La société d’Etat Energie du Mali ne parvient pas à satisfaire la demande qui croît de 10 % par an, la faute notamment à des centrales thermiques antédiluviennes.
Tous les soirs ou presque, c’est le même rituel. Mamadou Haïdara et son épouse passent de longues heures à bavarder dans leur salon plongé dans l’obscurité à Bamako, capitale soumise comme toutes les villes du Mali à d’incessantes coupures de courant. Pas de ventilateur pour se rafraîchir, pas de batterie pour les téléphones portables… Les soirées étouffantes se succèdent et il faut improviser des solutions.
« J’ai acheté pas mal d’éventails. Je les partage avec certains enfants et avec nos dames de ménage », explique Mamadou Haïdara, cadre dans le privé, en agitant mollement sa nouvelle acquisition. Pour écourter l’épreuve dans la coquette maison du quartier Baco Djicoroni, les Haïdara se couchent tôt, mais les enfants peinent à trouver le sommeil.
« Energie du mal »
A la maison comme au travail, les heures paraissent longues quand la température dépasse 40 degrés pendant la saison chaude. « On passe toute la journée ensemble sans rien faire, en bavardant seulement. C’est une situation qui décourage. On est donc obligé de rester les bras croisés » faute d’électricité, déplore Ibrahim Konaté, chef soudeur dans un atelier métallique à Bamako. « C’est pénible pour un ouvrier qui quitte chez lui et constate un délestage au travail. C’est comme si nous venions et retournions les mains vides », s’agace-t-il.
Ces coupures pèsent sur l’économie. « En cette période de forte chaleur, les gens ont besoin de produits frais. Lorsque les produits ne sont pas frais, les clients refusent de les acheter. C’est nous qui en subissons les conséquences », souligne Issa Dicko, gérant d’un magasin d’alimentation. « Les gens n’ont pas les mêmes tempéraments. Certains clients se mettent en colère », se désole Oumar Yattare, caissier dans un restaurant de la capitale.
La société Energie du Mali (EDM), surnommée « Energie du mal » par certains usagers, ne parvient pas à satisfaire la demande en électricité qui croît de 10 % par an en moyenne selon le ministère de l’énergie. La faute, notamment, à des centrales thermiques antédiluviennes et gourmandes en énergies fossiles.
Une dette colossale
Un rapport du ministère de l’énergie en 2019 pointe « un coût de production très important du fait de la production thermique, ce qui conduit actuellement à un déficit de près de 50 francs CFA [0,075 euro] sur le prix de vente moyen du kWh ».
Vendant son électricité à perte, la compagnie a accumulé une dette colossale. Le 28 mars, la Banque ouest-africaine de développement (BOAD) a acté la mise en place d’un programme d’apurement, d’un montant de 45 milliards de francs CFA (quelque 68 millions d’euros).
Les usagers comme Mamadou Haïdara prennent leur mal en patience : « On fait des publicités, on nous montre des convois de groupes électrogènes, on nous dit que telle centrale est en cours de finition… Nous attendons toujours. »