Biya, passé depuis à l’opposition auprès de Maurice Kamto, exhorte la communauté internationale à intervenir. « Le silence est désormais coupable devant l’ampleur des massacres des populations innocentes dans les régions du Nord-ouest et du Sud-ouest du Cameroun, estime-t-il dans un tweet relayé par le site d’informations Cameroon Info. La Communauté internationale, au premier chef l’ONU et les grandes puissances, doit prendre acte de l’incapacité du régime de Yaoundé d’apporter une solution politique appropriée à cette tragédie et intervenir pour arrêter cette barbarie. Rien ne justifie de telles horreurs, sauf la volonté manifeste d’exterminer », a-t-il déploré. Reste à savoir si son appel sera entendu.

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