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Auditionné par les députés à propos du fiasco de Kidal : Mara a-t-il dit toute la vérité?

Le Premier ministre Moussa Mara était, le lundi dernier, face aux membres de la commission d’enquête parlementaire de l’Assemblée Nationale sur les opérations militaires déclenchées, au mois de mai dernier, par l’armée pour reprendre Kidal. Ces opérations, faut-il le rappeler ont abouti à un fiasco. Son audition, intervenue après celle de l’ancien ministre de la défense, Soumeylou Boubèye Maïga, était très attendue. Parce que Mara, qui ne s’est pas privé de raconter des contrevérités sur l’achat du Boeing d’IBK, pourrait bien remettre ça et tenter de noyer le poisson. On se demande, dès lors, quelle vérité, il a pu dire à cette commission dirigée par l’honorable Niamé Keïta.

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La commission d’enquête parlementaire de l’Assemblée Nationale sur la débâcle de l’armée malienne à Kidal, est à pied d’œuvre pour situer les responsabilités. Même Si le gouvernement en a déjà tiré les conclusions en rendant Soumeylou Boubèye Maïga seul responsable de ce fiasco militaire. Il a été sacrifié et limogé à la place du véritable responsable.

En effet, en mai 2014, le Premier ministre Moussa Mara, avait décidé de se rendre à Kidal pour, dit-on, lancer l’opération du retour de l’administration dans cette localité toujours aux mains des groupes rebelles. Le 17 mai, au mépris des conseils et des avertissements des partenaires (Minusma et Serval), Mara se rend à Kidal à la tête d’une délégation ministérielle. Cette visite avait donné lieu à des manifestations hostiles téléguidées par le Mnla et ses complices. Le premier ministre et sa délégation furent contraints de battre en retraite et de regagner Bamako. Mara y déclare l’état de guerre. L’armée avait alors reçu des ordres pour reprendre Kidal.

Et pourtant, Moussa Mara a été informé de la situation qui prévalait à Kidal. L’armée malienne n’est pas dans une posture favorable. Elle était cantonnée. Et ne pouvait assurer la sécurité d’aucune autorité, encore moins des populations. Le Premier ministre savait que sa visite à Kidal présentait beaucoup de risques. C’est ce qui avait été dit à l’ancien Premier ministre Oumar Tatam Ly, qui avait pris la sage décision de renoncer, à la dernière minute, à une visite à Kidal, en novembre 2013.

Moussa Mara était presque dans la même situation. Mais, il en a décidé d’y aller quand même. Le résultat est connu : d’innocentes personnes ont perdu la vie, des administrateurs ont été pris en otage, puis égorgés. S’en est suivi une vive tension entre nos partenaires (Minusma et Serval) et les Maliens ; une défaite de notre armée contre le Mnla et ses alliés djihadistes, des morts et des blessés ; des prisonniers. Bref, les forces armées maliennes ont subi la plus grande humiliation de leur existence.

Une humiliation causée par Moussa Mara, mais aussi et surtout par le président de la République, Ibrahim Boubacar Keïta, dont la cote de popularité n’a cessé de dégringoler depuis son arrivée au pouvoir en septembre 2013. Justement, c’est dans la quête de corriger cette chute libre qu’il faut chercher  la vraie raison de la visite de Moussa Mara à Kidal. Et surtout la justification de l’assaut lancé par l’armée pour contrôler cette ville qui reste aux mains des groupes armés.

Pour le pouvoir, le calcul était simple : obtenir un double bénéfice du voyage du Premier ministre à Kidal. Ce déplacement, s’il avait réussi, allait permettre à IBK de redorer son blason après la cascade de scandales qui ébranlent la République : affaire de l’achat d’un avion présidentiel et d’armements, affaire Michel Tomi…

Il fallait vite trouver une parade. Ne dit-on pas que la meilleure manière de détourner l’attention d’un peuple désemparé, c’est de provoquer une tension ou une guerre ? Et IBK, qui a déjà joué à merveille sur le terrain du nord et qui connait le sentiment patriotique des Maliens, a envoyé Mara au charbon, alors que lui-même, depuis son accession au pouvoir, n’a pas mis le nord dans son agenda de voyages.

Pour sa part, le Premier ministre, par pure populisme, voulait réaliser un grand coup. Il voulait surtout réussir là où son prédécesseur a échoué.

Alors, faute de solution militaire et politique, Kidal est demeurée une zone à hauts risques pour les officiels maliens. Et le pouvoir a toujours tenté de cacher la réalité qui prévalait dans cette ville. Or, l’armée et les forces de sécurité étaient confinées dans le camp N°1, les administrateurs de la région n’étaient pas libres de leurs mouvements. Alors que les mouvements armés se renforçaient en hommes et en matériel. Ils paradaient dans la cité. En toute impunité. Malgré tout, les autorités maliennes ont opté pour la politique de l’autruche jusqu’à cette visite de Mara. C’est dans ce contexte de cafouillage, de tâtonnement et d’indécision qu’est intervenu le voyage du Premier ministre.

Si Mara avait réussi son «coup», le pouvoir était prêt à en tirer les dividendes politiques. Ce qui explique l’assaut précipité de l’armée, après l’échec de la visite et les assassinats perpétrés sur d’innocents citoyens.

L’assaut ? Il a été précipité, irréfléchi et mal monté. Comment peut-on planifier, en seulement 72 heures, une opération militaire de grande envergure? Moussa Mara affirme après coup que : «l’attaque lancée par l’armée malienne n’est pas venue de l’autorité politique». Alors, qui a donné l’ordre à l’armée ?

C’est à cette question que tenteront de répondre les enquêteurs de l’Assemblée Nationale suite à leurs investigations. Avant Mara, ils ont auditionné Soumeylou Boubèye Maïga. Et dans les prochains jours, les chefs militaires, de Bamako à Kidal, se succèderont devant les parlementaires pour la manifestation de la vérité. Qui, espérons-le, permettra de blanchir les innocents et de sanctionner les coupables.

Idrissa Maïga

SOURCE: L’Aube  du   11 déc 2014.
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