Amener les autorités du Mali à adopter le l’avant-projet de loi pour la répression, la prévention et la prise en charge des victimes de violences basées sur le genre, tel était l’objectif de la conférence active initié par la Hèra Fondation avec ses partenaires. C’était lundi 9 décembre 2019 au CICB sous la présidence du ministre de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, Dr Diakité Aïssata Traoré, en présence de la présidente de la fondation Hèra, Me Nadia Myriam N’biloulé, du secrétaire général du collectif Dafadye, Elias N’Doye, de la directrice du cabinet Incognito, Pascale Kouamé et d’autres invités de marque.
C’est par un slam retraçant les souffrances de la jeune fille et de la femme suivit d’un témoignage du représentant du guide d’ançardine international Cherif Ousmane Madani Haïdara, président du haut conseil islamique du Mali, Badra Aliou Ousmane Haïdara que cette rencontre de plaidoirie a commencé. Si les premiers ont fait le récit des souffrances vécues par les femmes, le second a fustigé ce comportement contraire aux principes de l’islam. Le représentant du guide a promis l’appui du haut conseil islamique dans la lutte les VBG.
Le secrétaire général du collectif Dafadoye, Elias Ndoye, du Sénégal a demandé à l’Etat du Mali d’adopter le projet de loi. « Dô kèra madame le ministre », a dit M. Elias avant d’appeler les autorités à mettre en œuvre les conventions signées. Quant à la directrice du cabinet Incognito, Pascale Kouamé, elle a salué le cadre qui s’inscrit dans la Stratégie de lutte contre les VBG à l’horizon 2030.
C’est par une minute de silence pour le repos de l’âme de toutes ces femmes assassinées que la présidente de la Fondation Hèra a introduit son discours à l’allure d’une véritable plaidoirie de l’avocate qu’elle est dans la salle de banquet du CICB transformée en cour et dont la présidente de l’audience était Madame le ministre.
« Madame le Ministre, acceptez d’être la Présidente de cette audience, d’être assistée de vos assesseurs, j’ai, nommé Messieurs les membres du gouvernement qui vous accompagnent ; le banc du Ministère public sera occupé par les Honorables députés qui ont accepté d’être avec nous ce jour, le Greffe audiencier se fond en la personne de nos rapporteurs, de sorte que tout ce qui sera dit en cette assemblée soit acté dans leur rapport plumitif, les témoins, cette auguste assistance, notre société plurielle, sous le regard bienveillant de nos Chefs religieux et traditionnels, eux ne manqueront pas de nous rappeler à l’ordre chaque fois que notre chemin s’évertuera à dévier, le tout sous la mémoire inébranlable des dépositaires de l’histoire et de ceux de la presse, qui permettent par leur écrit de consigner nos paroles pour l’avenir », a lancé Me Nadia Myriam M’Bioulé..
Selon l’ancienne lauréate du concours d’éloquence et ancienne président de l’association des jeunes avocats du Mali, « nous sommes en audience solennelle, une audience se greffant à la mouvance des 16 jours d’activismes, débutés depuis le 25 novembre dernier et s’achevant demain 10 Décembre 2019, comme cette action de plaidoyer, dont la première étape a démarré le 31 juillet, Jour de la panafricaine, comme pour rendre hommage à toutes les pionnières de cette journée, commémorative des droits de la femme ».
« Vêtue de ma toge au cours de cette audience, je me constitue d’office pour défendre les voix éteintes, inaudibles, les sans voix, les muettes voix, les voies tues à jamais. Ma toge est beige, et mon foulard est orange, comme vous, je veux oranger le monde, je suis de la génération complémentarité égalitaire et je m’insurge contre toute formes de violences, psychologiques, sexuelles, physiques ou économiques ».
2779 cas de Violences enregistrés de Janvier à Septembre 2019
Les statistiques sont alarmantes, 2779 cas de Violences ont été enregistrés de Janvier à Septembre 2019 (chiffre du ministère de la promotion de la femme) dont entre autres des agressions sexuelles, les viols, les mariages forcés, les violences émotionnelles, etc
Une femme sur quatre malienne a déjà subi une forme de violence. Les violences faites aux femmes et aux filles deviennent complexes et multiformes, elles se sont accrues depuis 2012, plusieurs ne sont pas prévues par notre droit positif malien, et c’est bien celles-là, les grandes absentes, qui causent plus de dégâts et de pertes.
C’est combler ce vide en amenant les gouvernants à adopter la loi contre les VBG que Fondation HERA a décidé de mener cette action de plaidoyer afin d’influencer les politiques publiques favorables à la protection renforcée des droits des femmes et à la lutte contre l’impunité des crimes de VBG au Mali.
Hèra Foundation met à la disposition des victimes de VBG 10.000.000 FCFA
Selon Me Nadia, les VBG à l’égard des femmes et des filles nécessitent une prise en charge socio-économique des victimes survivantes.
HERA FOUNDATION, quant à elle joue sa partition par le sacerdoce de ses membres fondateurs, tous Avocats, rompus à la pratique judiciaire, mais aussi à l’assistance juridique et judiciaire des femmes victimes de VBG depuis 2015 à la faveur d’une belle collaboration avec DEMESO. A ce jour, plus de 300 cas recensés, essentiellement dans le District de Bamako, Kati et Ségou.
Un pool d’Avocats spécialisés en VBG composé de 20 Avocats, tous régulièrement inscrits au Barreau du Mali, voit le jour au nom et pour le compte de la Fondation, tous engagés à mettre leurs toges et à sillonner l’ensemble du territoire judiciaire malien pour offrir leur assistance. En attendant la mise en place du fonds à l’aide judiciaire prévu par l’avant-projet de loi, les partenaires de la fondation DEMESO et WILDAF pourvoiront aux primes de prise en charge.
A cela s’ajoute, la mise en place d’un fonds de l’entreprenariat social (FESO) dédié à apporter une assistance juridique et formative aux femmes en général, mais aux femmes victimes de VBG en particulier, afin de développer l’incubation de micro-projets d’entreprenariat social pour leur prise en charge économique. HERA Foundation, fait une dotation initiale de F.CFA 10.000.000 dans ce fonds et poursuit la réflexion avec ses partenaires Banque Atlantique, Atlantique Micro Finance, et Baobab, afin de trouver un modèle d’autonomisation économique propre aux femmes victimes de violence.
Pour terminer sa plaidoirie, l’Avocate a demandé au ministre Diakité Aïssata Traoré, de délibérer sur le siège. « Il vous est très respectueusement demander de délibérer sur le siège, en décidant que l’avant-projet de loi sera adopté, et ce sera justice », a-t-elle conclu.
Le ministre de la promotion de la femme, de l’enfant et de la famille, qualifiant la conférence d’un véritable plaidoyer en faveur de l’adoption de la loi, a déclaré que l’avant-projet de loi mérite d’être revu. Elle s’est engagée pour l’adoption de la loi, et à produire chaque année un rapport annuel qui sera soumis à l’assemblée nationale lors de sa première session. « Ne soyer plus des témoins, soyons des acteurs dans la lutte contre les VBG », a-t-elle ajouté.
Daouda T Konaté
Mali24